28/11/2012
LA PLACE DU BRÛLE
Années nonante. Torpeur bienheureuse. L'inconfort physique n'a pas d'importance, on oublie le dos plié en deux, les genoux qui appuient quoiqu'on fasse contre le siège de devant, la place du mort, ce qui fait qu'on est assis à la place du brûlé. Fraîcheur de la vitre contre laquelle le front s'appuie. Sait-on seulement où l'on nous emmène ? Pas vraiment. Quand résonne cette longue note de saxophone, on ferme les yeux, on se laisse bercer par les vibrations du véhicule. La soirée est encore longue, très longue. Qui sait où et quand on pourra dormir ? Aucune importance. On sait qu'on ne dormira pas seul. Elle est là, toute proche. Les autres aussi, membres de ce clan éphémère et artificiel où chacun vient puiser un peu de chaleur, l'air de ne pas y toucher. Tout le monde est un peu bourré, ou très bourré, bière, whisky, vin rouge bon marché. La nuit défile, succession de lumières blanches, bleutées et oranges. Et tout fait sens, parce que le fait que rien n'en ait est une merveilleuse évidence, qui ne fait plus peur, ni plus mal. En ce moment particulier, coincé dans cette bagnole, en route vers quelque bastringue, la haine, la tristesse, l'absurdité, la désespérance, la vacuité n'ont plus d'importance, plus de poids. On voudrait pouvoir en arracher l'ADN, le principe, le noyau, le cloner à l'infini, en stocker dans des boîtes pour l'avenir. On se console de ne pouvoir le faire en reprenant une gorgée de n'importe quoi, et en laissant la soirée aller son cours. Et des années plus tard, on réalise tout connement que le prélèvement a été fait, qu'on aura toujours sous la main ce qu'il faut, pour peu qu'on puisse écouter ça.
23:58 Publié dans Exhumations, Survie musicale zonarde | Lien permanent | Commentaires (1)
Commentaires
on croirait lire les mots de murphy la débraille dans "transpoting" d'irvine welsh
j'aime assez
surtout lorsqu'on sait comment il s'en tire dans la suite
Écrit par : kobus van cleef | 03/12/2012
Les commentaires sont fermés.