14/05/2008
" EN TEMPS DE PAIX, L'HOMME BELLIQUEUX SE FAIT LA GUERRE A LUI-MÊME "
Il n’y a pas chez nous de fascination pour la guerre et la violence en tant que telles. Combien de guerriers de comptoir qui ne sauraient pas se servir correctement d’une pétoire ou seraient tétanisés au moment de choisir entre leur peau et celle d’un autre ?
Passé un certain stade de rage, de frustration et de dégoût, la lassitude finit par l’emporter sur les élans d’explosion. Tournent encore sous le crâne des images floues de massacre, mais c’est à peine si l’insulte parvient encore à remonter jusqu’aux lèvres. Tout s’est figé, comme ces cristaux insoupçonnés qu’abritent parfois les pierres des montagnes où personne ne vient marcher.
Ce qu’il reste en nous d’attrait malsain et infantile pour l’univers martial, nous vient très simplement d’une complète absence de véritables rites de passage et d’occasions de prouver notre valeur. Il ne s’agit même pas de courir après le triomphe des obstacles et le vertige de la domination totale : c’est la recherche du crash-test, l’épreuve de force au premier sens du terme, voir si l’on sera brisé ou encore en un seul morceau. Or rien de tel autour de nous. Rien qu’une interminable succession d’intégrations foireuses à des chapelles sans âme.
Baigner dans l’aigreur d’une famille médiocrement dysfonctionnelle en tentant de préserver un peu d’innocence solide, histoire d’avoir quelque chose de beau à transmettre. Le formatage du malaxeur scolaire, où s’enseigne le désamour de tout effort et de toute connaissance. La rééducation permanente du monde de l’entreprise, où il faut rentrer comme d’autres s’échappent de prison, en creusant son tunnel à la petite cuillère, sans garantie de déboucher ailleurs que dans les égouts. Aligner les CDD affectifs fades qui assèchent votre capacité d’aimer, jusqu’à ce que l’un de ces contrats se transforme, sans trop qu’on sache comment, en un de ces ersatz de « foyer », exactement du type qu’on s’était juré de ne jamais reproduire.
Tout ça pour quoi ? Pour le droit de recommencer, et de dire merci, et d’assurer tout son entourage que rien ne pourrait aller mieux, qu’on s’est pleinement réalisé dans ce marigot poisseux. Des centaines de grammes de Valium, d’heures d’analyse, de kilomètres de jogging sur bitume pour meubler ces abysses où la Machine n’exige plus rien de nous, et où l’on se prend en pleine gueule la vacuité de nos heures de veille.
Dans le travail à la chaîne abrutissant que sont devenues nos vies, même l’alternance entre souffrance et ennui est lente, molle, feutrée. Pas moyen de se réveiller en cognant les murs avec la tête : tout est capitonné et désinfecté. Nous moisissons sur pied, en attendant des choses auxquelles nous ne croyons même plus vraiment. Trouver un *bon* job *stable*, faire enfin des mouflets, vivre ailleurs que dans un clapier irrespirable ne fera pas passer ce goût de cendres dans la bouche, comme une salissure définitive.
Voilà comment le « Il vous faudrait une bonne guerre », tant raillé par les Jouisseurs Désentravés, fait son retour clandestin parmi nous. Il n’y a pas que le désir tout-puissant d’éparpiller à tous les vents la montagne de fumier qu’est cet Occident dégénéré, victimolâtre, enterré vivant sous les Wii-fit et les Iphone. Il y a aussi et surtout le terrible besoin d’être évalué sur d’autres critères que la rentabilité, par d’autres maîtres que des agences de placement, à travers d’autres épreuves que la résistance au sentiment d’inutilité et d’absurdité. En acceptant d’avance tout jugement : la délivrance de l’échec ultime à survivre aussi bien que l’écrabouillage orgasmique de n’importe quel ennemi officiel. Bouffer ou être bouffé. Mais pas continuer à moisir pour que dalle, en se shootant au désespoir pour oublier qu’il n’y a que la grisaille et un coma sans fin à espérer.
Alors il faut picoler, chercher la castagne avec les supporters d’en face, finir la nuit au poste, se fritter avec la flicaille aux grand-messes mondialistes, harceler les baleiniers, foutre le feu à des parkings, prêcher le jihad ou la guerre raciale – n’importe quoi pour retrouver quelques sensations animales pures et pour secouer les sens émoussés par le viol médiatique et idéologique permanent.
Automutilations de singes en cage.
10:58 Publié dans Marées Noires | Lien permanent | Commentaires (6)
Commentaires
Bravo...
Je suis en plein dedans : ce besoin de me confronter à quelque chose de difficile, de violent... Pas pour me sentir exister, mais simplement pour voir si je suis capable de tenir, pour tester ma résistance...
Et je ne suis plus un adolescent.
Vous visez vraiment juste...
Écrit par : Symer | 14/05/2008
lassitude finit par l’emporter sur les élans d’explosion...
Non..;tu es jeune. Il te reste une étape...
Je crois comprendre maintenant ces comportements qui dans quelques fims ou bouquins me glacaient autrefois d'étonnements et d'effroi...
Il te reste une étape, disais je. Celle oû ces gens là t'auront tellement fait chier que tu pourras leur vider un chargeur dans le cassis sans te poser la moindre question. Tu seras libéré de ta "carcasse humaine"...tu seras "hors toutes morales"...le paradis du dégoût.
Écrit par : tyler | 14/05/2008
encore un must votre texte
toujours pas de guerre mais qu'est-ce qu'on dérouille...
Écrit par : Julius | 14/05/2008
Fight Club.
Écrit par : xyr | 14/05/2008
seuls les fous sont "libérés de toutes morale", les vrais baveux, ce qui se repeignent avec leur merde (et ce n'est pas une métaphore). Même les tueurs ont un sens -bien à eux d'accord, mais il existe- du bien et du mal. Bref tyler, de la jactancer d'ado. Et tu le sais.
Écrit par : restif | 19/05/2008
Tellement vrai...
J'ai déjà le mouflet, 5 mois...
Pourrais m'entraîner dessus.
Me manque le Fass, me l'ont enlevé pour cause de comportement sociopathe. Quelle merde, me reste la hache mais cela demande de l'effort. Suisse, pays de besogneux...
Écrit par : zz | 29/05/2008
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