27/08/2007
" ELLE S'EST TAPE LES SALES BOULOTS, LILI "
Pilier de la rhétorique ethnomaso old school : l'idée que les allogènes sont venus chez nous pour faire les boulots dégueulasses que les Européens ne veulent plus faire.
L’argument a surtout marché contre la génération de nos parents, qui en reste fortement imprégnée ; emblématique, la chanson dérisoire de ce vieux con par excellence qu’est Pierre Perret, avec Lili, hymne officieux de bien des écoles. Nos semblables à la peau couleur soleil ont mérité leur place parmi nous en brouettant notre caca ; vouloir les renvoyer chez eux est un sommet d’ingratitude et une grosse prise de risque hygiénique puisque personne ne voudra prendre leur place. Larmes de caïmans, et une page de publicité. (de préférence offerte par le CRAN, pour nous expliquer que les jeunes étudiants noirs ont de la peine à trouver du boulot - faut croire que les services de la voirie sont des nids de Klansmen.)
Ce mot d’ordre inoxydable est en train de trouver une nouvelle jeunesse très inattendue, et qui laisse très embarrassés tant les dinosaures de Mai 68 que leurs contemporains réacs : il y a effectivement toute une catégorie de « sales boulots » que l’Occidental délègue volontiers aux exotiques, mais pas exactement dans le domaine économique. Ça relève de rayons plus rudes à cerner, et qui foutent tout le monde mal à l’aise.
C’est à la population allogène que nous autres, Blancs dégénérés, toujours plus mous, plus obèses, plus oisifs, plus morts-vivants, laissons le soin de vivre à notre place.
A eux de faire des mouflets puisque nous n’en faisons plus entre nous – pire : on les fait toujours plus volontiers avec eux, c’est « ouvert », « progressiste », « inévitable » même puisque nous sommes « condamnés à vivre ensemble », sans vouloir comprendre que nous avons été les procureurs de notre propre procès.
C’est à eux que nous déléguons le Devoir de Colère, puisque chez nous on lui donne le nom abject de Haine pure et simple. La révolte des banlieues occupées nous cloue sur place, pétrifiés de trouille et de respect soumis, parce que nous la pensons légitime. A chaque départ de feu, on trouve des hordes de sociologues pour le justifier par des années de douleur rentrée, d’humiliations encaissées sans broncher, infligées par cette Majorité silencieusement xénophobe à laquelle nous sommes censés appartenir.
A noter que depuis la fin du massacre fratricide cuvée 1939, c’est encore chez eux que nous cherchons des moyens de régler nos différends niveau gouvernance globale : la Guerre Froide n’aura été qu’une immense instrumentalisation du Tiers-Monde pour de la rage qu’on était infoutus d’exhaler entre Fromages d’Ouest et Fromages d’Est. Des massacres à la kalash’ ou à la machette partout dans la Périphérie , pendant que dans l’ex-Centre, des champs entiers de missiles capables de vaporiser la planète se font manger par la rouille et l’oubli. Emblématique.
C’est encore chez eux que nous exportons tout ce qui donnait à notre vie sa saleté jubilatoire et fertile, tous ces aspects sombres et inavouables qui font que l’espèce humaine a pu survivre si longtemps à l’absurdité de sa condition. L’Autre, ce merveilleux Autre si Différent et si Egal à la fois, doit se charger de tout le racisme, de tout le machisme, de tout l’obscurantisme dont nous n’avons plus les couilles d’assumer le poids.
Bienvenue, ami nazebroque, si tu n’as pas le type caucasien ! Fais-toi plaisir, sectaire irrécupérable, si tu vis ici en venant d’ailleurs ! Vas jusqu’au bout de ta misogynie, Frère Humain, tant que tu ne ressembles pas à un cousin ! A toi la vautrée dans toutes les explosions d’animalité, puisque tu as eu la chance de rester un Bon Sauvage ! Profite de cette liberté dont nous nous sommes privés, nous autres lamentables Civilisés, si laids, si polluants, si avachis !
C’est toujours chez eux que nous sous-traitons toute notre joie de vivre, notre respect de l’expérience acquise, notre besoin de racines et de liens avec nos anciens. Les « roots » (racines, en french) sont le nom affectueux qu’on donne au mouvement rasta, en référence à son amour des racines africaines du mouvement – nos propres racines européennes n’ont pas droit à une telle affection, elle sont au contraire insortables, cachez-moi ça !
Une « tradition ancestrale » ? Pas d’objection si elle vient du Mali, des Andes, des rizières antipodesques ! Mais gardez pour vous les vôtres, qui puent le terroir local, c’est du linge sale qui ne regarde que vous. La bonne humeur spontanée, qui ne cherche pas son bonheur de midi à quatorze heures ? Si touchante dans la savane qu’elle ne peut qu’attendrir ! Mais chez les gens qui ont la même gueule que soi ? Vulgarité ! Stupidité ! Niaiserie et Inculture crasse ! Bidochons et Deschiens ! Le Bidochon n’est JAMAIS exotique et le Dîner de Cons ne s’organise qu’entre Blanchouilles exclusivement, un bel Apartheid qui réjouit toutes les bonnes âmes progressistes d’ailleurs.
Voilà une forme de Lutte des Classes à laquelle personne n’avait pensé. Entre l’Europe et la misère du monde qu’elle est si avide de pomper sur ses terres, il y a désormais le même rapport qu’entre une Reine et sa fourmilière. Un corps blanc informe, gigantesque d’obésité, qui produit jour et nuit mais ne peut survivre sans une armée de petits corps noirs et secs, entièrement dévoués à son gavage. Jusqu’au jour où ils en auront plein le cul de vivre uniquement par elle et pour elle, et qu’ils se résoudront à la bouffer pour survivre. C’est à quoi les prépare et les incite le discours de la gauche depuis un demi-siècle, depuis le sponsoring par Sartre du ressentiment identitaire d’un Frantz Fanon.
Car même notre propre destruction, nous la confions désormais à la relève multicolore du continent, infoutus que nous sommes de nous flinguer tous seuls.
16:55 Publié dans La Zone Grise | Lien permanent | Commentaires (0)
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