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23/12/2008

ETRE PRIS AU SERIEUX

Je bosse depuis trois ou quatre jours sur un texte assez épais, sans doute l'un de mes plus mauvais et brouillons, qui donne dans le proudhonisme adulescent et la sociologie de carnotzet. L'effet Comité Invisible, je conjecture. Ca ne servira à rien, mais pour le même prix ça sera pénible à lire. Je le balancerai en pdf, comme ça ne s'y risqueront que ceux qui le voudront vraiment.

 

Je relis plusieurs fois la longue esquisse du truc et, grand classique, après l'ivresse originelle d'avoir pu mettre en forme des intuitions animales, c'est l'attaque radicale de lassitude, la déception, l'envie de tout foutre aux cagoinces. J'ai le dégoût qui fertilise la gamberge, comme bien des grands malades. Débarquent des considérations sur la rage d'être entendu, compris, légitimé dans ce qu'on dit, pense ou fait, si maladroit et inabouti que ce soit.

 

Etre pris au sérieux. Drôle de besoin, tout de même. J’entends : être pris au sérieux par quiconque condescend à nous lire ou nous écouter. Comme si on respectait tous les gens que l’on croise dans une journée ! Mépriser tout individu a priori, et s’attendre à ce qu’il prête attention à nos délires, qu’il en savoure les raffinements, qu’il en reconnaisse la cohérence ou la pertinence ? {X est un clown, X ne comprend rien à rien, X n’a aucune idée de quoi il cause} – ça devrait être vexant ?  Si on commençait par bosser un peu sur nos carences en matière de reconnaissance, pour voir si, des fois, l’essentiel de notre sociopathie ne commençait pas par là ?

 

Bander pour le vedettariat, s’échiner à être un poète-maudit, et même se complaire dans sa propre abjection, autant de postures qui relèvent du même pipeau. Notice me !, pour la chanter comme Justin Sullivan. C’est navrant tant que ce n’est pas pleinement assumé. En pleine connaissance de cause, c’est juste insignifiant. Et c’est très bien, l’insignifiance, c’est l’essence même de la condition humaine, tout particulièrement sous nos actuelles latitudes.  Et d’autant plus, ô combien plus, quand on est un toubab à grande gueule et qui n’a pas envie de trinquer à la disparition de son espèce. Passe encore, vois-tu, si on la jouait tabula rasa, terre brûlée, après nous le déluge. Mais il n’y a pas qu’auto-génocide, il y a substitution et müeslification. Va pour crever sans laisser de trace. Se transformer en doqueginéco, par contre, c’est tout simplement insupportable, comme perspective.

 

 

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Vous vous rappelez Highlander ? Le Kurgan ? « Il vaut mieux mourir que disparaître » ? Voilà de quoi méditer pendant d’interminables insomnies, les petits gars. Ca a encore plus d’impact en VO : « It’s better to burn out than to fade away » (on me chuchote que Neil Young a chansonné sur le même thème, ce qui fait quand même moins vulgaire comme référence littéraire). J’en causais récemment avec un cryptobolcho, pour qui le suicide kamikaze relevait immanquablement du désespoir absolu. J’estime pour ma part qu’on est désespéré quand on accepte l’indignité, quand se débattre en pleine merde paraît pire qu’épuisant : vain, creux, voire ridicule. Se foutre en l’air peut être l’ultime acte noble d’un homme qui a perdu toute estime de soi. Et ce paragraphe n’a rien à voir avec ce qui précède.

 

Etre pris au sérieux, donc. Vouloir à toute force être compris, bien plus que soutenu. Quelle erreur. C’est de soutien, et de rien d’autre, dont on a besoin. Un soutien inconditionnel, aveugle, primitif, et surtout pas de compréhension.

 

Un bon début pour l’obtenir, c’est peut-être de ne pas se prendre soi-même au sérieux. Parler gravement de sujets gravissimes, mais ne s’accorder que l’importance que l’on mérite quand on n’est ni chef de guerre, ni patriarche, en un temps d'implosion culturelle qui exigerait que l'on soit l'un, l'autre, ou rien du tout. Si je claque cette nuit, ça sera rien du tout. Il est urgent que je mette des moutards en route, nom de dieu. Ou que j'aille saboter des rails. Ca doit être presque aussi agréable, c'est plus vite fait, et quand les emmerdes se pointent, au moins, on n'est pas trop surpris.

Commentaires

Au moins, pas besoin de bledina pour les rails... Et pis ça limite la surpopu...
L'écaillé

Écrit par : galinette | 23/12/2008

Vous êtes touchant, Stag.

Écrit par : Millie | 12/02/2009

Voui mademoiselle. Et raffiné avec ça. Vous avez vu ? Même pas une petite allusion graveleuse avec le verbe toucher pour répondre à votre commentaire. Quand je vous aurai dit que je déchire en cuisine, vous aurez compris qu'il ne me manque qu'un petit séjour en camp de rééducation pour être plus gendre-idéal que Batrick Pruel.

Écrit par : Stag | 12/02/2009

Oh boh.

Je pensais vous faire plaisir...

Écrit par : Millie | 12/02/2009

Dialogue de sourd mâle-femelle, suite.

Bien sûr que vous me faites plaisir, belle créature. Déjà rien qu'en lisant mes pauvres merdes et en prenant la peine de les annoter. C'est juste que je ne pensais pas avoir pondu quelque chose "qui fait naître la compassion" (Little Bob, 2007).

Écrit par : Stag | 13/02/2009

Haha! Comme vous vous forcez pour être gentil! C'est fameux.

Excusez-moi pour vous avoir forcé à éclaircir le premier commentaire un peu bougon. Moi aussi j'avais envie qu'on me dise quelque chose de réconfortant. ^^

Et puis cessez un peu de vous dévaloriser comme ça! Nous disions récemment, avec un ami, que votre blog était sans doute l'un des tout meilleurs de la réacosphère. Il y a de la sincérité et de la longueur d'haleine, chez vous. Vous tracez votre chemin depuis des années sans vous soucier de vos lecteurs. Humilité et constance. Non, franchement. Vivent les suisses. ;)

Écrit par : Millie | 13/02/2009

Voulez-vous que je vous dise ? J'ignore comment recevoir un compliment, c'est bien simple. L'indifférence est confortable. L'hostilité est encourageante. L'appréciation, c'est plus vache à gérer. Jugez-en : il m'aura fallu trente minutes pour vous répondre sans prendre de pose ni aboyer et capituler face à votre acharnement dans la gentillesse.

Notez en passant que la seule constance dont mes prétendus compatriotes sont capables est celle de la médiocrité. L'amour-passion du règlement et de la mortification bienséante atteint des sommets qu'on croirait réservés à la scandinavie ou aux basses castes de Calcutta. La seule chose qui sauve une parcelle d'honneur chez le Vaudois en particulier, c'est qu'il est taiseux dans l'obséquiosité.

Écrit par : Stag | 14/02/2009

"L'amour-passion du règlement et de la mortification bienséante atteint des sommets qu'on croirait réservés à la scandinavie ou aux basses castes de Calcutta."

Pour moi, c'est Mars. Ca me fascine.
Comment les gens réagissent-ils, là-bas, à l'intérieur d'une maison honnête, face à un comportement inconvenant, un rire de champagne, une coquetterie décalée, lorsqu'ils sont coupables de poser les yeux sur la rouge démesure d'autrui? - Que fait le suisse confronté au démon?

Écrit par : Millie | 14/02/2009

"Là-bas", on règle le problème en affichant une condescendance aussi crispante que possible ; si ça ne suffit pas, on prend ses distances.
Quant au démon, on négocie des bilatérales avec lui, bien entendu.

Écrit par : Stag | 15/02/2009

Oh. C'est tout?
Bon en fait on dirait que les hommes sont un peu les mêmes partout. :)

Écrit par : Millie | 16/02/2009

Les commentaires sont fermés.