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04/09/2007

INTEGRATION PARTIELLE

Suffit pas de "passer le pas", de réaliser son Réveil politique et de s'impliquer pour la survie culturelle de son peuple. On a beau dire, ce n'est PAS une activité à plein temps, pour une raison basique : l'absence de structures sociales alternatives suffisantes et solides.

 

Pour la plupart d'entre nous, il n'existe au niveau local que de petits clubs révolutionnaires dormants, avec un concert, une conférence et une grillade-randonnée-picole par trimestre. C'est peu pour souder une communauté. Ca constitue au mieux de petites aires de repos sur notre autoroute perso, des moments où on peut tomber le masque et causer franchement aux gens, échaffauder des plans grandioses de renversement mondial ou goupiller de petites opérations à court terme. Mais notre activisme a beau être au centre de nos préoccupations, il ne constitue pas le pivot de notre existence. Il faut toujours retourner à la routine du boulot, du couple, de la famille, de la semi-vie sociale qu'on mène comme on peut. Et c'est là un des plus graves problèmes des dissidents : rejetés par le monde moderne, le rejetant eux-mêmes avec encore plus de rage, ils n'ont pour autant nulle part d'autre où aller.

 

"Pas d'or, pas de révolution" - Céline, encore et toujours, indépassable, indispensable. Les groupuscules les mieux organisés ont parfaitement assimilé ce constat brutal. D'où leurs fréquents appels aux dons, aux réabonnements, aux investissements dans du matos militant. Mais pour les non-alignés, les non-encartés, bernique. Mêmes emmerdes niveau trésoreries, sans pouvoir compter sur la charité de personne. Pas de pognon = pas de local associatif. Pas assez de troupes expérimentées, de relais médiatiques et de complaisance politique = pas de squatt durable. 

 

Ca nous donne une belle hernie mentale : le corps étouffe dans la cage soc-dem, mais l'esprit qui seul lui permettrait de s'y adapter sur le long terme, lui va vagabonder dans les forêts, les chemins de montagne, les îles de la mer du Nord, n'importe où plutôt que là où traînent encore des bipèdes post-humains.

 

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Impossible de s'évader, et impossible de se faire au rythme de vie de la taule. Midnight Express, ça vous rappelle quelque chose ?

 

- "Pourquoi tu te rases encore le crâne ?"

- "Pour ne pas oublier que je hais cette taule.

 

Pour la plupart, qu'on l'admette ou pas, qu'on en soit conscient ou non, nous vivons tous une intégration partielle à la machine détestée. Comme des sables mouvants qui n'avaleraient que la moitié du corps. Comme le seuil d'une porte qu'on ne pourrait pas franchir en entier. Comme un coma qui laisse la chair inerte et conserve l'esprit soigneusement à vif, un coup d'épingle par minute.

 

L'intégration partielle, c'est un stade intermédiaire entre le fou du roi et le fou du village. L'amuseur extrême qui ose dire tout haut ce que chacun pense tout bas, mais dont tout le monde, plus tragiquement, se contrefout quand il est l'heure du film, quand sonne la fin de la pause, quand Bobonne pointe son groin. C'est un rôle de Mauvaise Conscience Jetable. C'est faire partie du paysage sans pouvoir aucunement influer sur la marche des choses, alors qu'on s'y voudrait à part, électron libre et force motrice tout d'un bloc.

 

Pragmatiquement, c'est dépenser plus d'énergie qu'on n'en possède pour à la fois se maintenir en société (puisqu'il faut bien bouffer et éviter les dettes) et ne pas fracturer son équilibre mental (puisque le premier taff de l'Ennemi est de nous rendre tous au minimum borderline). Trouver un job et le garder. Ne pas foutre en l'air toute amitié à force d'ouvrir son claque-merde. Tâcher de s'informer en croisant toutes les sources pour limiter la dysinformation. Refouler jour après jour les accoutumances, les faiblesses et les trahisons minuscules. S'imposer une discipline physique et mentale sur le long terme. Rester lucide sans devenir trop aigri. Assouplir sa diplomatie en slalommant entre les engagements intenables et les arrangements crasseux.

 

Faire tout ça à la fois, seul, dans le vide, sans résultats tangibles, sans jamais être sûr de faire juste et de ne pas agir simplement comme un taré embrigadé dans va savoir quelle secte. Et ne pas déraper, ne pas perdre le sens des réalités, ne pas s'enfermer dans une bulle hermétique. On dira, avec un petit sourire condescendant, que c'est somme toute ça, vivre en adulte. La bonne vieille image du Chêne et du Roseau. Vous en connaissez beaucoup, des souples qui restent droits ? Pas moi. Jamais connu que des rigides qui cherchaient à se faire briser pour prouver leur bonne foi et des courbés de naissance dont la prétendue "neutralité" n'était finalement qu'un masque pour leur fadeur. On passe d'un statut à l'autre avec une aisance déconcertante : suffit de ranger les badges et les tracts dans un tiroir.

 

 

Commentaires

Encore une fois, atrocement lucide, mais diablement bien pensé et écrit ! Bravo !

Écrit par : philippe | 05/09/2007

Merci toubib. Ca reste sommaire et ça aurait pu être creusé bien plus mais quoi ? Ca commençait à faire long. J'y reviendrai plus tard. Il y a des encyclos entières à écrire sur le mal-être silencieux des antimodernes, de toute manière. C'est pas demain qu'on aura épuisé le sujet.

Écrit par : His Illness | 05/09/2007

La mal-être des antimodernes... Mal-être, mal-être, c'est pas un mal moderne ça? Je veux dire s'y complaire pour certains, ou à tout le moins, se montrer incapables d'en sortir... En avons-nous croisé de ceux-là qui ne survivent pas aux crises de "notre camp" ou qui se montrent incapables de trouver leur place dans ce monde. Un bon symptôme qui dénote une supériorité certaine. Qui n'a pas connu ça? Mais après? En rester là?

Ne sommes-nous pas modernes qui ne savons pas sortir de cet état de désespoir? Les professeurs de désespoir pleurnichard ne l'ont-ils pas emporté sur les professeurs de virilité? Un bon thème de réflexion là aussi...

Écrit par : IVANE | 05/09/2007

Les profs de virilité, à ce jour, ils vivent entassés les uns contre les autres sur les rayons des biblios. On en est réduits à s'instruire en autodidactes, parce que question exemples bien vivants, bernique. J'ai surtout connu de profs de fausse joie, de sectateurs du Sourire Obligatoire. Ils occupent les places les plus importantes tant chez nous que chez En-Face. Ils se shootent à l'huile de coude.

Et puis qui parle de s'y complaire ? S'agit juste de commencer par admettre deux choses, préalable indispensable à un changement de cap radical.

D'abord, le fait qu'avant tout activisme, il y a eu une vie plus ou moins longue, vécue de travers dans un contexte pourrisseur. Ca laisse des marques que ne peuvent cacher ni soigner aucune pose de Guerrier Urbain.

Ensuite, le fait que pratiquement toutes les initiatives du Milieu ne permettent à personne de concilier le choc entre vie en plein cloaque et idéaux solaires. Ledit Milieu prétend sauver l'Europe et n'est foutu ni d'assumer une clandestinité complète ni de peser ouvertement sur le cours des choses. Un patriote contemporain, c'est un paraplégique sous coke.

Ceci dit, comme je n'ai certes ni survécu à la crise permanente de "notre camp" ni trouvé une place digne de ce nom dans ce monde inepte, je présume que je dois vous donner raison.

Écrit par : His Illness | 05/09/2007

Cher Camarade,

Merci pour ton commentaire très intéressant. Je me posais une question...As-tu par hasard rédigé quelques articles pour Rébellion? Ne serais-tu pas Saint Martin?
Sous quelle rubrique dois-je référencer ton blog? Critique Sociale?

Écrit par : Rodion Raskolnikov | 05/09/2007

Bijour, monsieur Nikov et merci pour ta visite.
Alors, dans l'ordre de tes questions : Oui, re-Oui, et Comme tu veux. "Nationaux-Révolutionnaires" pourrait convenir aux docus N/A mis en ligne, mais le reste ? Pas sûr que je cadre dans la ligne. Si tu inaugure une catégorie "A-La-Masse", je prends. Sinon le très élogieux "Critique Sociale" fera très bien l'affaire.
Mes respects en passant pour ton blogue remarquablement fourni. Si ça te va, je te colle dans mes Complices Pour Nuisance sous l'étiquette "Slavophile."

Écrit par : His Illness | 05/09/2007

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