10/11/2007
AMIS IMAGINAIRES
Des offres d’emploi à poster. Je ne vote plus depuis dix ans, je n’entre que dans les églises qui méritent la visite point de vue architectural, mais je continue à jouer au boomerang avec mon CV. Espoir, quand tu nous tiens… L'averse a en plus fait tomber une bonne cargaison de feuilles. Le bitume trempé plus ça, bonjour la cassée de gueule si j'y vais en vélo ou en bécane. Nous marcherons donc.
En chemin je croise moult amis imaginaires.
Il y a d'abord cette blonde à cheveux courts, coupe vaguement sixties, qui me contemple vautrée sur un comptoir. L'affiche me dit que son point commun avec moi, c'est « la passion pour notre métier. » Voyez-vous c’la. Cri de guerre de l’entreprise, en-bas à droite en tout petit : « ça crée des liens ».Ca met en confiance. C’est doux et chaud. Je sens qu’on aurait pu super bien s’entendre, elle et moi. Mais je dois poursuivre ma route. Tant pis pour toi, la belle. Dans une autre vie, peut-être ?
Pas d’autres clients à part moi dans la salle. Pas besoin de se faire chier à contempler, vaguement incrédule, les montagnes d’objets qui n’ont rien à foutre dans une poste. Bédés sous-humoristiques, guides astrologiques, soudokous, arsenal de plumier, recettes de cuisine spécial ventre concave, jouets… Il y a aussi un endroit à louer. Peut-être un mètre carré. Un panneau nous illustre l’affaire. On y voit une brunette accorte, qui propose du fromage d’alpage aux clients jeunes et dynamiques d’un quartier qu’on imagine riant, ouvert, multiculturel et si proche des traditions paysannes pourtant. Personne n’occupe ces quelques dalles. Dommage, un bout de gommeux aurait été bienvenu.
En sortant, un autre panneau, frappé d’un grand cœur rouge. Un message de mon amie la Poste , pour me dire qu’elle se casse le fion pour que je me sente bien chez elle. Je suis important. Je suis spécial. Je suis la raison pour laquelle elle se lève plein d’entrain le matin, toute empressée de tremper ses petits bras dans de larges bassines de missives à destination de n’importe où. Alors elle me dit « Merci de tout ». C’est touchant, cette syntaxe qui sent bon la campagne zurichoise typique. Je vais fondre, vraiment.
Plus tard. Des courses à faire. Il faut s’arrêter pour faire le plein. Encore des amis imaginaires, par flopées, qui montrent l’exemple d’une existence comblée, joyeuse, pacifiée. « C’est bon de s’arrêter », proclame une bourgeoise empoignant un sandouitche comme une bourgeoise examine un gode à billes. « Régalez-vous ! », exhorte une maigrichonne au regard vide, la bouche pleine d’un machin qu’on présume chocolaté. « Bienvenue », me souhaite une blonde avec un vague air de Jennifer Aniston de parking, en uniforme rouge. Une autre encore, peut-être la goinfre de tout à l’heure, me rappelle qu’on n’est « jamais trop prudents », façon de m’inciter à vérifier mon niveau d’huile.
Ça fout le vertige, tant d’attention et de délicatesse. On a l’impression de barboter délicieusement dans une pataugeoire pleine de sirop de grenadine.
15:45 Publié dans La Zone Grise | Lien permanent | Commentaires (2)
Commentaires
Allons, courage. La blonde, elle est comme toi, elle ne travaille même pas à la poste. Elle doit enchaîner les casting car il faut bien vivre. Peut-être espère-t-elle un rôle de cinéma au côté de Benoit Magimel?
En tout cas, tu as de vrais lecteurs, non fictifs. Courage!
Écrit par : Mordicus | 12/11/2007
Le courage? l'espoir quoi... c'est de toute manière une vérole difficile à éradiquer.
Ps http://abu.cnam.fr/cgi-bin/go?desespere1,21,40 ( vous avez déjà du googlez ça,mais bon... Je sais qu'il extravague parfois du goupillon le grand Léon, "La femme pauvre" peut vous les brisotter gentils,mais le Désespéré... je crois que vous regretterez pas d'y revenir. Et puisque j'en suis à bernadpivoter que ça m'en dégoûte,au cas où ça vous serait pas déjà tombé sous l'oeil y a Darien, Georges de son petit nom. Belmondo avait joué dans l'adaptation de son "Voleur", mais y aussi "L'épaulette", "Biribi"( il y a été) et pour ma pomme son meilleur, le pamphlet "La Belle France".
Putentrailles, voilà que je tourne au bus France-loisir maintenant...
Bon, et bien...en continuant à se brûler la cornée en Zone Grise.
Écrit par : Restif | 20/11/2007
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