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13/07/2007

HOMO PROLIFERENS

En science, on doute. En écologie, plus encore que dans les autres disciplines. La même incertitude plane sur l'amour.

 

L'amour, précisément ! Voici la première cause de notre voyage au néant. Nous sommes condamnés par le comportement que nous imaginons le plus tendre, le plus romantique, le plus subtil et le plus éthéré.

 

L'homme est un grand pingouin doublé d'un obsédé sexuel. Il donne à la fornication des noms étranges : "penchant", "inclinaison", "affection", "sentiment", "passion"... Mais Beaumarchais avait raison d'écrire : << Boire sans soif et faire l'amour en tout temps, madame, il n'y a que cela qui nous distingue des autres bêtes.>> L'Homo sapiens est un copulateur intempérant. Un inlassable producteur de bébés. Il aurait mieux fait de se nommer Homo proliferens. Il adore répliquer son ADN et transmettre ses gènes. Il se souhaite une longue descendance, ce qui n'est le cas ni de la morue, ni de la baleine bleue, ni du panda, lesquels semblent atteints de mélancolie génésique; et pas davantage du bambou, dont certains pieds attendent un siècle pour ne fleurir qu'une seule fois.

 

<< Croissez et multipliez ! >> ordonne la Genèse. L'homme s'attelle à la tâche avec un enthousiasme touchant. C'est la seule injonction divine qu'il suive à la lettre, et même qu'il anticipe. Certaines espèces animales pullulent lorsque les conditions ambiantes le permettent. Cela arrive aux criquets, aux cafards, aux lapins et au rats. L'humanité est en phasee de prolifération massive depuis dix mille ans. En inventant l'agriculture et l'élevage, lors de la révolution néolithique, elle s'est façonnée un milieu écologique favorable. Elle fornique et accouche. Elle obéit à sa pulsion lapinesque; le latiniste dirait : << cuniculesque >>.

 

Il en résulte la situation actuelle : six milliards et demi de problèmes, et peu de solutions.

 

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Les bébés humains sont attendrissants, beaux, baveux, remplis de fossettes et de risettes, capables de nous enchanter quand ils ne braillent pas, et promis à un grand avenir sauf lorsqu'ils naissent dans un HLM de banlieue ou un bidonville de Calcutta ou de Lima. Nous les aimons au point que nous les fabriquons à la chaîne. L'image ne surprendra pas ceux qui ont visité une maternité indienne ou chinoise.

 

Nous produisons des enfants. Beaucoup trop d'enfants !

 

Nous remplissons la planète de notre engeance. Nous tartinons le globe d'une couche de bambins, marmots, gosses, gamins ou mouflets, désormais si nombreux qu'une armée d'ogres n'en viendrait pas à bout. Dans sa Modeste proposition... , Jonathan Swift suggérait qu'on mangeât les nouveaux-nés pour résoudre le problème de la faim en Irlande. Toute la Terre est devenue l'Irlande, et il n'y a plus d'Amérique où émigrer. Nous devrons dévorer nos bébés. En pâté ou à la broche. A l'étouffée ou en grillades. En pot-au-feu ou en ragoût.

 

Car les enfants grandissent, hélas ! Ces petites choses délicates se métamorphosent en adolescents boutonneux, en dadais niaiseux, en bécasses qui rêvent de passer à la  télé, en coquelets des beaux quartiers ou en délinquants cagoulés des cités. A la fin, ce sous-ensemble diffus atteint l'âge adulte et se retrouve aussi méchant, menteur, voleur, égoïste, aigri, vindicatif et raciste que les générations précédentes.

 

On appelle cela l' <<éducation>>.

 

Encore ai-je teinté ma déscription d'un excès d'optimisme.

 

Yves Paccalet, L'Humanité disparaîtra, bon débarras, Arthaud, 2006, p.42-44

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