18/06/2007
REACTIONNAIRE, DONC PARALYTIQUE
C’est très précisément parce qu’elle est réactionnaire dans ses méthodes et ses analyses que la « droite nationale » - et plus largement tout ce qui en tient lieu – fait du sur-place depuis si longtemps, un sur-place qui décime ses rangs et rancit ses ultimes fidèles. La situation politique, culturelle et sociale ne se prête à aucune résistance passive ni même à aucune réaction.
La résistance passive suppose de la détermination calme, la foi en une sorte de justice immanente qui ramènera tôt ou tard l’équilibre, une certitude d’avoir intégralement raison, une confiance totale dans le jugement de l’Histoire. Or le plus grand nombre n’a plus aucune certitude, sauf d’être du mauvais côté de la barrière ethnique : être Européen, c’est avoir des ancêtres génocidaires, des grands-parents colonialistes, des parents anomiques et une vision de l’avenir qui sent le vomi. Cette lourde hérédité et cette panique face aux défis qui s’annoncent s’unissent pour saper toute possibilité de résolution. On n’encaisse aucun coup quand on a honte de son passé et qu’on craint la vieillesse avant l’heure. L’époque est précisément au jeunisme et à la repentance - ainsi meurent les lignées.
Quand à la réaction active, elle implique un ennemi clairement défini, un choix possible entre collaboration et refus du compromis. La situation était claire aux heures glorieuses du maoïsme halluciné, quand il fallait être de gauche pour avoir des convictions de gauche. Mais maintenant ? Ces convictions relèvent du « domaine public », elles sont enseignées dès les classes primaires, elles sont reconnues même par de prétendus fachos comme allant de soi. Fut un temps où pour bichonner les Minorités, piorner sur le malheur d’autres peuples que le sien et se palucher sur la partouze multiethnique, il fallait avoir le gauchisme chevillé au corps. A présent, il suffit d’être mainstream.
C’est sans doute ce que l’ami Rat Noir entendait, quand il m’expliquait, il y a peu, qu’il ne voyait plus l’intérêt de militer tant qu’il ne s’était pas trouvé un véritable ennemi. L’ennemi, c’est Monsieur Moyen, c’est la civilisation qui se fait quotidiennement seppuku, c’est notre propre épuisement à force de résister à une décadence trop séduisante, trop envahissante, trop corrosive. L’ennemi, c’est tout le monde, donc c’est personne. L’homme belliqueux, comme l’écrivait Nietzche, n’a plus qu’à se faire la guerre à lui-même, et c’est précisément ce que fait la plupart d’entre nous. Le divorce entre activisme et autodestruction n’est donc pas pour le prochain week-end.
La réaction active suppose aussi une capacité d’indignation et de colère absente chez la plupart de nos contemporains. Nous sommes les enfants d’une génération élevée dans du coton, certaine de trouver sa place dans la société sans se fouler, et qui réservait aux sociopathes le droit de bousculer impunément toutes les normes.
En ce sens, les soixante-huitards n’ont pas fait que bétonner la tombe de leurs ancêtres, ils ont aussi canalisé à l’avance le parcours de leur progéniture. Ils sont les derniers Visages Pâles à avoir eu la possibilité technique de conquérir leur propre liberté, à commencer par celle de se s’autozigouiller. Notre faute est d’être ainsi nés collectivement post-mortem. Rien ne rattrapera cet avortement manqué, cette hernie historique, qui fait que nous n’avons rien à foutre là et nulle part d’autre où se réfugier.
La Droite réactionnaire parle à cette génération amorphe et déboussolée en un langage que personne ne lui a jamais appris. Elle sait manifester « festivement » quand ses maîtres à ne-pas-penser lui expliquent que ses Droits sont violés (droit à un avenir pépère, à un fonctionnariat de luxe, à un confort inconditionnel, à des loisirs conçus comme un besoin vital). Mais défendre sa culture, son identité, ses racines ? Elle ne sait pas ce que c’est. Elle n’en voit pas la valeur. Elle n’a jamais rien connu de tout cela. Elle a été pondue par des gens qui s’en sont débarrassés bien avant leur naissance. Comment peut-on défendre ce qu’on n’a jamais rencontré ? Comment peut-on aimer ce qui nous est absolument étranger ?
Ce qui fait la longueur d’avance des zaltermondialistes, et qui explique leur pouvoir de séduction chez les Blanchouilles que démangent le besoin d’agitation ? C’est qu’ils ont des raisons présentables de détester l’Europe telle qu’elle est. On peut se permettre les pires déglingues au nom de la Tolérance , de la Justice , de l’Equité, de toutes ces délicieuses branlettes philosophiques.
Pour le journaliste ordinaire, un pavé marxiste dans la gueule fait moins mal qu’une insulte facho dans l’oreille d’un sourd. Nos pisse-copies ont été assez interloqués de découvrir le « Rapport sur la sécurité intérieure de la Suisse » et son insistance sur le danger représentés par les extrémistes… de gauche ! Ces sympathiques jeunes gens qui luttent pour un monde meilleur ? En voilà une surprise ! Comment peut-on être un danger quand on a de si belles idées ? C’est sûrement que l’Etat est noyauté par les capinazitalistes – mais des nazis sacrément égoïstes, parce qu’ils n’ont pas jugé utile d’en avertir leurs petits camarades moins friqués et moins intégrés dans le réseau politico-médiatique.
Vous voyez le quiproquo ? Un vrai vaudeville. Dire que des potes à nous dirigent le régime et qu’on continue à n’y avoir aucun véritable droit de cité, c’est quand même cocasse.
05:00 Publié dans Autopsie de la Dissidence | Lien permanent | Commentaires (0)
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