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23/08/2007

LES INSOMNIAQUES ET LES COMATEUX

Le fondement de notre action est d'alerter nos contemporains sur des dangers qui menacent la civilisation européenne et la survie de nos semblables en tant que membres d’une même culture. Ces dangers, nous sommes censés être seuls à les percevoir clairement, ou à avoir le courage de les dénoncer en tant que tels, sans langue de bois ni convenances doctrinaires. Nous sommes supposés être les seuls à appeler un chat par son nom, luttant contre la censure politiquement correcte, contre les mensonges de la propagande gauchiste, contre la trahison perpétuelle des libéraux.

 

 

Voilà pour la version officielle et masturbatoire. Dans les soirées militantes, succès garanti en tenant un tel discours.

 

 

Dans les faits, c'est tout autre chose, comme le révèle l’isolement systématique du mouvement de résistance enracinée.

 

 

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            Pourquoi nous n’avons toujours rien compris

 

 

 

Les dangers que nous dénonçons, nous les comprenons à peine. Nous sommes le plus souvent réduits à en faire des caricatures, des schémas réducteurs, des symboles faciles à comprendre par le blaireau de base. En-Face a beau jeu d’y voir de la stupidité et de l’inculture de notre part. Le pire est qu’il n’a pas forcément tort.

 

 

« Connais ton ennemi » fait partie des innombrables cris de guerre qu’on adore pousser entre prétendus camarades. Mais quelle peine démentielle on a, purée ! à l’appliquer dans notre vie de tous les jours ! C’est que pour étudier sérieusement un sujet qui nous répugne ou qui nous pourrit la vie, il faut une dose de curiosité, de patience et de discipline dont la plupart d’entre nous n’est tout simplement pas capable.

 

 

Question de priorités plus que de capacités, sans doute : militer demande beaucoup d’énergie et plus on tente d’observer la réalité avec du recul, plus ce recul s’insinue dans nos actions et nos paroles. L’action militante nuit à l’objectivité, parce qu’elle demande une certaine mise en veille de notre esprit critique. Se montrer objectif est un acte rationnel, alors que lutter contre cent fois plus fort que soi relève d’une passion imperméable à la Raison.

 

Qui plus est, se mêler de politique est une affaire salissante (Sartre a écrit là-dessus ses rares lignes qui ne méritent pas l'autodafé) et tout idéaliste recherche en ce monde plus de pureté qu'il ne peut en contenir : énième quadrature du cercle que le natio se prend quotidiennement dans les gencives. N'arriver à rien tout seul et rester propre ou n'obtenir que des matches nuls à plusieurs en allant râcler dans la merde.

 

 

Voilà pourquoi, en résumé grossier, nous en sommes le plus souvent réduit à des analyses à la hache émoussée, là où il faudrait faire preuve d’autrement plus de finesse. C'est une question basique de conservation de l'équilibre mental. Il serait grotesque de croire que le milieu compte moins de borderlines que chez les crasseux à dreadlocks ; la seule nuance véritable, c'est qu'eux assument ouvertement leurs déséquilibres et prétendent être malgré tout des interlocuteurs crédibles. Ce qu'il reste de pudeur au patriote le prive de cet ultime exutoire.

 

Lui reste l'alcool (assez bien toléré), le THC (plus répandu qu'on veut bien l'admettre), la prise de risque imbécile (donne droit à un all-access permanent chez les mythos). Dosez ces trois éléments comme vous voudrez : le résultat du cocktail sera le même, un suicide social à petit feu. Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fous.

 

 

Un diagnostic lacunaire et des médecins mal formés

 

 

Revenons-en à notre routine militante. Elle est constituée, on l’a vu rapidement, d’une dénonciation des menaces qui planent sur l’Europe, dangers minimisés par les uns, présentés comme des progrès par les autres, timidement ignorés par la masse qui fait avec bon gré mal gré. Et ensuite ?

 

 

Une fois ces dangers dénoncés, la situation reste dramatiquement inchangée pour tout le monde, à commencer par ceux que nous considérons comme notre "public-cible". Nous n'avons aucune défense pragmatique à proposer pour protéger ceux que nous pensons avoir "conscientisés". Tout ce que nous pouvons offrir, c'est de passer le témoin, de propager une prétendue Bonne Parole pour faire grossir les rangs de ceux qui ont recouvré la vue en chaussant nos petites lunettes.

 

 

Notre foi implicite, totalement inconsciente chez la majorité d'entre nous, c'est qu'une fois que nous aurons atteint une certaine masse critique de militants, nous serons assez nombreux pour que :

 

 

-         le mouvement soit reconnu comme digne d'attention et de considération, voire capable d'une participation active à la prise des décisions au niveau national et bientôt continental ;

 

 

-         l'opinion publique finisse par se rallier à nos thèses, à découvrir miraculeusement des moyens d'en appliquer les recettes et se bricoler une conscience ethnique suffisamment  balaise pour lancer le processus de Reconquête ;

 

 

-         la tiers-mondisation du continent, enfin, soit brutalement freinée puis inversée, les envahisseurs et les collabos étant respectivement reconduits chez eux et neutralisés d'une manière ou d'une autre.

 

 

 

Musique d'un avenir étonnamment lointain. Ici et maintenant, nous n'avons rien à proposer aux nouveaux convaincus, à part consolider leur foi avec de la mauvaise littérature militante ou à participer à des actions de lobbyisme classique.

 

 

La construction de réseaux d'entraide ? Les initiatives qui permettent concrètement à une vie communautaire leucoderme de se structurer ? La (re)conquête du coeur et de l'esprit de nos semblables, au-delà de nos  structures militantes si dessicatives et routinières ? Tout cela est, au mieux, anecdotique, quand ça ne dépend pas d'amitiés antérieures à tout engagement structuré. Ceux qui ne sont rassemblés que par leurs convictions restent marginalisés et le lien avec leurs semblables apolitiques est extrêmement ténu.

 

 

Face aux pourrisseurs de son quotidien, Monsieur Moyen reste désespérément seul, même s'il adhère à 300% de nos thèses. Nous ne formons pas de milices de protection capables d'agir concrètement pour faire le taff que la police ne peut plus ou n’a jamais vraiment voulu faire. Notre marge de manoeuvre achève de limiter les entreprises qui ont miraculeusement survécu à nos effectifs rachitiques, à notre sous-culture de l'action, à notre inorganisation chronique, au grouillement de désaxés qui nous submerge. Nous ne faisons que multiplier les appels à rejoindre des rangs la plupart du temps confinés aux catacombes et pas plus capables que le moindre parti réac d'assurer leur propre défense en cas d'apparition au grand jour.

 

 

            Des sirènes, mais pas de bunkers

 

Nos ambitions sont sans commune mesure avec nos moyens. Nous sommes les sirènes d'alarme qui avertissent d'une attaque nucléaire une population qui ne dispose d'aucun bunker. Des mouches du coche qui commentent un accident qu'elles ont vu venir depuis longtemps mais qu'elles se sont montrées incapables de prévenir et qu'elles ne peuvent guérir non plus. (Et oui, ces lignes fielleuses méritent la même critique ; leur seule spécificité, c'est d'être pondues par une mouche qui a déserté le coche.)

 

 

Nous ne sommes pas l'avenir  politique de l'Europe et nous ne sommes porteurs d'aucune solution concrète à ses problèmes actuels. Nous posons un diagnostic souvent bâclé et scolastique sans pouvoir offrir le moindre médoc pour combattre le mal, pas même pour soulager la souffrance. Tout notre activisme tourne au contraire autour de cette souffrance, ne faisant que l'alimenter, l’entretenir avec soin, la rendre plus intolérable, sans donner les moyens à quiconque de la transcender, de l'accepter, de la combattre positivement et activement. Nos diagnostics n'appellent que plus de diagnostics.

 

 

Ce qui nous motive avant tout n’est pas vraiment un idéal. Nous découvrons en nous une foi parce que nous sommes entourés de mécréants et parce que nous constatons que leur vie est grise, fade, avilissante. C’est avant tout le fait qu’ils ne croient à rien – ou à n’importe quelle merde « humaniste » – qui éveille en nous la flamme révolutionnaire. L’ennui, c’est que nous transmettons mieux notre haine quasi maladive de la décadence que notre idéal d’alternative.

 

Or la décadence, pour Monsieur Moyen, c'est avant tout du confort et de la sensualité, THE mélange auquel il ne renoncera pas, maintenant que tout le reste lui file entre les doigts. Les libéraux l'ont compris depuis toujours et c'est pourquoi ils nous ensevelissent sous les marchandises à crédit. Carpe Diem, devise du Cercle des Banksters contemporains : vis à crédit aujourd'hui parce que demain, tu devras payer pour crever lentement.

 

 

            La contagion de la nausée

 

 

Si nous ne savons que transmettre une rage inexprimable à nos nouveaux camarades ; et si nous n’arrivons qu’à faire fuir les bonnes volontés, c’est avant tout parce que nous ne cherchons pas vraiment à allumer chez autrui cette étincelle de la rébellion. En fait, tout chez le propagandiste et le militant ordinaire le pousse à tenter d’étendre à autrui la salissure de son propre dégoût.

 

 

Un phénomène similaire lui fait croire qu’effrayer Monsieur Moyen le motivera suffisamment à se mobiliser pour son propre peuple. Plus que des camarades de lutte, nous cherchons des gens qui nous aident à porter un peu le poids de cette écrasante nausée face à la modernité. Tu quoque, remarqueras le critique attentif de ces paragraphes imbéciles et gratuits. C'est parfaitement correct et d'autant plus symptomatique.

 

 

Nous quémandons sur un ton revendicateur des vases vides où déverser ce trop-plein de bile que provoque en nous le monde déshonorant où nous agonisons. Nous en venons à concevoir, inconsciemment, qu’il faut fatalement passer un seuil d’aversion pour que l’éveil politique se produise. Nous le pensons parce que ça a été le cas pour nous : nous avons transformé en élan productif (enfin, on aimerait qu’il le soit !) ce qui n’était qu’une réaction négative face à l’organisation du monde et la hiérarchie des valeurs actuelles. Tout nous pousse donc à tenter de déclencher les mêmes mécanismes chez les gens qui nous entourent : nous voulons leur mettre le nez dans la même merde primordiale qui nous a décoincé la tête et les tripes.

 

 

Mais c’est un processus cradingue, douloureux et ingrat. L’activisme a beau être un exutoire, il présuppose par son essence même la présence d’une énergie négative à sublimer : ce dégoût absolu de l’époque. Il ne se crée pas ex nihilo chez n’importe qui. La majorité de nos contemporains ont un seuil de répugnance bien supérieur au nôtre, ils encaissent, bougonnent, s’abrutissent avec la télé-poubelle ou la gnôle pour retrouver ce bonheur bovin de l’absence de dérangement… et puis il passent à autre chose.

 

 

Pas nous. Nous en faisons une fierté, en oubliant soigneusement de nous demander véritablement pourquoi les choses sont ainsi.

 

 

Chez nous, le réveil est définitif, permanent, impératif. Nous sommes des insomniaques qui cherchent à gâcher le sommeil des comateux ordinaires, parce que pour nous, ce sommeil est impur autant que lâche. Mais ceux qui pioncent ne peuvent pas le comprendre ainsi.  Eux ne demandent que le droit de récupérer un peu, de mettre leur cerveau sur ‘off’, convaincus d’en faire un usage extensif tout au long de la journée. Foutaise pour nous autres, bien sûr, puisque pour nous, un cerveau hyperactif dont le sens critique est en mode veille, c’est un cerveau débranché, dont seules ses fonctions végétatives sont vigousses – c’est elles seules que sollicite le Marché, d’ailleurs.

 

 

            Le Néant après le Réveil

 

Nous pensons que nous pouvons être utiles à nos contemporains, parce que nous sommes politiquement « éveillés » alors qu’eux sont au mieux « assoupis », au pire « somnambules » (toutes les formes variées et abominables de la trahison). Mais en fait nous ne sommes que des empêcheurs de ronfler en rond, qui n’ont rien à offrir de précieux, de positif, d’indispensable pour compenser cette brutalité initiale. Nous voulons faire sortir Monsieur Moyen de la Matrice , mais une fois qu’il s’est réveillé, il en est éjecté sans Résistance à rejoindre, sans réconfort à trouver auprès de ses nouveaux compagnons de misère. Il se retrouve dans une sorte d’auberge espagnole où tout ce dont il a besoin, il doit le fournir lui-même.

 

 

La chaleur et la solidarité ? Purement mentales. Chaque soirée militante est un banquet de mendiants, où chacun se presse imaginant pouvoir ripailler, et dont on repart le ventre creux parce que chacun comptait sur l’autre pour amener les sandwiches. C’est l’espoir acharné d’une rupture dans la routine qui nous ramène à ces mêmes putains de soirées malgré les déceptions qui s’accumulent. C’est le dégoût de cette sclérose routinière qui finit par nous en éloigner définitivement. Ne restent que ceux qui ont trouvé une place prestigieuse dans la hiérarchie, et vivent de la Rente Militante.

 

 

Et quand nous nous immergeons à nouveau dans le cloaque poisseux du Grand Hospice, nous restons pour nos contemporains comateux une vision lointaine et malsaine, un cauchemar portatif, peut-être porteur de vérités sonnantes, mais qui n’appartient pas vraiment à leur monde. Nous demeurons à leurs yeux une sorte de secte vaguement inquiétante, parfois rigolote, mais avant tout abstraite.

 

 

Les mafias antifascistes ont beau hurler au Retour de la Peste , Monsieur Moyen ne se sent pas menacé par des meutes de crânes rasés, qu’il ne croise que de loin en loin. Mais il ne se sent pas non plus en communion avec elles, parce qu’il n’en comprend pas les mœurs et parce qu’il ne bénéficie jamais directement de leur action.

 

 

Nous aimons, comme tous les agitateurs chroniques, invoquer Le Peuple pour justifier notre engagement. Mais ce peuple nous regarde sans nous voir. Nous ne sommes, dans son monde, que des fantômes échappés d’un autre univers : lugubres et intangibles, des ombres qui ne lui seront d’aucun secours s’il se retrouve coincé dans une ruelle par cette même Racaille dont nous aimons tant parler.

 

 

Pour que cette incompréhension fondamentale cesse entre le monde des insomniaques et le monde des comateux, il ne suffit pas de rendre ces derniers conscients de leur apathie. Ils ne sont pas si anémiques que veulent le croire les activistes de toute cause, d’ailleurs. Il faudrait aussi que ces activistes admettent qu’ils sont des insomniaques, que des choses troubles et mal comprises empêchent de se reposer.

 

 

Surtout, ils doivent comprendre et reconnaître que leur action est contre-productive, dans le sens où leur tapage ne gêne qu’à peine les puissants, et qu’il indispose ceux qu’ils veulent aider. Nous ne les arrachons à leurs rêves que pour les plonger dans notre propre cauchemar : une vie faite de rage perpétuellement cachée, de grandes espérances muettes, de souffrances morales indicibles dans tous les sens du terme, de solitude philosophique tout en étant noyés dans la masse, et d’une fatigue que rien n'atténue jamais.

 

 

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