09/03/2010
POUMON D'ACIER POUR UTOPIE DE GAUCHE
Sans la guerre, les grandes utopies (elles n’avaient pas prévu cette mésaventure !) pourrissent et s’usent. Elles se pulvérisent en sous-produits, en sectes, en théâtres divers. Qu’il s’agisse des utopies soviétiques, chinoises, castristes ou de celles qui germèrent dans les pays sous-développés, les voici toutes obligées de vivre leur pratique, et l’épreuve leur est alors mortelle. Sur leurs immenses ruines – car le rousseauisme est indécrottable – pullulent les mini-utopies ou les para-utopies de rechange. L’un des plus en vogue en cette deuxième moitié du XXè siècle, est l’utopie culturelle qui a pris le relais de sa sœur politique morte au champ du réel. Il paraîtrait alors que la culture est « à gauche » et même de plus en plus à gauche à mesure que ne s’y trouve plus une espérance politique capable de résister à la pratique. Et de confondre généreusement culture et rêve, culture et révolte, culture et utopie.
Il est de fait que la Gauche est devenue culturelle. En France, l’aventure de notre Gauche en ces culturelles contrées est d’un comique absolu. On a en effet essayé d’infliger au peuple – dans des théâtres ou des maisons spécialisées dites « de la culture » - ce qu’il abomine dans toute sa rude santé : un théâtre « engagé » qui l’ennui comme un prêche, une littérature (ou un théâtre) abscons auquel il ne comprend goutte, une musique à laquelle il préférera toujours flons-flons et chansons, des œuvres d’art « avancées » (mais avancées vers quoi ?) et qui le laissent bouche bée. La culture mandarine est allée au peuple avec des mines de curé moderne allant au bordel et le résultat ne s’est pas fait attendre : seule la bourgeoisie – moyenne ou petite – s’est offert la révolution culturelle dans les temples où elle se célébrait. Le peuple, lui, est allé au Châtelet, ou à la pêche, ou a tranquillement ouvert sa télévision. Désormais, la bourgeoisie se voit forcée de convenir que les peuples sont toujours conservateurs et que les révolutions – politiques ou « culturelles » - ne sont jamais provoquées par lui. Elles sont le fait de l’aile utopiste de sa propre classe.
Qu’en est-il, de cette Révolution culturelle, dans la paix continuée ? Eh bien, elle aussi, s’use et s’épuise. Elle se masturbe et s’échauffe. Nulle révolution politique ne venant la relayer, elle est condamnée aux surenchères et, afin qu’à toute force tourne son moteur, elle remplit celui-ci de n’importe quelle essence. La voici qui se baptise, par exemple, « révolution des mœurs », « révolution féministe », etc. C’est une pitié que cette déroute, sous n’importe quelle défroque, de l’utopie.
Cau, Esclaves, p.66
12:02 Publié dans Chez les boniches de la Zone Grise | Lien permanent | Commentaires (1)
Commentaires
Merci pour cet extrait. Il est difficile de prendre conscience que nous vivons en réalité dans une société révolutionnaire, c'est-à-dire en révolution perpetuelle, c'est-à-dire instable, donc explosive, déprimante par nature, donc sans avenir (depuis 1789? 1945? 1968?).
Je serai donc un contre-révolutionnaire.
Des exemple me viennent à l'esprit, notamment par la récupération par les "pubeurs" du concept (mai 68, le rock, Citröen, la couleur rouge (Virgin(+l'étoile!!!), Coca...)). Guerres permanentes, crise économique permanente, tout devient parfaitement cohérent. Comment voulez-vous que tout ceci puisse constituer l'embryon d'une société qui tienne debout ou même puisse se construire (terme pourtant à la mode chez les progressistes. paradoxe ou révéléteur?).
Écrit par : Sébastien | 14/03/2010
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