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26/09/2009

LES MALHEURS DU JEUNE DIVERS

Comme tout le monde, j'ai lu avec intérêt les histoires tristes de Moustafa J'ai-Mal, journaleux Mondain et néanmoins discriminé. Je me suis même infligé les interminables arguties qui ont suivi cette analyse. Une évidence s'impose : je m'en fous. Impérialement.

Pas attristé, faut-il le dire ? Mais pas réjoui non plus, dans le sens où se sentir blackboulé dans tous les milieux n'est souhaitable à personne. Un traître qui s'en prend plein la gueule, c'est toujours bandant. Voilà pourquoi il est jouissif de voir un Julien Dray roulé dans la fange. Tous les coups sont permis contre les pourrisseurs. Mais on ne peut pas souhaiter du mal à un Divers. On peut désirer qu'il se casse ou qu'il ne soit jamais venu, mais se réjouir de sa souffrance, outre que c'est mesquin, n'est même pas agréable.

On ne peut que s'en foutre. Et, c'est là où ça devient intéressant, je ne crois de loin pas être le seul à ressentir cette indifférence sereine.

Je présume que le but visé était de mettre sur le tapis un problème perçu comme tabou et récurrent, à savoir le refus de la société française d'intégrer des gens reconnus comme citoyens légitimes par l'Etat. Mettre en lumière un phénomène de société, histoire de shooter dans la termitière, de provoquer le débat. Un peu comme ce droitsciviquiste afroyanqui dont je causais l'autre jour, et qui voudrait forcer les toubabs à causer tensions raciales. Les animateurs socio-culs aiment bien ce genre de choses, ils appellent ça verbaliser, je crois, mettre des mots sur les maux pour les soigner, blah blah....

Et puis après ?

Il se passe quoi si ça fait un bide, si tout le monde hausse les épaules, en vous disant que c'est comme ça et qu'il n'y a rien à faire ?

Exclusion bien concrète ou délire de persécution, qu'importe ? Le débat n'est pas là. Si M. Kessous avait en tête de faire admettre à l'ex-France qu'elle ne traite pas tous ses enfants de la même manière, il a peut-être atteint son but. Même yours truly, pas porté sur la compassion pour les malheurs des Autres, admet volontiers qu'on puisse se sentir enfermé dans sa couleur de peau comme dans une taule portative.

Mais s'il pense que ça va changer quoique ce soit, il se prépare un méchante gueule de bois, et s'il n'est pas trop con il doit déjà commencer à avoir mal aux cheveux. Que L'Immonde publie des papiers dénonçant la xénophobie latente des Frouziens, c'est banal comme un four. Qu'il fasse signer un tel article par un Divers directement concerné, c'est déjà plus révélateur. C'est peut-être un signe que les relations intercommunautaires sont tellement pourries que même les mixolâtres se sentent fondés à en parler ouvertement, au lieu de camoufler le tout sous du sirop humaniste et convivial.

En gros, ça sent la panique face à un problème que des décennies de propagande n'ont pas pu régler, ni même faire reculer. La société se tiers-mondise à mille à l'heure, et pourtant le ouacisme n'est toujours pas un lointain souvenir honteux. Betty Monde n'arrête pas de se faire sauter à tous les coins de rue et de pondre par rations de quintuplés. La méthode Clystère-Saignée des docteurs républicains épuise le malade sans le guérir. J'imagine mal l'impuissance et le désespoir qu'on doit ressentir quand on s'en rend compte.

"Vous ne m'aimez pas parce que vous me voyez différent, alors que je me sens l'un des vôtres." Quintessence du message. Il se passe quoi si l'on répond : "Ouaip mon gars, et c'est pas près de changer" ?

Rester et se battre ? Ca paraît noble et plutôt burné. Mais l'exemple états-unien devrait inciter à la prudence. Presque un demi-siècle après la mixité imposée par l'armée, les Noirs restent majoritaires en cabane, sont plus fauchés que la moyenne et cultivent soigneusement leur ressentiment envers une société bâtarde toujours considérée comme Whites Only dans ses structures.

Foutre le camp à Dubaï ? Se retrouver aillleurs entre semblables, ça paraît une bonne idée. Comme au Libéria, avec le succès que l'on sait... En outre, s'en aller serait un aveu d'échec. Vous n'avez pas voulu de moi, je m'en vais, vaincu. C'est dur pour n'importe qui, mais encore plus pour quelqu'un qui se sent chez lui en Europe parce qu'il n'a jamais vécu ailleurs.

Rester, relativiser, fermer sa gueule ? C'est ce que fait une majorité, j'imagine. La blessure d'orgueil doit être mortelle, sans compter qu'elle flingue tout espoir d'intégration harmonieuse par la suite. Puisqu'on rencontre la lâcheté et l'exclusion partout où l'on se présente, mieux vaut rester entre nous. Bye-bye la reconnaissance en tant que citoyen ordinaire, bienvenue dans votre coin de ghetto volontaire. Ne reste plus qu'à revendiquer l'étiquette d' Arabe de service et se conformer autant que possible aux clichés, pour se les approprier au lieu de les subir.

Trois choix qui n'en sont pas pour quelqu'un qui veut être perçu pour ce qu'il fait et non ce qu'il est.

Le constat que fait M. Kessous, inconsciemment si ça se trouve, c'est qu'on peut bâillonner le ouacisme, mais pas le déraciner. Tout le monde sourit, tout le monde est poli, tout le monde proteste de son Ouverture et de son dégoût des lignées homogènes, mais comment savoir qui est sincère ? Comment être certain que si on nous refuse une entrée, un appart', une proposition sexuelle, c'est parce qu'on est pris pour un sale con et non pour un être inférieur ? C'est matériellement impossible. Porte ouverte à la parano. C'est un mouvement perpétuel :

- je crois qu'on me discrimine, alors je suis sur la défensive

- ça crispe mon interlocuteur, qui me prend avec des gants et s'exaspère d'être suspecté

- je sans qu'il est mal à l'aise, ça m'agace, j'en rajoute une couche

- ça le crispe encore plus, et de méfiant il en devient carrément hostile, ce qui vient confirmer ma crainte initiale, etc.

Le pilonnage antiraciste n'a pas fait évoluer les mentalités, il n'a fait que consacrer le règne de l'hypocrisie. Même des leucos qui se mettent à la colle avec des antillaises ne perdent pas leurs réflexes colonialistes et se laissent parfois aller à un mépris stupéfiant. Même ces blondes dégénérées qui se vantent de ne se laisser troncher que par du Divers cherchent explicitement cette Diversité - alors que le rêve ultime des métisseurs serait précisément qu'elles n'en soient plus conscientes.

L'Autre reste l'Autre, tiraillé entre tentation ethnocentriste et désir de se fondre dans la masse. En bien comme en mal, c'est sa différence qui lui revient toujours dans la gueule.

Et à force, tout le monde s'en contrefout. Les Malheurs du Jeune Divers ne font plus chialer personne. Il reste avec sa souffrance, encore plus seul et dégoûté qu'avant.

Tout ça pour ça.

Commentaires

« Qu'il fasse signer un tel article par un Divers directement concerné, c'est déjà plus révélateur. »

Le problème de Mustapha Kessous est qu'il ne se rend même pas compte de ce qu'il est l'« Arabe de service », l'alibi du « Monde ».

Il est, en gros, discriminé quand ça l'arrange... C'est incohérent.

Écrit par : Criticus | 26/09/2009

Incohérent ? Du point de vue des valeurs (non-discrimination pour tous etc.), sans doute. Mais qui a VRAIMENT quelque chose à foutre du ouacisme en tant que phénomène universel ? Ca existe, Sos-Chinois section Afrique ? Déjà rencontré un membre du Mrap scandalisé par les gags sur les mangeurs de jambon ? Ou un blanc antiraciste capable d'admettre que le racisme touche aussi les blancs ? NIET.

Chaque groupe, chaque individu ne se bat jamais que contre la discrimination qui le touche lui-même, et se branle à deux mains des exclusions subies par les autres. Tout le monde discrimine et se sent discriminé selon que ça l'arrange. Qu'on regarde les tenants de la négritude moderne, pour prendre l'exemple le plus parlant : d'accord pour passer pour sexuellement animal, mais pas d'accord pour la réputation de tire-au-cul. La différence ? Caricature avantageuse ou désavantageuse... Pareil pour les gags antisémites : ça devient de l'humour yiddish si c'est raconté par un rabbin...

Tout ce qui touche à l'identité collective échappe à la rationalité, et donc à tout espoir de cohérence.

CQFD : tout le discours sur le Rejet de la Différence, c'est du pipeau. Ceux qui le manient sont des têtes de noeud à ignorer ou des enfoirés de manipulateurs à neutraliser. Je doute que M. Kessous ait sa place dans la seconde catégorie. Au pire, il ne cherche qu'à se faire sa place en France en recourant à la forme de chantage affectif qui a fait ses preuves. C'est de bonne guerre. Aux autochtones de choisir si ça les impressionne encore ou pas.

Écrit par : Stag | 26/09/2009

"La méthode Clystère-Saignée des docteurs républicains épuise le malade sans le guérir."

c'est bien trouvé^^

Écrit par : Firmin l'enclume | 26/09/2009

« Aux autochtones de choisir si ça les impressionne encore ou pas. »

À juger des réactions, tout aussi larmoyantes, c'est bien le cas...

Écrit par : Criticus | 27/09/2009

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