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26/03/2013

LE GENOCIDE EUROPEEN EXPLIQUE SIMPLEMENT PAR UNE BELLE PARABOLE D'IVROGNE

 

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Posons que je vous invite à casser la croûte à la maison.

Oui, l'hypothèse est tirée par les cheveux, que je n'ai pas très longs. Cela supposerait au strict minimum que vous ayez écouté - et compris - l'intégralité de ceci, que vous ressembliez au moins vaguement à cela, un compromis entre les deux options étant bien entendu préférable aux yeux d'un modéré comme moi.

Vous ayant installés avec un apéro à base de taillé aux greubons et chasselas bien frais, je m'éclipse, prétextant le dépucelage d'une excellente bouteille pour l'occasion. Alléchés par les fumets sortant de la cuisine, vous y pénétrez sans autorisation et me surprenez non pas en train de touiller la sauce blanche avec mon troisième bras, mais de remplir une prestigieuse topette d'un grand millésime avec un rince-cochon rosâtre sortant d'un cubi graisseux. Je considère comme très probable que vous convaincre d'en boire et vous le faire apprécier sera un poil sportif.

Pourtant, si vous êtes un grand progressiste, la triste vinasse devrait vous faire l'effet d'un étourdissant nectar, du simple fait de son passage dans une boutanche portant une belle étiquette.

Ah mais oui ! Qui a dit que c'était à la portée du premier connard venu ? C'est difficile, je vous l'accorde. Mais d'une logique !

Si le récipient ne se brise pas, vous pourrez considérer ce pinard comme parfaitement intégré, et considérer tout individu sceptique face à ce raisonnement comme un hitlériste à lobotomiser sans anesthésie car nuisible au Vivransambles.

Si l'on poursuit le long de cette scabreuse métaphore oenologique, l'homme de droite s'intéresse au contenu de la bouteille, tandis que le sursocialisé n'est qu'un méprisable buveur d'étiquette. Pour ce dernier, l'inné n'est rien, l'acquis est tout, et il n'est pas de phénomène humain qui ne s'explique exclusivement par des facteurs environnementaux. Du chasselas transvasé dans une bouteille de pinot se transforme miraculeusement en vin rouge. L'homme ne compte pas, c'est sa place et sa fonction au sein de la société qui importe. Il s'y comporte comme la dernière des merdes ? La société est coupable et doit s'amender en se montrant infiniment plus patiente, compréhensive et maternelle qu'envers, disons ? un joueur de foot qui met son bras à un angle non-validé par la Licra.

Depuis quelques décennies, les propriétaires du monde semblent très intéressés à remplacer le contenu démographique des pays occidentaux, tout leur conservant l'apparence de leur état originel. La devanture du restau gastronomique reste, l'arrière-boutique est devenue un kebab-pizza-sushi bar où les normes d'hygiène sont gang-banguées jour et nuit. S'en formaliser ? Fasciste. Les chiens font très officiellement des chats, parce que reconnaître le contraire serait apporter de l'électricité à la dynamo d'Adolf.

La traçabilité du vomitif hachis de fausses lasagnes surgelées pour le lumpen à crédit-conso ? Plus que nécessaire. Un marigot quelconque où des espèces exotiques, importées par pure obsession du pognon, ont éliminé la faune autochtone ? Un désastre écologique. N'y pensez même pas en matière de groupes et d'individus constituant une nation.

De ce point de vue, les écolos les moins inconsistants, et les plus « respectables », sont encore ceux qui ont assez mûri pour faire leur deuil de l'antique folklore subversif du Komintern et se sont mis au service du libéralisme à visage humain greffé: eux au moins tentent de vous la mettre sans vous faire croire que c'est pour vérifier l'élasticité de votre prostate.

20/11/2010

LA DIGNITE PERDUE

 

Avant, ces collines étaient couvertes de petites parcelles. Tout le monde les cultivait. La vigne était partout. Maintenant, les gens sont paresseux, emportés par le consumérisme. Ils n'ont plus d'identité. Ils ne savent plus d'où ils viennent. Ils se font plus souvent du mal. Nous avons été réduits au rang de bêtes. Mais même les bêtes choisissent ce qu'elles mangent. Nous avons perdu notre dignité.

Giovanni Battista Columbu (Mondovino)


01/10/2010

ON VA PAS SE FOUTRE DE NOTRE GUEULE QUAND MÊME

La liberté est une salope qui ne se donne qu'aux pourceaux et aux assassins, et, si on la veut, il faut la mener au lit à coups de bottes. (attribué à Léon Bloy).

17h. Le soleil décline et nous chauffe la peau à travers les vêtements légers que nous pouvons encore miraculeusement porter en ce début d'automne brumeux, aux petits matins glaçants. Une semaine d'expédiée. Et comme cette existence est une garce, on va appliquer la recette du périgourdin aux yeux fous et lui défoncer la rondelle comme il faut ce soir. Suivez la manoeuvre, c'est tout con.

Au frais : j'hésite encore entre un chardonnay, un chasselas ou un pinot gris. Ce sera selon l'humeur, pour faire un sort à cette saucisse si sèche qu'on dirait un bout de bois noirci.

En ce moment, mijote le coulis de tomates – des coeur-de-boeuf ramenées de la ferme toute proche, avec ail rose, échalotes, origan du fabuleux jardin d'un pote rital, gros sel et clous de girofle. Objectif : évacuer un peu de flotte pour ne conserver qu'un jus épais et moelleux. On y incorporera, au moment de servir, une ratatouille à base de courgettes et poivrons brièvement sautés, ainsi que des petits dés d'aubergine préalablement frits.

Sur le plan de travail, une côte de boeuf rassie à souhait, dont les bords prennent cette teinte violacée affriolante pour l'oeil expert. Nous lui fermerons sa gueule quelques secondes au grill en fonte, puis l'enfournerons à 200° pendant quinze à dix-huit minutes, sous cloche. On y nappera ensuite un bon morceau de beurre manié à l'ail frais, ciboulette et persil.

Et pour sublimer ce modeste programme, nous déboucherons d'ici quelques temps une topette de Château Barrabaque cuvée Prestique, un incomparable Canon-Fronsac 2003 offert récemment par un homme de goût et de parole.

Tout doit disparaître.

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20/07/2010

CHASSELAS 101

C'est bientôt l'heure de faire péter les topettes et d'enterrer une nouvelle semaine, causons picrate.

 

Bob Pied-Noir espérait quelques lignes sur « le vin suisse ». C'est pour l'obliger que je ponds ces  quelques lignes sur un sujet beaucoup plus restreint, à savoir quelques choses que je sais de certains pinards que l'on fait sur mes terres vaudoises, dont la beauté n'a d'inverse proportionnelle que la piètre qualité de ses habitants, mais je m'égare. Digresser en guise d'intro, ou l'art d'estourbir le plus bienveillant des lecteurs. Passons.


Un cépage y exerce une domination d'autant moins contestée qu'il est autochtone : le chasselas. On lui a inventé des origines exotiques, mises à mal par les dernières recherches en la matière. Il s'épanouit le long du bassin lémanique; pratiquement partout ailleurs, il s'acclimate si mal que beaucoup de vignerons ricanent encore à l'idée qu'on puisse en tirer un vin buvable. S'il est connu en-dehors des frontières helvètes, c'est parce qu'il sert plus volontiers d'échelle pour mesurer la maturité des autres cépages. En Valais, il se désigne sous le nom de Fendant, mais pas de gourance: c'est bien le même individu. Il y a quelques décennies, des fonctionnaires ont cru très intelligent de le baptiser du nom idiot de Dorin dans le canton de Vaud, et de Perlant à Genève. Ces pseudos humiliants ont heureusement disparu depuis.


Pas évident de le décrire à qui n'en aurait jamais bu. Au palais vaudois, il paraît constituer un archétype, une base universelle, un produit si basique qu'on ne voit pas pourquoi on lui concéderait plus de prestige que le pain ou l'eau plate. Jusqu'à une époque récente, ce tranquille mépris paysan a poussé bien des caves à fourguer des merdes sans nom au consommateur, censé ne faire de différence qu'entre le blanc et le rouge. A l'inverse, le dégustateur hexagonal qui le découvre risque d'être surpris, voire de n'y rien comprendre, comme me le confiait récemment un amateur pourtant plus éclairé que ma pomme sur la question.

 

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Posons quelques évidences grossières jusqu'à la caricature mais qui aideront à ce qu'on se comprenne bien.


A qualité comparable, un vin blanc français sera plus volontiers sur l'acidité, alors que le chasselas sera, lui, sec mais fruité. C'est un mélange que bien des frocards à qui je l'ai présenté  laisse durablement perplexe. Le Vaudois formé à ce mélange particulier, qui lui semble pourtant bien banal, sera retourné par la violence des blancs de France, dont les arômes citronnés lui fissureront l'émail des molaires. Cette différence fondamentale éclaire les habitudes respectives de consommation: par chez moi, on vous proposera presque fatalement du blanc à l'apéro, phénomène bien moins massif chez nos voisins tricolores. Rares sont leurs blancs qui peuvent se passer d'un plat en accompagnement; le chasselas, s'il irradie de bonheur en compagnie d'un taillé aux greubons ou de quelque salaison campagnarde, se suffit amplement à lui-même.


Si l'on se plaît à lui trouver « un goût de reviens-y », c'est avant tout parce qu'il est apprécié dans sa jeunesse: on y recherche de la fraîcheur, de la vigueur, de l'insolence. On commence à peine à réaliser, hors du cercle des spécialistes, son fabuleux potentiel de vieillissement et la complexité que lui confère le temps, même en bouteilles capsulées. Pour le populo, c'est sa rusticité, sa légèreté, qui fait tout son attrait, loin des notes riches et lourdes des grandes appellations burgondes. Comme pour souligner encore cette différence d'univers, sa délicate exubérance lui vient de ce qui est considéré comme un défaut rédhibitoire presque partout ailleurs : la présence d'un très léger gaz carbonique. Mais achtung : le millésime 2009 réservera des surprises pas forcément jouasses. J'ai déjà pu goûter certains blancs locaux si écoeurants et pesants qu'ils iront mieux en dessert qu'en apéro...


A l'image de l'Oktoberfestbier, bien que pour d'autres raisons, la raison d'être du chasselas est de pouvoir être bu sans soif, ou plus précisément sans la passer, ni couper la faim. Des vins trop riches et trop alcoolisés ont cet effet déplaisant, vous scient les jambes et vous découragent de toute goinfrerie ultérieure. Pas le chasselas bien fait : sa finale légèrement amère et minérale provoque une plaisante sensation de manque, mais sans astringence pour autant. Au contraire,  sa rondeur aérienne invite à rafoncer les godets de toute la tablée jusqu'à ce que chacun crève assez la dalle pour passer à plus sérieux.

Il se dit – je n'ai pas encore pu le vérifier – que la Côte fait des chasselas plus doux et flatteurs que Lavaux (ne dites plus Le Lavaux). Au sein de ces mêmes régions, dans un seul bled, on en trouve des qualités gravement disparates. Qu'on ne mise donc pas sur les AOC: boire « du Féchy » ou « du Saint-Saphorin », pour ne prendre que deux exemples, ne garantit en rien le plaisir de la déguste. Tout est question, bien sûr, du travail plus ou moins propre du vigneron, mais aussi du terroir. On prétend que le chasselas serait l'un des cépages traduisant le mieux les caractéristiques des terrains où il pousse. Or, la notion de terroir, si fondamentale dans la viticulture française, peine encore à percer en Suisse. On y fait encore prioritairement des vins de cépage, et l'étiquette mentionne le nom du producteur bien plus que celui de son domaine. Il se peut que ça change à l'avenir. Les vins de cépages n'ont pas une réputation très flatteuse, ne serait-ce que parce qu'ils sont la norme chez les vignerons industriels du Nouveau Monde, qui feraient pousser de la vigne sur du béton si c'était faisable et rentable.

Ceci pour dire que je ne donnerai pas de conseils de cave particulière pour ceux d'entre vous qui seraient tentés de se familiariser avec le chasselas. A éviter, toutefois, toute bouteille mentionnant des choses trop vagues. On trouve par exemple, en supermarché, des litrons de « Chasselas de Romandie », assemblages hasardeux de raisins provenant de va savoir où. Au minimum, il faut pouvoir identifier clairement le producteur et son bled, tout en sachant que l'on n'aura aucune garantie qu'il n'aille pas se fournir ailleurs, voire carrément dans un autre canton... Pour le reste, même recommandation que dans le précédent billet sur le thème : goûter souvent, plein de choses différentes, et surtout noter toutes ses observations, enthousiastes ou déçues.

07/07/2010

"IL FAUT SAVOIR CE QUE L'ON AIME..."

... et mine de rien, ce n'est pas évident.

Entre 2006 et 2007, j'ai vraiment commencé à m'intéresser à ce qu'il y avait d'écrit sur les étiquettes de pinard et sur l'origine exacte de leur contenu. Auparavant, il était rare que j'approche une bouteille de rouge avec autant d'attention.

Dans notre petite équipe de déglingués, nous organisions régulièrement de grandes mangeailles pas compliquées. Nous faisions d'amples provisions de bières belges ou allemandes, je me réservais une bouteille de ouiski, et pour accompagner les saucisses ou les steaks il n'était pas rare que nous options pour un peu de rouge. Le rituel était immuable, et plutôt simple. Avec ma femelle de l'époque, nous errions dans le rayon ad hoc du premier supermarché disponible, cherchant une bouteille aguicheuse. Nos critères ? Nous n'en avions pas vraiment. Elle comme moi venions d'une famille où l'on avait le goût des bonnes choses, mais pas beaucoup de rigueur dans la dégustation. Nous savions elle et moi quelques grands noms, et cela nous suffisait. Bien des fois, nous avons opté pour tel ou tel erzats de "Châteauneuf", parce que le nom sonnait bien. Potable ou médiocre, peu importait en fin de compte : nous la finirions bien, cette fichue topette...

Avec le recul, je me demande bien quel plaisir nous pouvions retirer de ces vinasses industrielles bon marché. Il y a quinze ans, c'était le bref triomphe des produits archi-barriqués et hautement drinkable en provenance de Californie ou d'Australie. Des choses expressément conçues pour être bues sans effort ni surprise. Il faut croire que cela suffisait à notre degré de raffinement. Pourtant, nous nous pensions des esthètes et de grands gourmets. Cette arrogance m'amuse encore, beaucoup moins le décalage entre nos prétentions et les maigres moyens que nous avions de les assumer.

Dans cette routine de médiocrité, un souvenir éblouissant demeure : ces caisses d'Aloxe-Corton dégottées pour moins que rien par l'un d'entre nous, exterminées autour de l'immense table belle-familiale, débordant du salon jusque sur la terrasse, par une soirée d'été d'une exceptionnelle douceur. Je n'ai gardé aucune trace précise des arômes, parfums et sensations de ce vin ; mais quelle stupeur! Quelle révélation! Quelle merveille d'équilibre! Des lustres plus tard, j'en ai gardé une tendresse particulière pour l'appellation, même en visitant les sous-sols des très imbuvables Patriarche... Mais là encore : si je pouvais le déguster aujourd'hui, serais-je à l'abri du crève-coeur de la déception ?

Le palais, soumis à une certaine discipline de découverte, évolue à une vitesse remarquable. Aussi faut-il rester sur ses gardes : des choses qui nous paraissent indépassables à une époque toute récente se révèlent finalement bien quelconques, une fois une minuscule expérience accumulée. Il y a trois ans, je me suis pris une jolie murge à la propriété d'un vigneron, tapant systématiquement dans son haut-de-gamme, à base de Cabernet si je me souviens bien. Passe le temps, divers déménagements, je perds le bonhomme de vue, mais je n'oublie pas sa production, me jurant d'en faire des stocks une fois sorti de la mouise. Retrouvailles impromptues au début du printemps dernier. Nous faisons toute sa gamme, en gardant ledit Cabernet pour la fin. Kolossale Dezeption : c'est mou, sans tanins, l'acidité à la traîne et le fruit tristounet, un ensemble ennuyeux au possible.

On fera remarquer qu'un même produit évolue de façon surprenante d'un millésime à l'autre. Mais je crois que l'explication, beaucoup plus élémentaire, est que plus on déguste, moins l'on est facilement bluffé par des vins trop faciles d'accès. Savoir ce que l'on aime, ça suppose de ne pas s'arrêter à une première impression, et accepter de découvrir un jour qu'on avait eu des goûts de chiottes.

Pour faire un parallèle imbécile, j'avais éprouvé une tristesse semblable avec Excalibur. Sa découverte, à 10 ou 12 ans, m'avait retourné tête et tripes. Plus de dix ans plus tard, le voilà rediffusé. Je m'apprête à une délicieuse séance de nostalgie, je m'effondre devant une daube sans nom, avec un merlin à calotte d'aluminium, des fumigènes qui feraient honte à David Hamilton, un univers d'une indigence au-delà des mots. Ne me reste que le souvenir du choc esthétique originel, et le regret de ne pas l'avoir conservé intact en ne prenant jamais le risque d'une seconde vision. A l'inverse, j'ai vu plus de vingt fois Amadeus ou Apocalypse Now, avec un éternel émerveillement et je sais qu'à l'instar de certains grands pinards, je vais encore y revenir sans risque d'être lassé.