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11/02/2014

"UNE ADOLESCENCE RÉUSSIE"

Le glorificateur de la beauté septentrionale estime, dans un billet qui remonte à décembre passé, que l'appréciation de son travail est réservée à un lectorat qui a subi "une adolescence ratée."

Je comprends ce qu'il veut dire, mais ne suis pas sûr de pouvoir définir ce que pourrait être une adolescence réussie.

Pour mécole qui vous cause, cette période a surtout été abominablement chiante, et je pense que c'est le cas pour la grande majorité des jeunes hommes qui ne vit pas dans la plus porcine opulence ou n'est pas "connu des services de police" avant son premier poil de barbe. Le principal enseignement de l'enfance est la frustration, celle de l'adolescence est l'ennui. On n'en sort indemne que grâce aux livres, à la musique, aux voyages pour les plus chanceux.

Il me semble par ailleurs que le concept même d'adolescence est une invention relativement récente, tout aussi inutile que la période qu'il désigne, saluons cette rare cohérence. C'est quoi, un ado ? Un gamin affligé de pulsions d'adultes et privés des droits d'y céder comme des moyens d'y résister. Abjecte chrysalide sans la souplesse de la chenille ni les ailes du papillon. On s'y emmerde comme ces interminables journées qu'on passe au plumard, les jambes coupées par un virus.

"Rater" son adolescence - pléonasme.

C'est foutre en l'air ses vingt ans qui est une tache ineffaçable dans le cursus d'un individu.

J'ai rangé mon adolescence idiote dans un carton où elle se momifie à son rythme. Mais le zombi de mes vingt berges, prostitués pour des clopinettes, gâchés au nom de la flemme, de la lâcheté et de la neurasthénie pratiquée en hobby, celui-là ne veut pas rester dans son tiroir. J'ai sa gueule pourrie devant les yeux ce soir, et pas du tout envie de trinquer avec lui.

On est le sang qu'on a reçu, l'éducation qu'on a intégrée, l'époque où l'on vit, c'est certain. Ce stupéfiant gâchis, je n'en suis pas seul responsable. Les enfants de soixante-huitards sont véritablement cette première génération élevée d'un bout à l'autre selon les règles du Spectacle, comme l'écrivait Semprun, ou un autre post-situ dont je ne retrouve pas le passage. Nos souvenirs communs ? Des sitcoms.

Mais rien ne pardonne d'avoir trouvé trop tard l'énergie de se soustraire à un destin à la con. Il n'y a pas que le style qui fait l'homme, ou plutôt fait partie intégrante de ce style la manière dont il refuse de se plier à un destin tout tracé, la persévérance qu'il met à dérailler une fois qu'il a réalisé que la voie le mène dans un marigot de médiocrité, de bassesse et d'impuissance.

Commentaires

Vrai et bien écrit.

Écrit par : Le blaireau-garou | 12/02/2014

https://www.youtube.com/watch?v=pPjYq9LoG3M

Écrit par : 46549849 | 13/02/2014

superbe de vérité. Merci.

Écrit par : fx | 14/02/2014

"Si jeunesse savait. Si vieillesse pouvait."

Écrit par : Baldr | 15/02/2014

Les commentaires sont fermés.