24/11/2007
A - PO - LI - TI - QUES
Nous n'avons jamais été "politisés" et nous ne serons jamais concernés par la "politique", par rien de ce qui préoccupe les Régulateurs des égouts de la Polis. (Je dis "nous" plus par politesse que par prétention).
Un UDC de plus ou de moins au Conseil Fédéral ?
La naturalisation automatique ou éreintante des allogènes ?
Plus de flics ou plus d'éducateurs dans les rues?
Moins d'impôts pour les riches ou plus d'allocs pour les pauvres ?
RIEN A BATTRE.
Mais alors absolument rien.
Sincèrement. Un constat sans exagération aucune.
Nous n'avons jamais voulu de strapontin au club des gestionnaires du désastre.
On a dû se gourrer dans l'heure, se tromper dans la saison, pour en venir à donner des avis constructifs sur telle ou telle partie de la tuyauterie souterraine de la démocratie. Tout ceci ne nous concerne pas. Rien n'en affecte nos existences dans des proportions que l'on puisse remarquer.
En tant qu'individu, peut-être bien que je peux avoir à secouer qu'on me propose 10% de plus ou 10% de moins sur mes factures d'assurances. Au moment de remplir une ou deux étagères du frigo, c'est sûr que la notion de "pouvoir d'achat" devient quelque peu palpable. En faire un idéal ? Un cri de guerre ? Une "philosophie-de-vie" comme on dit chez les blaireaux ? Autant faire pousser des fleurs sous les rayons d'un néon d'une ampoule à basse consommation, pardon. Un comateux peut vivre avec une perf' de glucose, une sonde anale permanente et un bon traitement contre les escarres. Est-ce que sa vie lui sert encore à quelque chose ? Qu'on se pose aussi la question à l'échelle de toute une civilisation qui ne vit plus que pour écouler ses marchandises, soutenir ses flux financiers et inventer du boulot pour des millions de gens qui, s'ils ne bossaient pas, n'entraîneraient pas l'effondrement du Système puisqu'il n'a pas besoin d'eux.
Le "tissu social" ne se détricote pas seulement parce que nos voisins n'ont ni la même gueule ni la même langue que nous. Ca aide foutrement mais ce n'est pas suffisant. Si nous vivons de plus en plus comme des autistes entassés dans des bétaillères à air conditionné, c'est aussi et surtout parce que nous ne croyons plus à que dalle. La dernière religion de l'Europe sous sa forme originelle, c'est de se prosterner devant les sectes les plus grotesques et les idéaux de microcéphales du moment qu'on a la garantie qu'ils sont "Différents". Tout tolérer sauf l'Intolérance. Ne rien choisir sauf ceux qui choisissent de choisir (on appelle ça de la Discrimination). Ne s'intéresser absolument à rien de métaphysique, de philosophique, et envisager tout groupe humain comme une vache à lait, qu'il faut nourrir, traire, et vacciner contre les infections qui ferait baisser son rendement.
La "politique" officielle traite nos existences de la même manière que la médecine envisage nos anatomies. L'hygiénisme social est pratiquement passé dans les moeurs et toutes les déviances de la norme ont désormais le statut de maladies à traiter. Quant au troupeau qui ne va pas trop mal, paie ses impôts et n'empêche pas la police de faire son travail n'est-ce pas, elle n'est qu'une grande machinerie à la Tinguely, qu'il faut huiler et nettoyer de temps à autres, mais dont plus personne ne sait exactement à quoi elle sert. L'Occident n'a plus d'avenir et choisit la dilution culturelle parce qu'il a renié une à une toutes les missions historiques qu'il avait accepté jusqu'alors. Sûr, elles n'étaient ni plus belles ni moins absurdes que les croyances des dernières civilisations amérindiennes. Aller foutre le souk à Jérusalem sous prétexte de libérer le tombeau du Christ était une mauvaise idée en soi, et sans doute un pillage organisé déguisé en acte de foi collectif. Et puis ?
Nous savons encore moins ce qui a motivé les populations qui ont érigé les monolithes de Stonehenge. Nous considérons avec un ahurissement rationaliste les pyramides de Gizeh, en nous demandant comment des générations d'Egyptions ont pu dépenser une telle énergie pour une simple tombe royale. Les verdâtres nous racontent l'histoire présumée de Rapa Nui, parabole d'un peuple qui a coupé tous ses arbres pour dresser des statues à la gloire d'on ne sait quelle divinité anonyme. L'esprit du temps ne veut y voir que des élans absurdes, des entreprises délirantes ou criminelles. Et pourtant nos tripes, sourdes à ces arguties de boutiquier, se tordent encore des millénaires plus tard face à ce spectacle, ces stigmates témoins des fièvres créatrices qui dépassent et ridiculisent nos pauvres aspirations. Ces populaces immenses n'agissaient pas pour des pourcentages de salaires, des conventions collectives, "Rêveries de branleur", ricane quiconque doit faire croûter sa famille. Et il aura raison de se foutre de ma gueule. Je l'accepte d'avance. Et je maintiens que l'Europe est morte parce que ses derniers poètes n'étaient capables que de rêver à des termitières humaines. A Porto Allegre comme à Davos, c'est un même idéal de cyborg qu'on bricole entre illuminés, unis par une nausée d'envergure cosmique pour tout ce qui rattache un peuple au coin de terre sur lequel il marche et qu'il fertilisera moins d'un siècle après y être né.
Avoir un organisme en relative bonne forme m'intéresse, oui. Je fais ce que je peux pour le maintenir en l'état et pour en améliorer les éléments les plus défaillants. Mais je ne consulte pas un toubib trois fois par semaine. L'influence de l'alcool ou des nourritures grasses sur ma santé ne me réveille pas au milieu de la nuit. Les séquelles à long terme de mes accidents de bécane ne constituent pas ma seule source de préoccupation. Si je traîne quelque virus ou fracture, je ferai ce qu'il faudra pour m'y soustraire. Mais une fois de retour à la normale, putain de merde, j'ai mieux à faire de ma vie que de compter les fruits-et-légumes-par-jour que j'avale. Ce qui est valable pour mon système digestif vaut aussi pour le corps social dans son ensemble. Les questions économiques ressemblent foutrement à l'ordinaire d'un entérologue : vérifier que les transits vont dans le bon sens, que les flux sont maintenus, qu'on consomme et produit suffisamment de matériaux divers. En fait, c'est tout notre édifice social qui est devenu un gigantesque intestin, une machine à bouffer, à digérer, à chier, et à reconsommer sa propre merde.
La couleur de ces excréments, leur odeur, leur poids, leur répartition plus ou moins égale entre hommes et femmes ou entre nationaux et sans-papiers ? MAIS RIEN A FOUTRE ! Nous nous contrefoutons des questions de "fondements", seules nous intéressent les questions de fond. Et personne, jamais, nulle part, ne pose ces questions. Libéraux, conservateurs, socialistes, capitalistes, centristes, sécuritaires, tous se réfèrent systématiquement au même système de valeurs indiscutables et incontournables qui postule respectivement que :
- la Démocratie est le seul régime politique digne de ce nom ;
- les Droits de l'Homme sont à la fois naturels et nécessaires, une question de bon sens et l'aboutissement de la pensée humaine ;
- les gesticulations les plus clownesques et les plus new-age sont acceptables du moment qu'elles rendent hommage à Saint-Climat ;
Etat ou Marché, peu importe l'Autorité Suprême dont on est invité à sucer les orteils. Tout ce que leurs adorateurs respectifs lui demandent, c'est d'assurer le maintien des surplus de mangeaille, le respect des horaires des transports en commun, la stabilité du PIB, la continuité de la Croassance. On fait d'excellentes entreprises avec cette recette. On ne fait pas une société ni une civilisation, sauf à penser qu'un élevage de porcs ou de poulets est un modèle universel.
Tortillez tant que vous voudrez, vous retomberez toujours sur ces mêmes saletés. Y a-t-il encore qui que ce soit qui parle de Liberté, et de ce qu'on peut faire avec ? Oui : Reporters Sans Frontières, chaque année, au moment de vendre leur album officiel. Pour toutes les autres officines médiatiques, qu'elles se réclament d'un parti ou d'une église, toute liberté qui n'est pas celle de la presse uniquement n'a pas d'intérêt. Nous "vivons" dans un pays libre. J'ai le "droit" de choisir en mon âme et conscience entre döner et bigmac. Je suis "libre" de zapper la Starac' ou de couper le son pendant la pub. Je ne suis pas "obligé" de faire exactement le même boulot que mon père. C'est supposé me suffire. Rechigner là-contre est le propre des gosses de riches, des enfants gâtés, des immatures, des inadaptés. Ta cage est chauffée, on change la paille tous les jours, c'est quoi ton problème, ducon ?
Alors d'accord pour fermer ma gueule. Aucun problème. Je finirai bien par le faire, comme tout le monde. Parce qu'on ne peut pas passer sa vie à gueuler. Ca ne paie pas les factures. Ca ne remplit pas le frigo. Ca ne permet pas d'échapper aux impôts et aux impératifs d'une vie en société qu'on n'a pas les couilles de quitter ou de dynamiter. Mais qu'on ne me demande pas d'aimer ça ni de faire semblant d'aimer ça.
15:10 Publié dans La Zone Grise | Lien permanent | Commentaires (5)
Commentaires
Après la lecture de cet excellent post, une question me tarode. Oui, très bien mais alors on fait quoi? Qu'est ce qu'il nous reste? S'agiter dans notre bocal dans d'éternelles masturbations intellectuelles sur la pourriture contemporaine et le grand soir qui ne viendra jamais? Je propose modestement un début de réponse: les arts. Il ne reste plus que ça. Il faut que des gens comme nous investissent ce domaine. Le cinéma, la peinture, la musique, la littérature, faisons passer nos idées à travers ces médiums. Soyons suffisamment intelligents pour passer à travers les mailles du filet. Nous avons trop longtemps laisser ça à ceux d'en face. Alors en avant, créeons! Laissons des traces!
Écrit par : michel | 25/11/2007
Nous sommes peut-être condamnés à ça :
"Sort enviable ! Destinée radieuse ! étroitesse idéale de l'espace, enfermement béni ! Lorsqu'on est un cochon doué de raison, engraissant dans un local de deux mètres sur deux où toutes les libertés sont permises, on ne peut que se féliciter de l'existence et ... raisonner." ... "Humble représentant de la race porcine, quel exemple, quelle rigueur ! Quelle abnégation même ! Et quel admirable respect pour une hiérarchie bien sentie. Car être cochon, monsieur, c'est d'abord un devoir!" Quatrième de couv. de "Stratégie pour deux jambons" de Raymond Cousse (1942-1991).
Votre texte, bien senti, reflet exact des temps que nous vivons, ne pouvait que m'y faire penser. Bien à vous.
Écrit par : Novalis | 27/11/2007
@ Michel : Elle est plus fruitée, votre vie ? Sinon pour être moins sérieux : de l'art pourquoi pas. Mais PITIE pas d'art militant ! Difficile de faire plus abominable et indigeste qu'un poète qui pense plus au slogan qu'à la beauté du message. Et malheureusement, pour ça, il faut du talent, du génie même. C'est ce qui fait qu'un Great Dictator de Chaplin fait hurler de rire alors que n'importe quoi d'Elie Wiesel ne fait que faciliter le transit intestinal. Vous avez beaucoup croisé de talent ou de génie, chez nous autres pauvres épidermiques ? Pas moi. C'est peut-être parce que je suis Vaudois. C'est un canton qui cultive la médiocrité et la tiédeur comme d'autres entretiennent des bonzaïs. Mais ce que j'ai vu en ex-France n'était guère plus réjouissant. A part de Beketsccshcsh, qui était fou et avait une généalogie cataclysmique, mais quel panache malgré tout. Breffle. Merci pour la visite.
@ Novalis : Ja - mais entendu parler de ce bestiau-là. Une omission à réparer au plus tôt. On trouve de tout dans les bibliothèques universitaire, il devrait donc y figurer. Merci pour le tuyau.
Écrit par : Stag Nation | 27/11/2007
J'ai quelques doutes avec la bibliothèque universitaire. Peut-être est-il encore disponible chez Librio. Le titre exact de ce roman hilarant étant : Stratégie pour deux jambons Roman cochon n° 137. Je sais peu de choses sur cet écrivain au parcours de météore dont la fin fut sans doute tragique. Romancier il fut aussi dramaturge, pamphlétaire et acteur.
Bonne lecture à vous. Je vous lis toujours avec jubilation ...
Écrit par : Novalis | 27/11/2007
OUi la fin de Cousse fut tragique : il s'est flingué (mais après tout,est-ce VRAIMENT tragique?)
De lui aussi lire "vive le quebec libre" recueil de pamphlets.
Ya aussi son roman (pas lu) "La bâton de la maréchale"
Tricotez du neurone... frénétiques de la syllabe; entrez dans la danse. L'ultime tarentelle,à guinche faucheuse organisée.
Écrit par : Restif | 01/12/2007
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