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21/07/2007

STRAPPING YOUNG LAD

9a238d26f0d32304b723ba4bd1bd8414.jpgDes frontemen charismatiques, voire complètement mégalomanes, ce n’est pas forcément ce qui manque dans le milieu des groupes metalos. Mais j’ai eu beau fouiller dans ma culture musicale, je ne trouve pas vraiment d’exemple de formations dont la toute-puissance tienne à son chanteur.

 

Dans le meilleur des cas, c’est une alchimie entre un vocaliste aussi costaud que le son des musicosses, gratteux en tout premier lieu. Au pire, ça tient plus à la personnalité de l’intéressé qu’à l’étendue de sa palette vocale. Il est vrai que pour faire du bruit, pas besoin de suivre la méthode Alexander. Et pourtant, voici des extrémistes du metal qui ne seraient que très honorables sans l’apport capital du braillard-en-chef, également gratteux et pianiste, Devin Townsend.

 

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On l’avait découvert dans l’entourage de Steve Vai, au début des années 90, pour le lamentable album solo de l’imbouffable prodige, dans une veine hard-variète-crooner tout juste bonne pour agrémenter votre ascenseur préféré. Mais impossible de manquer, sous les arrangements grotesques et les compos ampoulées, l’organe et le souffle remarquable de ce jeune barjot, seul crâne poli parmi les tignasses glam.

 

Il n’est pas plus lyrique qu’Eric Adams (Manowar) ; il n’égale pas les gargarismes de Barney (Napalm Death) ni les expectorations de Glenn Benton (Deicide), ni les déchirures insanes de Seth Putnam (Anal Cunt). Il se situe plutôt à l’improbable croisée de ces trois manières de s’épuiser les cordes vocales.

 

Car l’animal est capable de tenir une note à la fois haut perchée, saturée et poussée à pleins poumons, un véritable triathlon qui confère aux morceaux une intensité tétanisante. Il oscille avec une aisance extravagante entre les hurlements grindcore, et le chant clair, chaud, immédiatement reconnaissable. Caractéristique supplémentaire, aucun cri ne semble être trop aigu pour lui, jusqu’aux sons les plus inhumains, façon gorge de hyène au dernier stade du polype.

 

Ces envolées impériales et hystériques à la fois survolent un univers sonore d’une rare compacité, où la lourdeur de Crowbar valse avec la déglingue de Nine Inch Nails ou l’impact ramassé du Pantera de Vulgar Display of Power. Contrepoint miraculeux à l’omnipotence du chant, les structures privilégient l’intensité et l’effet coup-de-boule, loin de l’obsession pour les mélodies le plus disharmoniques possible, qui rend si chiantes tant de productions extrêmes.

 

Ce qui rend possible cette simplicité volontaire ? Un son ENORME et d’une précision satanique, qui donne ses lettres de noblesse à l’idée de « frappe chirurgicale ». Les cavalcades débridées alternent avec des ambiances quasiment hardcore de par leur dépouillement, sans que la mélodie se fasse jamais submerger par un boucan désordonné. On ne trouve rien, ici, des gribouillages audio du grind traditionnel, où aucun tempo ni aucune structure n’est identifiable : chaque chanson a sa couleur propre, son moment de luminosité qui dresse les poils sur les bras.

 

Qu’on prenne, par exemple Love ? sur la dernière galette en date, Alien. Tout au long de ces 4’53’’ de brutalité sous pression, ce pur timbré passe des hurlements animaux à des psalmodies fragiles puis à des déclamations à pleins poumons, avec l’aisance et la précision d’un gymnaste médaillé or.

 

Je connais à ce jour trois productions du groupe : le susnommé Alien (2005) City (1998) et l’album éponyme sorti en 2003. Tenter d’en faire un classement serait un casse-tête niveau Morgenstern, tant le niveau se maintien dans la rage, l’inventivité, le taux de pied-au-cul moral que toutes contiennent invariablement. Chopez-les tous ou coulez-vous du goudron dans les tympans.

 

A la réflexion, faites subir ça à une cousine qui écoute du arènebi, en signe de deuil. Car oui, mes bien chers frères en voie d'extinction, le groupe a mis fin à ses activités en mai dernier.

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