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21/05/2007

LA HONTE DES FUTURS ARCHEOLOGUES pt. II

L’Occidental et la vie économique

 

La foi en la Croissance se comprend mieux si l’on garde en tête que le dernier Occidental est avant tout un boutiquier. Il voue à l’agriculture un mépris ardent, la confinant aux populations extra-européennes et chargeant ses élites de détruire toute possibilité d’autosuffisance alimentaire continentale. Il méprise également l’ouvrier et l’artisan, jugés trop instables et trop coûteux par rapport à la machine.

 

La dégradation conséquente de la qualité des produits semble l’indifférer complètement et sa passivité face aux délocalisations et aux fusions des entreprises peut être considérée comme une acceptation des décisions économiques prises par l’aristocratie. De même, l’absence de toute jacquerie démontre la résignation, sinon l’acceptation de la paysannerie face à sa condamnation. Ses rares mobilisations tournent autour des aides que lui concède le Souverain pour adoucir son trépas et achever de réduire la tradition en une industrie aussi déshumanisée, cradingue et polluante que les autres.

 

  

L’accumulation de signes extérieurs de richesse s’est étendue à l’ensemble de la société, y compris aux classes laborieuses ; ces dernières, tout en entretenant un sourd ressentiment à l’égard des nantis, ne méprisent pas leurs symboles et les affichent fort volontiers. Vivre comme un bourgeois tout en crachant sur le Bourgeois n'est pas une contradiction, même chez le Bourgeois lui-même ; l'époque est de toute manière au reniement de soi et toutes les formes de masochisme sont auréolées d'un relatif prestige.

 

 

Les couches les plus basses de la société, vivant de rapine et de chantage affectif, échappent encore moins que les autres à la fascination pour l’or et les verroteries. Seules d’antiques civilisations sud-américaines les surpassent dans leur amour des ornements massifs et inconfortables. Tout en entretenant une sous-culture d’opposition factice aux classes dirigeantes, elles sont les fidèles les plus fanatiques du Veau d’Or.

 

Encore perçu comme humiliant quelques générations plus tôt, l’endettement s’est généralisé à l’ensemble du corps social. Il est banal pour un citoyen de vivre au-dessus de ses moyens et la figure de l’usurier a intégralement perdu son caractère négatif, devenant l’une des professions les plus rentables et les plus respectables du système économique.

 

Certains auteurs contemporains parlent même d’une « financiarisation » de l’économie, les fortunes les plus colossales ne dépendant plus de la qualité des produits ni de l’ampleur des domaines terriens. La démocratisation de la carte de crédit remplace peu à peu le papier-monnaie, faisant dépendre la richesse concrète de chaque personne de la stabilité et du bon vouloir des banquiers, un monopole perçu comme naturel et légitime.

 

Contrairement aux siècles précédents, le financier ne se contente plus de faire et défaire les monarques : il les remplace carrément au sommet de la hiérarchie sociale et si la Bourse ne remplace pas officiellement le Parlement, c'est sans doute plus par paresse que par manque d'intérêt pour la chose publique ou par démocratisme pointilleux. L'idée est répandue que la politique est une affaire suffisamment idiote pour être confiée à des professionnels du mandat et de la commission d'enquête.

 

(A suivre, encore...)