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10/12/2009

DES FLINGUES, DES CHIENS, ET QUELQUES RAISONS D'ESPERER

Une tranche de vie signée Aquinus, avec sa gracieuse autorisation.

*

Week-end dernier, fin fond de la Bretagne rurale. Plongée dans le monde d'avant, un monde d'hommes, de taiseux, de gens qui se lèvent à 5h tous les matins, tiennent leurs fermes, leurs terres, leurs artisanats. Quelques jeunes perdus au milieu d'anciens, quelques femmes aussi qui continuent à vivre dans ce monde d'hommes et à tenir leurs foyers. Ce monde à l'écart, condamné, existe toujours. J'y suis plongé régulièrement depuis mon mariage puisque mon beau-père en faisait partie; plongé encore plus directement depuis un an que mon beau-père est mort, parce qu'il faut bien gérer ce qu'il a laissé derrière lui.

Un gars, la quarantaine, artisan. Parle peu. Nous a dit qu'il n'avait plus de chauffage chez lui depuis 3 semaines et que sa femme commençait à couiner - un problème de chaudière, pas assez de ronds pour en racheter une. On se met à parler de chiens. Il a deux chiens, des bâtards de bergers allemands et de je ne sais trop quoi - un ours peut-être, vu la taille des molosses.

Et là le gars me sort une phrase d'anthologie, comme ça:

- C'est utile les chiens. Les manouches y zont pas peur d'un camion de CRS mais ils ont très peur de mes chiens.

On était dans son atelier, au petit matin, en train de boire le café. J'ai éclaté de rire et me suis foutu du kawa partout. J'ai voulu en savoir plus. Alors lui et l'autre ont parlé. Depuis des années, régulièrement, les manouches débarquent et visitent les maisons. Ils ciblent les résidences secondaires mais parfois, comme des bêtes féroces, ils poussent leur appétît un peu plus loin vers ces fermes qui résistent. Les flics? n'y pensons même pas. Alors ce sont ces survivants qui se défendent à coups de fusils. Ils se mettent à me raconter de véritables cannonades, la nuit. Quand ils sont là me disent-ils, dans le coin, on s'appelle entre potes et on dort pas la nuit. On veille. S'ils s'en prennent à des villas de "Parisiens" comme ils disent, on bronche pas. Mais s'ils s'approchent de nos fermes alors on lâche les chiens et on sort les carabines. Le portable à l'oreille.

Ces mecs sont des guerriers. Les manouches semble-t-il, ont compris le message. Je me mets à penser ce qui se passerait si une bande de zyvas vadrouillait dans le coin, foutant sa merde. Bandante perspective.

Y'a encore des mecs couillus dans ce putain de pays. Des résistants, seuls. Ces mecs ne me connaissent pas, ou peu. A chaque fois que je m'y rends ils me rendent tous les services imaginables. Se lèvent aux aurores. Me prêtent camions, outils, bras. Me renseignent. Me nourrissent. Me donnent à boire, beaucoup! refusent toujours tout l'argent que je voudrais leur donner pour tous ces services rendus, parce que moi j'ai pas grand-chose d'autre à leur offrir que ça. Ils n'ont pas besoin de moi. Mais c'est non, ils refusent. Ils font tout ça en l'honneur de leur pote, mon beau-père, parti à 57 ans. On parle peu. Quand on est ensemble, pas de grands discours, c'est pas la mondanité là. Quelques vérités bien senties et puis la vie, la bonne chaire, le travail, la vie au grand air. Les choses simples.

Je suis bouleversé par cette incroyable fraternité, par cette communauté de potes que rien ne fait jamais plier. Par cette armée d'ombres. Ils savent que le monde les rejette, ils savent être des oubliés, des moisis, des gens moqués. Ils savent tout cela, mais ils s'en carent. Ce sont des Français, c'est mon peuple qui n'en finit plus de ne pas vouloir complètement disparaître. J'en suis fier.

Commentaires

J'adore. Très bon texte. Qui est aquinus? Ou peut on le lire?

Écrit par : Xan | 10/12/2009

il y a dix ans une petite bande de zyva du 9.3 en vacances à porspoder (finistère nord) soit en stage d'éloignement de la téci natale (comme le charnier si cher à josé maria ) et ceci avec ton fric et le mien
bref cette gentille bande trouvait que la vie était terne à porspoder
on peut les comprendre
ce qu'on comprend moins c'est qu'ils aient brûlé les canots ( prononcer canotte ) des retraités qui vivaient là
erreur !
en bretagne les retraités sont en majorité gendarmes ou marins d'état ou ouvriers de l'arsenal soit en général jeunes ( enfin relativement) et pas trop exténués par le travail
le lendemain soir les gentils divers furent pris à partie par les dits retraités avec les rames qu'ils avaient oublié de brûler ( ben oui tant qu'à faire une connerie ........même ce truc simple ; brûler un bateau c'est du travail d'arabe peuvent pas le faire jusqu'au bout )
après cette mémorable bastonnade les animateurs ( comprendre ; les facilitateurs les lubrifieurs les interfaceurs entre les fauves et le biotope inadapté )ont mis tout leur monde (avec plâtre et pansements) dans le train et hop !
nach vitry !
ou nanterre ou un autre bled de tarés
et personne ne les a plus revu ni n'en a entendu parler
pas comme cet été à royan
entre temps il y avait eu une .......non deux élections capitales dans laquelle les vainqueurs s'étaient fait un devoir sacré de lutter contre l'insécurité
cool

Écrit par : kobus van cleef | 11/12/2009

Très bon texte!

Écrit par : pollux | 11/12/2009

Oui, texte magnifique.

Écrit par : Anthony | 11/12/2009

BEAU!

Écrit par : ZONETTE | 11/12/2009

Bon ben... comme les autres : superbe témoignage !

Écrit par : Didier Goux | 11/12/2009

Oui, superbe.

Écrit par : Nauf. | 11/12/2009

mmmhh...ça fait du bien....

Écrit par : Benefactor | 12/12/2009

C'est beau, hein? Allez, on les aura, va.

Écrit par : Sébastien | 13/12/2009

Un beau brin de plume, du style.... et de bonnes idées à faire circuler...

Écrit par : Obsédé Textuel | 18/12/2009

clap, clap!

Écrit par : hoplite | 21/12/2009

"S'ils s'en prennent à des villas de "Parisiens" comme ils disent, on bronche pas".

Je ne crois pas que cette phrase illustre l'esprit de Résistance, elle est même symptomatique d'une forme de soumission de l'individu qui collabore avec l'occupant.

L'esprit étant de fermer les yeux sur les exactions qui se passent à 10 mètres, de valider la thèse du pillage généralisé tant que son petit lopin est préservé.

Ceci revient à accepter la construction d'une future mosquée sur le terrain breton d'une maison secondaire de parisien, et de dire "tant que c'est pas dans mon jardin à moi, c'est pas grave". A vrai dire, ce texte est pathétique.

Écrit par : Alibekov | 30/07/2010

Les commentaires sont fermés.