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02/02/2010

" SI VOUS N'AVEZ RIEN A VOUS REPROCHER "

Serait-il donc possible d’être popiste et pas trop con malgré tout ? Moins con qu’un radical vaudois du moins, ce qui est certes moins méritoire ?  Julien Sansonnens pourrait servir d’illustration, avec sa tribune dans le 24h d’aujourd’hui (edit : enfin, d'il y a quelques jours, je sais plus quand, faisez pas chier) portant sur la vidéosurveillance. Il y répond à Gilles Meystre, secrétaire politique du parti le plus terne du pays. Pas de tags ni de tox dans la nouvelle rame de métro lausannois, qu’il nous chante ! Preuve que les plus graves menaces pesant sur la légendaire hygiène helvète s’évaporent quand on appuie sur le bouton « rec ». Et que je t’explique au passage que la loi est claire, que même les chochialichtes sont emballés par l’idée, baste avec ça.

 

Le bolchevik a beau jeu de démolir ce pitoyable argumentaire. Gourmandise néopuritaine oblige, il ne nous épargne pas un bref accès de verbiage socio-mescouilles (« (…) l’injustice et la misère, matrice de toutes les insécurités ») Il s’offre même le plaisir coupable d’un Godwin bien gras, avec une mention de Pétain qui débarque comme un pet foireux dans un solo de flûte à bec – figure imposée gauchiste qu’on est presque gêné de souligner tant elle est convenue. Pour le reste, si l’on zappe les chatouilles lassantes adressées à la droite bourgeoise, le papelard n’est pas idiot. On y trouve même une référence aux Pères Fondateurs, dont je n’ai pas souvenance qu’ils fassent partie du bréviaire coco.

 

« (…) les caméras de surveillance ne sont pas un dispositif technique, mais un projet de société. Elles portent en elles une idéologie. Loin d’être d’anodines boîtes, elles proposent un futur sécuritaire, une société de la surveillance, où chaque citoyen est un suspect potentiel, le tout sous l’œil omniscient de l’Etat protecteur. (…) Accepter leur installation, c’est accepter leur banalisation, par exemple sur les lieux de travail ; c’est cautionner la déshumanisation de la ville, le quadrillage de l’espace public, le repli vers la sphère privée (…) et le développement de nouvelles technologies plus intrusives (…) »

 

Son raisonnement prête le flanc au canif droitard quand il embraye sur ce thème : « Le pouvoir doit-il savoir d’où je viens, où je vais et avec qui ? »

 

Il y a évidemment l’argument pragmatique, plein de bon sens, qui s’articule comme suit : Si vous n’avez rien à vous reprocher, être surveillé ne devrait pas vous poser de problèmes. De fait, beaucoup de groupes et d’individus sont hostiles à la vidéosurveillance parce qu’hostiles au gouvernement, parfois déterminés à lui nuire directement. Ils braillent donc contre le pouvoir qui prend les devants face à ses ennemis déclarés, et en ce sens, leur critique est relativement malhonnête : il est naturel que le pouvoir cherche avant tout à se maintenir, et donc à circonscrire les dissidents. C’est de bonne guerre, littéralement.

 

Sauf que c’est admettre le monopole étatique, non seulement de la violence, mais aussi du contrôle. Si je dis : « Je n’ai rien à me reprocher, vous pouvez vérifier », je reconnais explicitement le droit du gouvernement à me suspecter a priori. Bien plus : je reconnais sa légitimité à limiter ma liberté au nom de sa propre sécurité. Par conséquent, j’admets l’idée que les citoyens doivent craindre leurs élites. Mais ce sont, tout au contraire, les élites qui devraient craindre leurs citoyens, ou plutôt leurs sujets. C’est cette conviction profonde que tout gouvernement est par nature hostile à la liberté individuelle qui fonde le fabuleux Premier Amendement amerloque. C’est elle aussi que l’on retrouve, dans sa glorieuse brutalité, dans le préambule « moral » de Seul contre tous : quand on a un flingue en main, les flics, les fonctionnaires, les banquiers, les assureurs, les députés, les ministres et les présidents ont tendance à vous parler avec beaucoup de respect et des manières délicates.

 

Je caricature ? Je paluche mon égo diminué de semi-beauf castré d’extrême-drouate ? Voyez les Territoires Occupés par les Divers : il leur suffit de bouteilles vides, d’essence et de cailloux pour que la flicaille, les pompiers ou toute autorité officielle ne puisse s’y aventurer sans crainte d’y laisser des plumes. Les Etats européens sont les premiers de l’histoire humaine à trembler plus fort devant la colère des métèques minoritaires que face à l’exaspération des autochtones. Il ne faut pas y voir un effet de l’ethno-masochisme et du Culte de l’Autre, qui ne frappe que les mouches du coche médiatiques. Dans les parlements, les gendarmeries et même les conseils d’administration lucides, on sait que Monsieur Divers a la colère bien plus agitée que Monsieur Béké. Monsieur Divers veut sa revanche sur les fromages esclavagistes et il n’a pas peur de recourir à la violence pour l’obtenir. Monsieur Béké, lui, ne veut que plus de sous pour rembourser ses dettes ; pour attendrir son employeur ou ses représentants, il se déguisera en clown funèbre et il descendra dans la rue pour y sautiller mollement pendant deux heures en couinant Toussamssambleu ouais !  C’est sûr que, dans un cas ou dans l’autre, ça ne mobilise pas exactement les mêmes troupes armées pour ramener le calme.

 

Monsieur Béké, très simplement, accepte de n’être pas dangereux pour les gens qui le rackettent, le font revoter jusqu’à ce qu’il réponde juste et le poussent à livrer ses filles aux métèques dans l’espoir de pouvoir faire son shopping en paix. Monsieur Béké a l’habitude d’avoir la trouille, c’est la base même de ce qu’il lui reste d’identité, lui qui n’est plus qu’un bolo aux yeux des hyènes « défavorisées ». La perspective de devenir une minorité sur la terre qu’il occupe depuis des millénaires l’angoisse peut-être un peu, mais moins que de passer pour le gros faf du quartier. Sa réputation lui est infiniment plus chère que la simple survie de sa lignée.

 

Et encore ! Qu'on pense au foin qu'avait fait, il y a quelques lustres, l'affaire des fiches en Suisse. Des agents camouflés qui viennent vérifier si vos potes tchèques de passage ne sont pas des poseurs de micros à la solde de Moscou ? 100'000 personnes suivies par les autorités pour délit de sales fréquentations ou vilaines lectures ? Intolérable ! Vingt ans plus tard, les enfants des indignés d'alors collaborent délibérément à leur "traçabilité" par tout ce qui porte un uniforme ou une valise d'échantillons gratuits, en alimentant leur compte fessebouc. Rien à se reprocher, rien à cacher, ma vie privée regarde tout le monde, la transparence pour tous au nom de la Sécurité et de la décomplexion porno.

Commentaires

On est obligé de rappeler des évidences le pouvoir corrompt et le pouvoir absolu corrompt absolument/ la seule chose qui arrête la force c'est la force c'est la base de la réflexion des pères fondateurs de la démocratie américaine. La seconde c'est que les élites ont des responsabilités et qu'il faut le leur rappeler parfois avec une fourche à leur planter dans les organes. Sans aller jusqu'à Chesapeake, un historien a comptabilisé plusieurs milliers d'émeutes sur le sol français au XVIIIme siècle mais bien entendu c'est Louis XV qui était un monarque absolu et Sarkozy un bon Père Fouettard qui aime les libertés

Écrit par : memento mouloud | 02/02/2010

Déjeuner en paix, faire son shopping en paix, aliéné à l'information quotidianniste et fasciné/effrayé par la gueuserie universelle, le blanc générique dégénéré est devenu la vacuité même... il est la vieillesse qui voudrait vivre éternellement, il a l'échine souple et le vin mauvais, il mérite de disparaître.
Les pensées conscientes n'appartiennent qu'à quelques uns, dissimulées sous la vase du mensonge quotidien qui recouvre les faits et les actes. C'est à ces "nouveaux sauvages", pas du tout transparents, que reviendra la tâche de reconquérir Leur histoire. Aussi critique que la situation puisse paraître les jeux de sont pas faits... certains "sauvages" rétifs cherchent la voie de l'affranchissement, parfois en attaquant...

Écrit par : Ns | 03/02/2010

Les caméras ne font que remplacer inefficacement le regard d'autrui. Dans une collectivité digne de ce nom, le contrôle social se fait par le regard de tous sur tous, et les écarts sont évités par la crainte de la honte et de la culpabilité avant celle de la sanction.
Bien avant l'Etat, la Justice ou tout ce qu'on veut, c'est le regard d'autrui qui juge et désapprouve les comportements inappropriés, déviants ou antisociaux.
Évidemment, un monde qui criminalise le regard culpabilisant - donc discriminant - au d'un relativisme mou et dans lequel chacun porte son regard au sol à la vue de la moindre des "nocence" à vraiment besoin de caméras de surveillance.
C'est un monde où les individus ont abandonné leur légitimité à contrôler directement leur environnement social immédiat au profit d'environnements lointains et fantasmés.

Écrit par : ami | 03/02/2010

Grosso modo, une société décente est celle dans laquelle votre voisin de palier, plutôt que de se rendre illico au poste de police, vient vous remercier d'avoir mis une gifle à son moutard parce que dernier torturait le caniche de la voisine du dessus.
Bien entendu, cela implique que vous allier vous aussi serrer la main du voisin et boire un coup de blanc avec lui lorsqu'il en colle une à votre insupportable gosse pour des raisons similaires ( généralement, c'est arrivé sur ce point précis que certains réflexes reprennent leur dessus et que "celui qui touche à mon fils, je le tûûûe, râââh" ... peu d'espoir, donc ).

Écrit par : ami | 03/02/2010

Très bon billet !

Écrit par : P. Nitchevo | 03/02/2010

Rien à enlever, rien à ajouter.

Presque Sartrien! Comme quoi, l'alliance de la vraie droite et de la vraie gauche est l'unique porte de sortie de cet enfer.

Écrit par : Sébastien | 04/02/2010

Les commentaires sont fermés.