LA SAGESSE DE POUSSIN

Nous l'appelions Poussin, sobriquet donné très sérieusement par une ex de triste mémoire. La pouffiasse disparut, le surnom demeura.

Poussin était catholique, du genre à aller à la messe, à citer Saint Augustin, à regretter l'Inquisition, à rêver parfois de lancer un dixième croisade. Il sortait peu avec nous, lisait énormément. Sans son insistance, je n'aurais jamais ouvert L'Histoire de l'Armée Allemande, passant à côté de l'oeuvre incomparable de Benoist-Méchin. Depuis dix ans que je ne l'ai pas revu, je lui voue encore une reconnaissance fébrile pour ce cadeau, pour ces journées d'été entières le nez fourré dans l'histoire d'Europe, l'esprit tant que l'oreille chahutés par la rigueur de la recherche et l'intense beauté du verbe.

Poussin, bien sûr, croyait au Paradis, du moins affectait d'y croire sincèrement. Mais sa version était des plus séduisantes. Il imaginait passer l'éternité de sa résurrection dans une bibliothèque plus grande que le cosmos, contenant des sommes sur tous les sujets possibles, où trouver l'explication des plus insondables mystères de l'existence.

Ajoutez-y un stock illimité de Haut-Médoc, de Bas-Armagnac et de chasselas glacé, et l'idée d'une vie après la mort devient incroyablement séduisante.