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20/07/2008

APPETITE FOR DESTRUCTION

Les jeunes voyous du rock'n'roll chambardent les rues du monde entier. Ils envahissent le Louvre et vitriolent la Joconde, ils ouvrent les grilles des zoos, des prisons et des asiles d'aliénés, ils crèvent les conduites d'eau au marteau pneumatique, défoncent à la hache le plancher des toilettes dans les avions de ligne, tirent à la cible sur les phares, liment les câbles d'ascenseur jusqu'au dernier toron, relient les tuyaux d'égout aux canalisations d'eau potable, jettent dans les piscines requins et pastenagues, anguilles électriques et candirous (minuscule poisson de la famille de l'urogymnus qui hante certains fleuves mal famés du bassin de l'Amazone, ressemblant à une anguille miniature dont la taille varie de quelques millimètres à cinq centimètres, le candirou s'insinue dans l'urètre ou l'anus du baigneur imprudent - ou encore, faute de mieux, dans une chatière de dame - et s'y cramponne à demeure avec ses petites griffes acérées, tout cela dans un dessein qui reste quelque peu obscur étant donné que nul ne s'est offert jusqu'ici pour étudier in situ le mode de vie du candirou), s'affublent en pirates pour éperonner le Queen Mary de plein fouet dans le port de New York, jouent aux James Dean au bord des falaises avec des autocars et des avions de transport, infestent les hôpitaux (déguisés en internes avec blouses blanches, hachoirs, scies et scalpels longs de trois pieds, ils démoulent les paralytiques de leurs poumons d'acier, singent leurs hoquets de suffocation en se trémoussant sur le carrelage les quatre fers en l'air, la langue pendante et les yeux révulsés, administrent des clystères avec des pompes à bicyclette, débranchent les reins artificiels, coupent une femme en deux avec une scie chirurgicale à quatre mains), lâchent des hordes de cochons grognonnants dans les coulisses de la Bourse, font caca sur le plancher de la salle des séances des Nations-Unies et se torchent avec les traités, les alliances et les pactes...
 
 
 
William Burroughs, Le Festin Nu, 1959, p.57

Commentaires

Avec un pseudo comme le mien, vous pensez bien que je ne peux qu'apprécier ce petit rafraichissement.

Écrit par : Naufana | 20/07/2008

Très heureux que ça vous convienne. Avouons-le franchement, l'ouvrage dans son ensemble est chiant à crever, même intégralement bourré - sous psychotrope je ne dis pas... Mais les premières pages sont d'une noirceur très appréciable et ce passage particulier, qui m'avait échappé durant ma première lecture d'il y a dix ans, m'a scotché en le retrouvant aujourd'hui.

Écrit par : Stag | 20/07/2008

On dirait une description de l'art contemporain. Il n'y a pas grand-chose de changé depuis cinquante ans.

Écrit par : Sébastien | 21/07/2008

Pour tout vous dire, j’ai lu Naked Lunch quand j’avais 14 ou 15 ans. Ce fût d’ailleurs le premier livre que j’ai lu d’une traite. Bel exploit. J’étais toute fière. A l’époque, je trouvais Burroughs têêêêêllement subversif. D'autant plus que mon paternel me l’avait confisqué, interdiction totale de lire cette horreur m’avait-il dit. Bien sûr, petite gamine récalcitrante que j’étais, cela n’avait fait que redoubler mon intérêt pour la chose. J’en suis revenue bien entendu. Me suis tout de même envoyée la quasi totalité de l’œuvre des auteurs de la beat generation. Puis ils sont tous passés aux oubliettes, au fil du temps et d’autres découvertes littéraires. Sauf Bukowski, mais il est un peu à part. Il m’arrive de les sortir de l’étagère pour les feuilleter et relire les passages que j’avais soulignés. Celui que vous avez cité est effectivement très bon.

Écrit par : Naufana | 21/07/2008

Oh mais nom d’un cuistre, il ya Selby aussi, peut être le Flaubert du roman urbain décavé, couleur looser, sans doute le plus talentueux de tous, avec une phrase presque classique, sèche, peu lyrique et implacable. Selby -qui n'est pas de la beat génération, mais Bukowski non plus, c’est le moins qu’on puisse dire. Je viens de relire The démon (you could have it on amazon , paperback for just 5.6 greeny) - une envie qui m'a happé juste après Last exit to Brooklin-, et c'est un livre aux pages soufrées, un texte habité par la nuit, la douleur, le pourrissement. Je pense qu'il vous plairait Stag. Pour vous qui crawlez dans l'anglais comme le fétus dans l'amniotique, choppez le en VO. On sait combien le vieux Buk -dont je ne suis pas fou, fou, je préfère son modèle, Fante- a été massacré par ses trads.
Ah, Le festin est un délice de prunelle jusqu'à ce qu'arrive toutes ce grand cirque du Yague. L'histoire de son écriture conté en partie par Kerouac dans Les anges vagabonds est assez hallucinante -des pages qui trainent dans tous les coins dans une pièce évidemment sordide de Tanger. C'est Kerouac qui a trouvé le titre. Et c'est ainsi que le petit William fut déshérité de la fortune des calculatrices Burrough. Vous pouvez zapper Les cités de la nuit écarlate, ça commence bien, et ça à un côté prémonitoire sympa (de plus un type qui ouvre son livre par une invocation au démon "à Pazuzu grand maître des pestilences" suit une kyrielle de surnoms des grands cornus des apocalypses à bubons, est toujours distrayant), mais après, cavale, cavale les obsessions du vieux fucker -jeunes gens, emmanchages ré-emboitage et surf sur le fleuve foutral. (Bienvenue dans La zone, là où fleurissent le tendre cœur des oiseaux et les milles couleur de leur poésie).

Écrit par : Restif | 22/07/2008

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