09/04/2009
POURRIR LA TÊTE AUX GOSSES LE PLUS TÔT POSSIBLE
Supplément "Week-end", 24H, 2 avril 09, chronique de "Monstres contre Aliens"
(...) Une héroïne féministe
La princesse Fiona dans Shrek a beau être une femme forte, elle épouse finalement l'homme qu'elle aime au-dela de l'apparence. Ici, Susan accepte non seulement sa nouvelle condition, mais elle décide de prendre sa vie en main et de dire non à la tyrannie masculine - explicite ou implicite - reproduite dans les films d'animation et les dessins animés depuis les premiers Walt Disney.
On encaisse le coup d'épingle, on braille un bon coup, et on réfléchit, autant qu'on en soit encore capable. Parce que c'est l'un des points sur lesquels nos Boniches préférées ont raison: la Colère, envisagée comme une drogue de survie en milieu ennemi, peut finir par nous brouiller la vue. Nous savions déjà que tout propagandiste ne voit autour de lui que ce qui confirme ses obsessions militantes ; l'homme en colère ne voit-il, lui, que des raisons d'alimenter sa rage ? Devient-on accro à la haine, au point de ne plus vouloir ni savoir ressentir autre chose ? Ou s'agit-il, beaucoup plus simplement, de paresse intellectuelle et de paravent pour l’impuissance ?
Que fait la fachosphère, à part recenser toutes les minuscules crottes doctrinaires envoyées à la gueule de nos moutards ou de nos femelles ? Nous devrions compter nos munitions, nos kilomètres de course ou nos hectares de terre arable loin de l’effondrement urbain, au lieu de quoi nous comptabilisons les exemples à l’appui d’une thèse du genre : le Monde Moderne nous pollue l’esprit autant que le corps. Comme si nous pensions encore qu’il restait des sourds-aveugles à convaincre. Comme si nous-mêmes étions si peu au clair sur l’ampleur du désastre qu’il nous fallait pratiquer ce genre de trainspotting débilitant, écœurant, qui nous accoutume à l’horreur au lieu de la repousser hors de nos vies.
Tout ce que ce genre de choses souligne, somme toute, c’est notre propre incapacité à fuir, ou déclencher une guerre personnelle totale contre, un monde que nous voulons briser avant qu’il ne nous broie. Nous voici, stupéfaits, tétanisés, immobiles, comme des animaux hypnotisés par les phares de la bagnole qui va les percuter.
Il suffit de causer avec Monsieur Moyen – même avec Madame Moyenne, ô surprise ! – pour mesurer le point auquel nous lui ressemblons, nous qui nous sommes si longtemps voulus différents, éclairés, hors-normes, irrécupérables. Ses trouilles, ses rognes, ses désespoirs sont les nôtres. Vous pouvez prôner ouvertement la guerre civile, la prise d’otage, la destruction de bâtiments publics, le cyberterrorisme, le sabotage des structures d’échanges marchands, voire la torture ou l’assassinat ciblé, sans qu’on vous traite de grand malade. Au pire on vous rira au nez, en exigeant de vous voir pratiquer ce que vous prêchez. L’inéluctabilité de la violence est acceptée tacitement par une majorité. Il faudra peu de temps avant qu’elle retrouve sa pleine légitimité. Peut-être l’ultime étape à franchir est de faire admettre à quel point la vengeance, individuelle ou collective, est désirable – vengeance contre tout ce qui nous entoure, contre les gérants de notre civilisation-poubelle, contre tous ceux qui ont contribué à boucher notre avenir et salir notre passé. Nous pouvons enfin nous affranchir de tout ce qui est politique : il n’y a plus de Camp de la contestation à rejoindre, nous devons devenir nous-mêmes la contestation, la pousser jusqu’au bout, en faire une façon élégante de racheter nos vies et de les précipiter dans le mur, puisque nous condamnés à nous faire éclaffer contre, de toute manière.
Bien sûr, il y a des réflexes basiques que nous ne pourrons pas vaincre. Les crasseux à tam-tams, les hyènes à capuche, les altermondialisateurs à torchon rouge, les barbus explosifs ou lapidateurs, tout cela est LAID et ne peut être cautionné à cause de cela, de cela uniquement peut-être. Mais il nous faut sans doute désapprendre certains réflexes qui nous poussent dans les bras des flics et des organisateurs du Bordel Contrôlé : nous n’aimons pas le foutoir, ni ceux qui l’idolâtrent par antistatisme, mais le gros problème n’est pas le prétendu désordre actuel, c’est au contraire l’aseptisation complète de notre quotidien, le grouillement des instances de surveillance, le choix réduit entre poire à lavement et sandwich au caca, les chansons punks qui osent affirmer que le bulletin est une arme. En ce sens, tout ce qui contribue à foutre la merde nous est sympathique, voire profitable.
Pas que l’émeute ethnique ou le pillage des magasins de téloches nous rapprochent d’une Révolution ; nous ne l’attendons plus, elle a déjà eu lieu, et elle nous l’a mis plus profond que nous n’osons l’admettre. Mais notre unique chance de revanche passe par un débordement de l’Etat, qui doit lâcher du terrain ça et là, à force de jouer selon les règles de ses corrupteurs droit-de-l’hommistes. Nous ne devons pas nous laisser scandaliser par l’existence de Zones de non-droit ; elles sont un signe réjouissant, une promesse que nous aussi pourrons un jour faire reculer nos cornacs et nos exploiteurs, pour peu que l’on réapprenne à se serrer les coudes entre semblables, sans avoir besoin d’un Manifeste ou d’un Que-Sais-Je de biologie pour savoir qui ils sont. En fait, malgré la fatigue, le dégoût, la tentation d’en finir brutalement en emportant avec soi un maximum de traîtres et d’enculés, nous n’en sommes qu’au tout début. Tout reste à faire.
Nous pensions la civilisation finie parce que notre lignée était presque éteinte : mais nos remplaçants ne seront pas plus libres que nous, bien au contraire. Ils ont choisi l’invasion de confort, puis la taule et l’abrutissement volontaire. Ils maintiendront à bout de bras le règne des usuriers, des pornocrates, des promoteurs de toutes les goinfreries dévirilisantes. Qu’on pense aux récents bastringues des îles Hexagonales : toute cette rage béképhobe pour deux cent balles de plus ! Les colons insultés sans être jetés à la mer ! L’esclave humilié qui ne lutte plus que pour qu’on remplace l’acier de ses chaînes par du platine ! Je ne crois pas que des Communards aient pris le pouvoir à Clichy-sous-Bois, pour dire les choses plus simplement. Et si certaines communautés allogènes prospèrent sur les trafics que nos gouvernements feignent de réprouver, ce n’est pas parce qu’elles ont le crime dans le sang : c’est parce qu’elles sont sacrément moins connes et plus pragmatiques que nous autres toubabs, qui perdons le sommeil dès que nous nous écartons d’un règlement.
Oui, nous ne sommes plus chez nous, comme l’affirme la sagesse beauf’ xénophobe à trois francs la tonne. Mais Eux non plus n’y sont pas, et ils seront toujours moins libres que nous l’étions auparavant. La chair des saucisses n’est plus la même, mais l’usine à malbouffe tourne à plein régime et elle a de beaux jours devant elle. Nous n’avons pas à nous battre pour redevenir le bétail privilégié de l’abattoir occidental, c’est l’abattoir que nous devons abattre. Et le boulot sera rude puisque, contrairement aux gauchistes, nous ne croyons pas qu’il soit possible, ni souhaitable, ni profitable, de tendre la patte aux autres bestiaux promis au concassage, qui n’ont rien à foutre ici et n’ont jamais eu aucune raison de nous respecter.
Dans l’Histoire, jamais personne n’a eu autant d’ennemis et si peu d’honneur. A nous de tirer de cette déchéance complète une blessure d’orgueil assez douloureuse pour nous arracher au coma. Ils veulent faire de nos gosses des petits soldats dans leurs casernes Citoyennes ? Nous en ferons des mines antipersonnelles qui leur péteront sous les couilles.
09:34 Publié dans Chez les boniches de la Zone Grise | Lien permanent | Commentaires (16)
Commentaires
"Ils veulent faire de nos gosses des petits soldats dans leurs casernes Citoyennes ? Nous en ferons des mines antipersonnelles qui leur péteront sous les couilles."
Paradoxalement, c'est pour cela qu'il reste incontournable de continuer à décrypter par ou le monde nous empoisonne jour après jour ... élever des enfants là dedans, c'est du désamorçage quotidien. Il faut malheureusement être capable de mener le fastidieux travail de démontage de la propagande totale ... pour que nos "mines" ne soient pas désamorcées faute d'avoir été mal enterrées...
Écrit par : Le Bâtard | 09/04/2009
Je suis assez d'accord avec le Bâtard. Même si on ressemble à des animaux hyptonisés par des phares, comme vous dites, on peut faire réfléchir les autres, les éloigner du danger. La dissection de ces évènements reste essentielle, car la plupart des gens n'ont souvent pas d'autre grille de lecture que celle qu'on leur impose. La question est de savoir si l'on veut faire évoluer les autres ou demeurer des mines isolées, peut être parfois meurtrières mais sans grand impact.
Écrit par : Pélicastre | 09/04/2009
Les seuls autres à préserver de la merde étant, pour moi, ma femme et mes gosses, voir mes frères et sœurs dans la mesure du possible. Plus loin, ça ne m'intéresse plus. Et puis c'est déjà un boulot à plein temps.
Écrit par : Le Bâtard | 09/04/2009
"une promesse que nous aussi pourrons un jour faire reculer nos cornacs et nos exploiteurs, pour peu que l’on réapprenne à se serrer les coudes entre semblables, sans avoir besoin d’un Manifeste ou d’un Que-Sais-Je de biologie pour savoir qui ils sont. "
Je ne crois plus aux promesses du communautarisme. J'ai longtemps, et contre les autres, développé cette alternative, l'ultime, pour inventer un avenir pour les nôtres. Non, je n'y crois plus. Personne d'ailleurs n'y a jamais cru.
On ne DEVIENT pas une communauté. La volonté n'entre pour rien là-dedans. On est ou on n'est pas. Nous, nous ne sommes pas. Trop riches, trop gras, trop bourgeois. En un mot, trop français... Réjouis-toi si tu as seulement deux ou trois amis sur qui tu puisses compter. En prévoyant que la moitié te trahira un jour ou l'autre...
Écrit par : Ivane | 09/04/2009
Justement, se forcer a tenir un blog force a garder les yeux ouverts. Peut etre qu'on est hypnotises par les phares mais on refuse surtout de regarder ailleurs. Le decryptage n'est pas seulement une facon de se soulager, c'est aussi une gymnastique de l'esprit sans laquelle on est foutu.
Écrit par : Woland | 09/04/2009
Ca mérite bien un petit Dark Funeral....
Écrit par : olipien | 09/04/2009
Je suis d'accord avec Ivane sur la citation qu'il a relevée. L'espoir que les gens dont nous partageons les idées fassent partie d'une même communauté que nous est vain. Nos idées font de nous, par-delà notre opposition avec le "système", des révoltés de la nature humaine. Nous sommes voués à hair en l'autre des veuleries communautaire, des réflexes de meute, dont nous ne sommes jamais à l'abrit de nous montrer nous-même coupables. Les meilleurs d'entre nous n'auront de cesse de déconstruire les rouages de la machinerie écrasante du phénomène de masse dans la psychologie de leurs semblables, de pointer du doigt la mise-en-croix girardienne chaque fois qu'elle survient, la culpabilité secrète de chacune de nos passions, de déchirer les voiles infinis du règne des apparence, qu'ils se soient aliénés non seulement la grande humanité entière, mais aussi leurs proches, et enfin eux-mêmes.
Stag, êtes-vous bien sûr que c'est encore de la politique que nous faisons-là?
Écrit par : Millie | 10/04/2009
Ou plutôt Panzer Division Marduk.
Écrit par : olipien | 10/04/2009
@ Woland, Pélicastre & Le Bâtard : ne se laisser abuser par aucun détail, soit, c'est comme ne néliger aucun kilomètre de frontière. En faire le laborieux décompte pour un public parfaitement au courant desdits détails, ce n'est pas un glorieux acte de résistance, nous sommes dans la même merde que les traîtres ou les relativistes. A quels actes radicaux cette prétendue lucidité nous a-t-elle conduit ? Nada. Nous avons aboyé trop longtemps pour jamais espérer mordre. En fait, nous sommes beaucoup trop mesurés, modérés, compréhensifs, sympas. Je crains qu'il ne nous faille basculer dans la démence pour accomplir quelque action à la mesure de notre détestation.
@ Ivane : pour nous et ceux qui nous précèdent, c'est foutu, nous sommes bien d'accord, parce que nous sommes partis de travers. Mais les suivants ont droit à leur chance, même s'il est vraisemblable qu'ils devront foutre le camp et tout recommencer ailleurs. Quelque chose me dit qu'apprendre avant tout à se démerder sans plus compter sur personne est une bonne base pour de futures communautés qui ressembleront à quelque chose. Mais tout cela ne nous concerne pas vraiment, puisque d'ici-là nous serons toxs ou encabanés.
@ Olipien : très bon second choix. Impaled Nazarene serait aussi très convenable comme bande originale de l'option nazipunk en tant que choix de vie.
@ Milie : J'espère bien, nom de dieu ! que nous ne faisons plus de politique. Comme disait l'autre (dans Tiqqun je crois), on ne fait pas le ménage dans une maison qui s'effondre. En ce qui concerne la Camaraderie des Idées, merci bien, j'ai mis presque dix ans à en revenir et je n'y retournerai plus. Encore une fois, notre propre sort n'a pas d'importance. Nous sommes effectivement trop déglingués pour rejoindre la moindre communauté, ou en fonder une.
Écrit par : Stag | 10/04/2009
En conclusion, et après de longues années de réflexions tortueuses, de chemins de traverse et d'ornières fangeuses, plus rien à foutre de tout ce merdier car nous sommes très exactement identique à tout ce que nous haïssons le plus .
Rideau.
Écrit par : snake | 10/04/2009
Ah! Bordel, pour une fois que l'optimisme Suisse allait être internationalement reconnu...
Écrit par : olipien | 10/04/2009
Ça dépote quand même, comme texte.
Écrit par : Hank | 10/04/2009
Merci m'sieur Hank. Ce n'est toutefois pas sans un certain amusement que je remarque que moins je fignole un texte, plus il rameute de commentaires.
Écrit par : Stag | 10/04/2009
il y'a aussi le matraquage des vampire où de jolie adolecentes couche avec malgres l'avis de leur famille sauf la grand mere qui bien sur accepte volontier bref la serie true blood est a voir, serait ce que pour voir où sa va
Écrit par : fr | 11/04/2009
"Ce n'est toutefois pas sans un certain amusement que je remarque que moins je fignole un texte, plus il rameute de commentaires."
Meuh non. Là c'est juste que vous nous manquiez... Je crois que vous avez été moins prolixe pendant un petit moment. ^^
Écrit par : Millie | 11/04/2009
"Avec le recul des années, avec ce que j'ai appris de la vie , avec l'expérience des êtres et des choses, mais surtout grâce à mon métier qui m'a ouvert à l'essentiel de ce que nous savons aujourd'hui de la biologie des comportements, je suis effrayé par les automatismes qu'il est possible de créer à son insu dans le système nerveux d'un enfant. Il lui faudra dans sa vie d'adulte une chance exceptionnelle pour s'évader de cette prison, s'il y parvient jamais... Et si ses jugements par la suite lui font rejeter parfois avec violence ces automatismes, c'est bien souvent parce qu'un autre discours logique répond mieux à ses pulsions et fournit un cadre plus favorable à sa gratification. Ses jugements resteront, bien qu'antagonistes de ceux qui lui ont été inculqués primitivement, la conséquence directe de ceux-ci. Ce seront encore des jugements de valeur."
Henri Laborit, Eloge de la fuite, L'enfance. Folio, essais.
Écrit par : Ns | 15/04/2009
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