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16/05/2007

LA HONTE DES FUTURS ARCHEOLOGUES - PT. 1

On est souvent surpris, quand on étudie les civilisations anciennes, de la bizarrerie de certains rites, de l’importance accordées alors à des croyances qui nous semblent absurdes. Lorsque les archéologues de l’avenir étudieront la fin de l’empire occidental, ils seront plus abasourdis que nous le sommes face aux Moai de l’Île de Pacques ou à l’obsession des Egyptiens pour l’astrologie.

 

 

Ils découvriront une société régie par une élite qui ne croyait même pas à ses propres mythes, où l’on gravissait les échelons du pouvoir selon la séduction opérée sur une stricte minorité de scribes à la fois omniprésents et mongoliens. Il n’y a pas que nos anciens qui considéraient les handicapés mentaux et les fous comme sacrés : nous avons porté le culte du gâtisme aux plus hautes sphères, chacun se prosternant devant ce qui se fait de plus crétin, de plus faible, de plus difforme. Que des rappeurs, des invertis, des vaginocrates, des laiderons et des putes puissent être considérées comme des exemples à suivre en dit plus long sur notre civilisation que tous les manuels de sociologie.

 

 

La social-démocratie se gargarise de ses valeurs, de ses réalisations, de ses libertés. Que lèguera-t-elle à ses survivants ? Rien, absolument rien de ce qu’elle croit de plus « durable » en elle. Nous laisserons à nos descendants l’image bouffonne et pathétique d’un sabordage sous acide. La décadence de Rome, en comparaison, aura un aspect romantique et glorieux. Nos Caligulas sont des sous-merdes sans panache, notre luxure est atroce de vulgarité marchande, notre aristocratie fin-de-race a la prestance et le charisme d’un candidat à la Starac éliminé au premier casting.

 

 

Pistes à l’usage des futurs chercheurs :

 

 

L’Occidental et ses croyances

 

 

 

L’Occidental des derniers siècles est panthéiste, version molle. Il vit dans un monde où les astres et les éléments tournent autour de l’Individu, sorte de divinité présente en chaque être humain, et à qui on doit rendre un culte très astreignant.

 

 

 

L’Individu est à la fois omniprésent et omniscient, mais d’une extrême fragilité : toute entreprise collective menace sa survie et doit être abandonnée si elle risque de le froisser. Un adage de l’époque spécifie qu’il vaut mieux libérer cent criminels confirmés plutôt qu’un seul innocent soit condamné à tort. C’est bien évidemment toute la collectivité qui en souffre et qui finit par mourir d’incivisme et de désordre. Mais à cette époque, le Peuple est considéré comme une abstraction légale, et comme une addition de tous les individus qui le composent. On préfère donc le malheur de tous à l’injustice frappant un seul.

 

 

L’Occidental est également xénolâtre, un système de croyance qui renverse toutes les conceptions connues jusqu’alors. Ce qui vient de sa propre tribu est considéré comme suspect, et tout ce qui émane de l’extérieur doit être accueilli sans restrictions ni méfiance. Ne sont suspicieux que les mécréants et les mauvaises personnes, que la loi et la coutume traitent en Intouchables.

 

 

 

Cette « homo-phobie » (au sens littéral du terme) se retrouve au niveau des familles ; faire le même métier que son père, une évidence jusqu’au XIXème  siècle, est tenu pour un grave échec, un signe de son incapacité à prendre son destin en main. S’ajoute à cela une autre conception, qui veut qu’un fils doive faire mieux, et surtout vivre plus confortablement, que ses parents. Tout autre destin est considéré comme une intolérable injustice.

 

 

Cette idée particulière s’insère dans le culte de la Croissance , une spiritualité très informelle, qui rassemble toutes les catégories sociales et qui transcende les convictions politiques.

 

 

 

Chez les gens « de droite », protecteurs des prédateurs économiques, on la considère comme la condition sine qua non du bonheur collectif. Chez les gens « de gauche », ennemis officiels des premiers et protecteurs des parasites en tous genres, cette conception se retrouve, sous la forme de la « défense des acquis sociaux ».

 

 

 

Apparemment opposées, ces deux castes se rassemblent tacitement autour de l’idée de « Développement Durable ». Elle postule que la boulimie obscène de la société industrielle peut être maintenue indéfiniment, tout en limitant les destructions irréversibles et les pollutions abominables qu’elle génère.

 

(à suivre)

23/03/2007

ANATOMIE D'UN ENFANT DE LA ZONE GRISE

Mode d'emploi 

 

Ces lignes constituent mon coming-out en tant que Naufragé Involontaire, mon premier acte de citoyen de la Zone Grise. Tout ce qui les suivra constituera le témoignage sans importance d’un Petit Blanc quelconque, assistant à la chute des restes de l’Occident, perdu quelque part entre impuissance et fascination. Nous avions déjà les traîtres qui s’en réjouissent, les acharnés qui refusent d’y croire et la majorité qui n’en a rien à battre, il fallait bien quelqu’un pour faire l’ingrat boulot de dresser notre acte de décès collectif. L'autopsie se fera chapitre par chapitre, plus ou moins aléatoirement.

 

Nous sommes tous des banlieusards

 

Ce qui fait le désespoir de la jeunesse à laquelle j’appartiens, c’est un statut intermédiaire qui paralyse plus que l’extrême richesse ou l’extrême pauvreté. Un cumul entre déclassement social, déracinement culturel et espoirs de ruptures qui risquent fort de ne jamais se produire de notre vivant.

 

Nous avons juste assez de fric pour ne pas crever de faim, pour payer un loyer, pour s’acquitter de ses assurances, pour s’offrir des cuites de temps à autres – mais pas assez pour échapper à la routine des jobs temporaires merdiques et pourtant trop pour vivre en parasites décontractés.

 

Nous sommes trop intégrés au corps social pour profiter des avantages de la marginalité, et trop bas dans l’échelle pour obtenir les privilèges de la Nouvelle Classe. Nous avons trop de casseroles aux pattes pour nous débarrasser complètement des entraves de la société de la consommation et du Spectacle, mais pas assez de possessions malgré tout pour se rapprocher de son élite.

 

Nous comptons quelques potes avec qui nous partageons parfois des choses essentielles, mais rarement de Camarades dignes de ce nom. Nous accumulons trop de rage autodestructrice pour participer joyeusement au carnaval ambiant et y faire des projets à long terme, mais pas assez pour mettre un terme à nos souffrances sous les roues d’un interurbain.

 

 

Amputations culturelles et douleurs fantômes

 

 

En fait, nous ne souffrons pas vraiment. Nous vivons en permanence avec une sourde douleur fantôme, un mal-être dont nous ne pouvons parler à personne, qui n’est légitime aux yeux de personne, qu’on ose à peine s’avouer à soi-même seul dans l’obscurité et le silence. C'est le lot naturel de tous ceux qui ressentent dans leur chair l'agonie d'une civilisation dont tout le monde se contrefout du sort, à commencer par ceux qui ignorent encore qu'ils disparaîtront avec elle. Sur la scène des martyrs, il n'y a pas de place pour nous autres Veilleurs et témoins, à moins d’aimer jouer les faire-valoir, les figurants. Le show qui nous entoure n’accorde de place qu’à l’hypersensibilité pathologique des Minorités Médiatiques, dont les états d’âmes instables sont constamment sous les projecteurs. Obligation pour chacun d’entre nous de nous y associer – une sorte d’attrition collective, une empathie sur commande, une compassion sous peine d’exclusion sociale. Nous avons le Droit de renflouer la misère du monde et le Devoir d’encaisser sa rancœur à notre égard, pour les crimes dont on charge nos ancêtres.

 

Tout cela n’est pas frontal, tyrannique, ouvert, ce qui permettrait une révolte franche. C’est au contraire sournois, lancinant, distillé, toujours à la limite de la légalité et du tolérable. Nous devenons borderline parce que nous subissons justement un traitement borderline, des choses qui rassemblées en un seul coup pourraient nous permettre enfin d’exploser, mais qui distribuées au compte-goutte ne font que drainer notre énergie vitale à simplement nous maintenir debout. Des racines mais pas de terre où les planter. Des domiciles fixes mais un style de vie nomade. De la précarité très ordinaire, banale, qui n’intéresse personne, qui semble presque indécente comparée aux vedettes de la Jet-Set victimaire.

 

 

Nés dans les poubelles de l'Histoire

 

 

Nous n’existons pas, ni culturellement, ni économiquement, ni médiatiquement, ni politiquement. Même nos dérives sont contenues, limitées, téléguidées par les ingénieurs de la décadence. Nous ne sommes qu’une fraction de la majorité silencieuse, quelques barques saoules au milieu du naufrage des classes moyennes, censées fermer leur gueule pour crime collectif de médiocrité, de vulgarité, d’ordinarité. C’est cette banalité irrémédiable qui nous rend inexistants aux yeux de nos propres maîtres à penser, des bergers autoproclamés de notre lamentable troupeau. A moitié vide ou à moitié plein, à quoi bon les branlettes philosophiques ? Il n’y a ni assez dans le verre pour que passe la soif, ni assez peu pour qu’elle nous achève. Nous ne menons que des demi-vies, comme une gangrène éternellement figée. Le plus humiliant ? C’est que nous ne représentons une menace que pour nous-même ; le marécage tiédasse et dévirilisant qui nous submerge est à l’abri encore pour longtemps de nos excès.

 

Les ingénieurs du chaos européen n'aiment pas les Enfants de la Zone Grise, ça tombe sous le sens. Ils éprouvent à leur égard un délicat cocktail de mépris, de dégoût, de haine génocidaire et d'inquiétude mal cernée. Mais ils n'ont a rien à en craindre dans l’immédiat. Le grand chambardement qu’ils désirent si violemment, pour lequel ils s’arracheraient les tripes à la cuillère en bois, les laissera s’éteindre sans leur laisser entrevoir ses premiers soubresauts. Voilà pourquoi les mesures prises à l’attention de cette génération mal née sont si tranquilles, si froides, si passagères. Mesurettes financières, toilettages constitutionnels, discours New Age vite archivés, vidéosurveillance à peine contestée.

 

Les plus allumés d'entre nous se limiteront à brûler des bagnoles, à monnayer de pauvres passerelles vers le Marché, à jongler devant les vitrines des multinationales haïes et invincibles, à invoquer les spectres d’un passé glorieux dont ils n’auront jamais le panache ni la vitalité. Les autres se consumeront lentement de l’intérieur, les plus solides moralement finissant tôt ou tard par se laisser récupérer, une fois leur rage juvénile intégralement flambée. A l’intérieur ou à l’extérieur du Système, c’est toujours la routine qui l’emporte. Les Révolutions deviennent des commissions d’enquête. Les Croisades avortées se décomposent en conseils de paroisse. Les communions intenses avec la Nature laissent la place aux promenades balisées dans des parcs sans vie. Ne demeure que la conviction navrante d’être hors-normes,  alors qu’on se retrouve à moisir sur le même rayonnage que les autres produits humains.

 

Et maintenant, on fait quoi ?

 

On ne donne pas de conseil qu'on ne s'est pas intégralement appliqué à soi-même auparavant.

On ne cherche à "convertir" personne, tout au plus peut-on s'autoriser à bousiller les croyances d'autrui.

On tâche de s'imposer une routine solide, qui ne dépende pas que du boulot.

On se prépare, aussi bien mentalement que physiquement, à quelques décennies déplaisantes.

On vole tout ce qu'on peut, pour faire des stocks de volonté, histoire de faire un kilomètre de plus.

On se contrefout de ce que pensent ceux qui prétendent nous vouloir du bien, surtout s'ils ont quelque chose à nous vendre ou du travail à nous déléguer.

On apprend, lentement, à faire la différence entre s'adapter, se soumettre et s'oublier.