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10/05/2008

REPREZENTZ LA CRATIE DES MOTS

Applaudimètre en folie quand un Harry Roselmack obtient le droit de nous servir la soupe d’infotainment. Vertiges extatiques des commentateurs sur le beau symbole d’un Obama présidentiable. Empressement de toutes les instances officielles à battre le record de Diversité, histoire que le sommet du panier soit plus « représentatif » des pommes qui pourrissent au fond. A quoi ressemblerait le cirque funèbre des Démocrates sans les rites amoureux autour de la Représentation ?

 

Plus de pouffiasses dans les coulisses du pouvoir ! Plus de mélanine chez les gratte-papiers ! Plus de percussions afro-cubaines dans les quatuors à cordes ! Voilà le tocsin du Vieux Monde, cette cacophonie qu’on nous prie d’applaudir comme à un délicieux carillon !

 

Vous crevez, blanchouilles, vous vous étouffez dans votre interminable Near Death Experience qu’est l’existence moderne, et vous en redemandez ! Vous trouvez ça « juste », « légitime », « équitable » !

 

La Différence d’En-Bas a le droit de se sentir représentée aux plus hauts étages ! Dépassé, le poussiéreux « Un homme, un vote » : on est passé au plus prosaïque « Une minorité, un prime-time », chacun attendant son tour de temps d’antenne pour dire exactement les mêmes conneries que les autres. Pas grave ! Rien à palucher du contenu ! L’essentiel, l’indépassable, l’obligatoire, c’est que chacun se sente représenté, que le dernier membre de la plus petite secte ait son délégué officiel au grand pince-fesse des faux culs.

 

La représentation, ça n’a pas l’air comme ça, mais c’est un truc vachement balaise. On n’est pas assez raffinés pour comprendre, nous autres blogoréacoïstes. C’est à la politique ce que le français est au langage : une collection d’exceptions à la règle, codifiée par des vieillards qui se prennent extrêmement au sérieux.

 

Un ou deux exemples, pour souligner la complexité de l’affaire.

 

Hommes et femmes sont égaux. Si Julie veut faire camionneurE, gardE du corpEs ou présidentE des EtatEs-UniEs, y a pas à tortiller, c’est son droit et elle en a intrinsèquement les capacités au même titre que n’importe quel mec (plus que n’importe quel mec, s’entend, mais ne se dit pas pour éviter de pousser la caricature MLF). Mais quoiqu’il en soit c’est une ambition normale en même temps qu’un symbole fort.

 

Quelque chose d’ordinaire pour les hommes et d’extraordinaire pour les femmes.

 

Autre chose. La couleur de la peau : broutille. Caprice irrationnel de la Nature. Révélateur de rien du tout. En tenir compte dans l’évaluation d’un individu n’est pas seulement illégal, c’est surtout un crime doublé d'une grave faute de goût. Et pourtant, un Pape noir, un Pwésident dans la Maison Blanche, quelle belle perspective ! On ovationnera ce signe de progressisme s’ils se produit, on dénoncera le wacisme latent des institutions s’il se fait attendre.

 

Dans le même ordre d’idée : Robert Duschmoll, Blanc hétérosexuel mâle, se retrouve à la tête de va savoir quel pays. Si vous êtes quoique ce soit d’autre que leucoderme, pas pédé et pas gonzesse, la Loi de la Représentativité Absolue et Relative postule que vous ne vous sentirez pas vraiment concerné par son action. Limpide : vous ne vaquez pas aux mêmes culs, vous ne gérez pas les coups de soleil de la même manière, vous pissez du sang une fois par lune, autant de différences qui vous rendent étranger à cet homme-là. Il ne peut pas défendre efficacement vos intérêts parce qu’il ne vous comprend pas vraiment, et il ne vous comprend pas vraiment parce qu’il ne vous ressemble pas.

 

Porquè no, finalement ? Sauf que ce n’est pas vrai pour tout le monde. Ainsi, pour peu que vous ressembliez beaucoup à Robert Duschmoll, son teint et ses érections ne vous concernent absolument pas. Tout ce qu’il compte, c’est qu’il soit compétent, honnête, en accord avec vos opinions politiques. Sa blanchitude est un détail gênant ; il n’est pas obligé de s’en excuser publiquement, mais s’il fait un geste en faveur de la négritude, de la jaunitude, de la gaytude, de la météquitude, il aura en quelque sorte « racheté » sa carence en mélanine, dont l’Histoire nous démontre si bien le potentiel criminogène et génocidaire.

 

En clair, plus il se fera le représentant de gens qui ne se sentent pas représentés par lui, plus vite il gagnera ses galons de Nouveau Juste. Notons que l’homologue tiers-mondesque de Robert Duschmoll serait malvenu de lubrifier une telle Ouverture sur l’Autre ; l’étiquette exige de lui une dignité ombrageuse de descendant d’esclave ou de coolie, sans laquelle on devient un colonisé, un Oncle Tom, un Bounty. 

 

Rester cohérent au milieu d’un tel bordel idéologique et sémantique, est-ce possible sans LSD ?

 

L’astuce semble être précisément de d’appliquer ce contre quoi la Représentation veut précisément lutter : l’inégalité de traitement selon la tronche de l’électeur-client. Oh on s’entend : à dose homéopathique, avec parcimonie et discrétion. Robert Duschmoll s’appliquera donc à ne pas représenter du tout ses semblables en tant que tels. Ce sera selon qu’ils soient de « gauche » ou de « droite », fonctionnaires ou indépendants, syndiqués ou non, roulant en poubelle ou en Lexus – qu’importent les catégories, l’essentiel est de créer autant de factions que possible et d’en faire des marchés captifs.

 

Au sein de chacune de ces filières, ne restera plus qu’à mitiger tant que possible toute forme d’homogénéité trop prononcée. Prôner la Mixité sous ses formes les plus délirantes. Donner des gages d’ouverture et de tolérance. Faire des appels du pied très appuyés aux Minorités. Bien insister sur le fait que « rester entre soi » nuit à la paix sociale, à la prospérité économique, à la santé de la Démocratie. 

 

« Rassembler », en un mot.

 

C’est si imparable que même les éventuels contradicteurs en viendront à surenchérir dans le même registre, à adopter la même rhétorique, à se polir jusqu’à la transparence, à se réclamer des Drouadloms pour lutter contre le droit-de-l’hommisme. Le chant d’un vieux cygne imitant le plus laids des canards. L’ultime humiliation arriviste avant le recyclage dans le compost de l’Histoire.

Commentaires

Une écriture nucléaire-couillue, ça fulgure sec. J'ai tout mangé.

Écrit par : Comte de Clairanval | 03/07/2008

Nuit gravement à la santé, ne pas consommer dans les lieux publics. Mais merci quand même, bon Comte.

Écrit par : Stag | 03/07/2008

Les commentaires sont fermés.