19/06/2010
LE PICRATE POUR LES BOURRINS
Si vous vous obstinez à revenir lire mes merdes, (pour certains depuis mars 2007, mine de rien), c'est que lire toujours les mêmes histoires à base de métèques et de mixocrates ne vous gave pas plus que ça. Moi non plus, notez. Mais étoffer un peu l'offre ne serait pas un luxe. Il n'y a pas que l'ethnocide dans la vie, bordel. Vu que les Néo-Occidentaux se contentent d'exiger des quartiers sans pinard mais n'ont pas encore eu l'idée de tester la Ceinture Palestinienne au milieu du vignoble, on peut espérer avoir de quoi se pochetronner en ordre en contemplant la décomposition de notre civilisation.
A ceux qui le voudront bien, je causerai donc du pinard, à raison d'au moins un billet toutes les fois où j'aurai de l'inspiration, ce qui risque fort d'être aléatoire. J'ambitionne quand même, sans jamais atteindre ses sommets lyriques, de durer un peu plus longtemps que cette grosse lopette de http://pcbpf.wordpress.com/, qui nous a méchamment alléché sur le thème, avant de baver sur son école puis de disparaître à jamais du ouaibe Infréquentable.
Puisqu'on parle lyrisme et littérature haut-de-gamme, précisons d'emblée une chose. A l'inverse de Ferdinand, je ne suis pas un raffiné. Je ne m'adresse donc pas aux raffinés non plus, mais à mes frères d'ivresse, la grande famille des bourrins jouisseurs et curieux. Pour des cours d'ampélographie, des conseils lumineux en matière d'accord mets-vins, adressez-vous à votre caviste habituel, ou consultez les blogs sérieux qui pullulent alentours. Sur la Zone, on dégoise sur ce qu'on hait pareil que sur ce qu'on aime : sans se poser de colles.
Si d'aventure vous apprenez quelque chose, dites-vous bien que je ne cherche pas à jouer au prof. Le pinard est pour moi un monde très nouveau, étourdissant de beauté et de richesse. Ce que je consignerai relèvera donc du récit de voyage gustatif, car il y a encore trois ans, j'ignorais parfaitement avec quoi l'on faisait le blanc local, pour ne pas dire que je n'en avais rien à foutre. La révélation s'est faite sur le tard, et il m'aura fallu du temps pour faire preuve d'un minimum de méthode. Je publierai donc ce qui me passe derrière le front quand certains breuvages me passent derrière la cravate.
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En apéro, un truc tout con.
Gros punk, mon ami, tu sais sans doute déjà comment il en va des relations entre ivresse et flacon. Pour la picole comme pour la bagatelle, l'on fait bien souvent avec ce que l'on a sous la main, et ce qu'on a les moyens de s'offrir. Cela ne veut pas dire qu'il faille s'enfiler n'importe quelle saloperie, en talons ou en bouteille, et encore moins se dévaloriser en se cantonnant à l'artillerie lourde. Pas raffiné, soit – mais de grâce, un peu de self-respect.
Bien des mâles diminués affirment ne rien comprendre aux gonzesses. Outre que c'est avant tout parce qu'ils sont trop cons ou insuffisamment observateurs, cette ignorance bien pratique ne les empêche pas de faire une différence claire entre une bête de concours et un thon. Si l'on peut hésiter à aborder une créature à la séduction irradiante, c'est plus par peur du râteau humiliant que par crainte de ne pas piger ce qu'elle raconte. Voyez la nuance ? Pour le vin, ce n'est pas plus compliqué.
Ce que je ne veux plus entendre dans mon entourage, quand je débouche quelque topette que ce soit, c'est : « Oh ! Moi je n'y connais rien! » Pour qui ne vise pas une carrière d'oenologue ou d'acheteur, un bagage culturel n'a aucune importance. Tout ce qui compte est de réussir à classer ce que l'on boit en deux catégories : J'AIME et J'AIME PAS. Pour le débutant, tout le reste, je dis bien tout, est d'une futilité confondante.
Pas foutu de décrire correctement la robe ? N'a foutre ! Tout ce qui te viens comme idée en reniflant, c'est que « ça sent le vin »? Pas de fausse pudeur ! Aucune idée de comment font les autres pour déceler un arôme de fruit noir, voire de caillou ou de pétrole ? Détends-toi et savoure ! L'incapacité à décrire un vin avec le vocabulaire ad hoc n'est pas un signe manifeste de stupidité, mais la conséquence d'un manque d'informations qui ne viennent qu'avec le temps et l'entraînement. Parallèlement, ce n'est pas parce qu'on se pique de déceler tel ou tel arôme que l'on augmente le plaisir de la dégustation.
Prendre en bouche – laisser les saveurs prendre leur place – glou – faire confiance à ses papilles – décider si on trouve plutôt bon, plutôt quelconque, plutôt décevant. Fin de l'histoire.
Ou tout au contraire : c'est son début, son introduction, l'ouverture d'un opéra qui ne demande qu'à se prolonger indéfiniment, la découverte d'un muscle insoupçonné qui aspire à se développer sans arrêt, sans limite supérieure, sans crampes ni déchirures. Tout ne sera alors question que de répétition, de multiplication des découvertes, avec toujours ce même outil préhistorique et irremplaçable de la subjectivité personnelle : j'aime ? J'y reviendrai. J'aime pas ? J'oublie et je vais voir plus loin.
La crainte du nouveau venu peut être de ne pas percevoir toutes les subtilités de ce qu'on lui offre à goûter. Ne pas connaître, c'est être séduit facilement, même par des produits bas-de-gamme. C'est le problème notamment avec les vins du Nouveau Monde, faits pour être bus facilement. N'oublions pas que l'Amérique est cette partie de l'Occident dont la bière la plus connue se vante sur l'étiquette de sa drinkability ...
On a donc peur de se faire avoir parce que ça descend tout seul et de tomber dans un piège vulgaire. Mais qu'on se dise bien qu'au début, il n'y a pas vraiment d'alternative. Ce qu'il faut, c'est accumuler les expériences, ne pas se cantonner à quelque chose qui nous a plu, toujours être curieux de tester quelque chose d'inconnu. Un pinard particulier vous botte ? Notez-le (je reviendrai sur l'importance capitale de consigner scrupuleusement les impressions de chaque dégustation), constituez-en un stock si vous avez la place, faites-vous plaisir à l'occasion entre potes – et passez à autre chose, que ce soit dans la même région, avec le même cépage, ou sur une appellation qui n'a rien à voir.
En résumé, pas d'excuses : foncez, goûtez tout, posez des questions connes, ce sont toujours les meilleures, et si on vous rit au nez ou qu'on vous la joue snob, vomissez sur la table et notez l'adresse pour ne pas oublier de n'y jamais revenir.
A suivre.
05:37 Publié dans Le picrate pour les bourrins | Lien permanent | Commentaires (3)
Commentaires
Tout cela est fort alléchant. Quelle serait la cave idéale du bourrin amateur de vin ?
Écrit par : Criticus | 19/06/2010
J'espère qu'il sera question du pinard suisse.
Écrit par : Robert Marchenoir | 20/06/2010
@ Criticus : pas de conseil généraux à donner de ce point de vue. Je me bornerai à causer ici de ce qui me plaît, en tâchant de donner des raisons précises, sinon objectives, à mes choix. Mais rien qu'en matière de blanc, du fait des différences culturelles fondamentales entre ce qui se fait en France et en Romandie, des conseils théoriques semblent difficiles. Les Hexagonaux qui découvrent le chasselas, bien souvent, n'y comprennent rien, peu habitués à des choses à la fois sèches et fruitées. Le Vaudois qui approche par exemple un Aligoté sans être un peu prévenu aura l'impression d'avoir l'émail qui se fissure, tant l'acidité est prononcée.
@ Bobby Blackfoot : je ne causerai que de ce que je connais pour l'avoir goûté, donc fatalement...
Écrit par : Stag | 21/06/2010
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