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30/08/2012

ECONOMIE DU MEPRIS

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Quel bourrin assumé, quel réac moyennement burné, quel lettreux vaguement fréquentable ignore encore, outre quelques châblons découpés chez Nitché, la fameuse tirade castelbrillantesque

 

Il y a des temps où l’on ne doit dépenser le mépris qu’avec économie, à cause du grand nombre de nécessiteux

On la savoure et la sert à autrui sans y réfléchir, avec des manières d'aristo ruiné fin-de-race (notez l'admirable corsé de l'expression, qui jamais dans notre histoire n'a eu tant de sens, simple et double), mais la comprend-on bien ? Un préalable serait d'avoir au moins feuilleté le bouquin dont elle est excisée, ce qui n'est pas votre cas, et pas le mien non plus, ce qui nous fait un point commun, friendisons-nous sur fessebouc, voulez-vous ?

Un épisode familial qui ne vous regarde absolument pas vient à peine de me faire goûter toute l'exaltante profondeur de ce lambeau de pensée.

Aux oreilles de qui croit vomir son temps et ses contemporains, elle sonne comme une suave mélodie militaire, une paradoxale incitation à la persévérance dans les excès contre lesquels elle met en garde. A nous en enivrer, nous nous portons, bien au contraire, à l'abus de mépris, l'ivrognerie de supériorité usurpée. Son incitation à la modération, dans une discipline dont les adeptes ne connaissent que ses outrances, n'est perçue - et surtout appliquée - qu'au second degré.

L'ami François-René nous parle de pédale douce et nous l'approuvons en l'écrasant contre le plancher.

Réaction jumelle aux pitoyables tentatives d'application du slogan nitchoïde Ce qui ne te tue pas te rend plus fort : il justifie avant tout l'autodestruction ludique et mièvre - le sport extrême de l'esprit - qui consiste à accélérer le vieillissement sans qu'on en tire la moindre force, ni la moindre noblesse, ne pouvant prétendre qu'à un cynisme un poil moins confortable et présentable que le premier connard venu, puisque les temps sont à l'ironie facile et à la dérision généralisée.

Et pourtant, foutre ! A-t-il assez raison, quand on l'écoute sans fioritures, au premier putain de degré.

De quelles réserves de mépris croit-on vraiment disposer ?

Qu'est-ce qui nous fait croire qu'on va pouvoir en distribuer à la Maddof ?

Le risque n'est pas qu'on s'épuise à l'imbécile tâche, bien sûr - mais qu'on y prenne un goût si profond que le geste punk se transforme soudain en pauvre routine. Mépriser d'office comme d'autres sont polis même avec les individus qu'ils haïssent. Différence réelle ? Zob.

Haine et mépris ont au moins ceci en commun qu'ils sont addictifs et vous rendent sacrément prévisible, et foutrement rigide. Ce n'est pas la façon la plus intelligente de survivre à long terme, en particulier quand on a la tripe en flammes et le caractère belliqueux.

Ayant claqué tout son mépris en arrosant des quidams qui ne méritaient que l'ignorance, on se retrouve fort dépourvu quand survient un cas digne d'une colossale obole. Epuisé, vidé, vampirisé. La sensation mentale évoque la physique, quand on a poussé un hurlement écorché et qu'une fois les poumons vides, on cherche à gueuler encore sans reprendre son souffle.

Le falbala littéraire est vaseux : dans les faits, je constate de facto que la haine et le mépris pratiqués a priori mènent à la dessication de l'âme, ou de ce qui nous en tient lieu. Un peu comme si l'on ne s'exprimait quotidiennement qu'en hurlant : comment traduire la colère légitime si l'on a les cordes vocales bousillées par la surenchère ?

Ceci rejoint cette citation de Voltaire, dont il ne me reste que des fragments amnésiaques, qui expliquait sa conversion tardive à l'optimisme pour d'élémentaires raisons de santé. Il faut, de toute évidence, se forcer à la bonne humeur et choyer sa propre naïveté, parce qu'elle nous fait, sur le long terme, bien moins de mal que la désabusion et la désespérance appliquée.

Comprenne qui pourra et/ou qui en aura quelque chose à foutre.

Commentaires

Intéressant et déstabilisant, donc j'abonde.
Le combat est quotidien et contre tout le monde, contre soi-même d'abord bien évidemment.
Cependant la réalité est poisseuse et ne part pas au lavage : je me surprends encore récemment à m'égarer dans des discussions qui n'en sont pas (faute d'interlocuteurs valables) mais qui avaient pourtant bien commencées autour d'un verre ou d'une piste de dés.
La dessiccation de l'âme apparaît moins de la part de la routine du mépris (inévitable, comme toute routine) que de la part de sa confirmation et de l'éventuelle déception qui s'ensuit (selon que l'on attendait ou non quelque chose).
La question suivante étant : n'ai-je pas parfaitement huilé un moteur dont je connais à l'avance les performances ou suis-je réellement seul ?
Je pense que ce genre d'interrogations font partie des points passionnants à discuter intellectuellement mais inopérants sur le terrain ; de toute façon on est rattrapé par sa nature voire même "baisé" par elle.
On peut même aller plus loin : à chaque cas où, en effet, mépris a été dispensé, son propre système personnel est non seulement confirmé mais endurci, comme on tanne le cuir. Il devient donc de plus en plus difficile de s'abstraire de ce qui est donc une routine mais plus que ça, une armure (ou une carapace ou un cal géant).
Tout dépend ensuite du niveau de sensibilité des uns et des autres, en sachant qu'il faut bien de toute façon une frontière avec le monde et donc un système d'entrées/sorties (abstraitement parlant bande d'abrutis).
Sur le constat global je suis bien d'accord : ça tourne en rond, c'est à dire "nous" (si ça a un quelconque sens) et "le reste".
Il n'en reste pas moins qu'il est des routines préférables à d'autres, de la même façon qu'il y a des bonnes et des mauvaises habitudes.

Écrit par : GAG | 31/08/2012

Moi j'en ai quelque chose à foutre et le problème est sacrément pertinent... Il y a bien sûr un vice du mépris et de la détestation, même dans des situations (par exemple la nôtre) où ces derniers sont parfaitement légitimes... Ce vice (sans parler de la simple aigreur ou de l'enflure), c'est quelque chose comme l'acédie misanthropique qui finit par désespérer de soi parce qu'elle ne sait plus pourquoi elle méprise ni au nom de quoi elle déteste...
De ce point de vue, l'en-tête du site est vraiment intéressante, parce qu'on pourrait la renverser : "une certaine haine au service du style" ; un style de vie sans pollution allogène permanente, un style de vie qui veut l'unité de sa personne et du groupe auquel elle appartient, un style d'écriture qui sait dire adéquatement la laideur du monde et la lâcheté des contemporains etc.
C'est peut-être au nom d'un tel style qu'on balancer du mépris à tout-va, sans prendre le risque d'être noyé...

Mille bonnes pensées pour vous Stag,
Mors,
Soldat inconnu de la zone grise

Écrit par : MORS | 31/08/2012

Réflexion très juste. On s'épuise. Cet instinct de survie nous tuera.

Écrit par : SA | 02/09/2012

c'est la bardot sur la photo ?

ho putain qu'elle est belle !

Écrit par : kobus van cleef | 03/09/2012

J'ai surtout retenu la citation, je sens que je vais la ressortir plus d'une fois au moment opportun.
Merci.

Écrit par : Fayard du Nord | 06/09/2012

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