13/07/2010
RIEN A EXPLIQUER A PERSONNE
Pratiquer un ethnocentrisme parfaitement assumé, et refuser dans le même temps l’enflicage de la société : un paradoxe ? Puisqu’Oncle A. demeure le symbole absolu de l’aryanisme et qu’il ne tolérait pas qu’une tête dépasse des rangs, la question semble réglée : être pro-blanc, c’est être pro-flic, comme être pro-noir passe encore pour une marque d’hostilité radicale à l’ordre établi.
A peine posés ces poncifs, on a déjà la nuque qui cède sous le poids d’un indicible ennui. Pourquoi s’échiner à les démolir ? L’équation « Attachement à l’identité = Mépris de la liberté » est un signe de reconnaissance bien pratique. Malbouffe ou doxa Citoyenne, c’est pareil : nous n’avons rien à dire à, et rien envie d’avoir en commun avec, ceux qui se targuent d’en croquer.
Démontrer le lien logique entre refus d’être encaserné et celui d’être abâtardi, ça peut paraître tentant quand on a une grande gueule et un dico de synonymes sous le coude. Mais à qui ce lien ne paraît pas naturel, le plus clair des exposés n’apportera rien. Se réconcilier avec sa famille, sa culture, sa tribu, est un acte de maturité que l’on doit accomplir seul pour qu’il ait la moindre portée. C’est une question de comportement, et pas de conviction. Si l’on se comporte en tyran avec ses parents, ses amis, ses collègues, sa femme, on peut bien braire des odes aux Droits humains : on reste un flic dans l’âme, avec ou sans t-shirt du Che.
Non seulement on ne peut « convaincre » personne d’avoir quelque chose à foutre de ses ancêtres et de sa lignée, mais il est encore plus vain de se lancer dans des concours de pisse avec les Vrais Croyants de l’anarchisme. L’anar sincère est contre l’Etat, donc contre les flics, donc contre le patriotisme, arnaque de l’Etat pour empêcher les travailleurs de s’unir contre les puissants. Capiche ? C’est ce que résume l’incontournable « Pas de guerre entre les peuples, pas de paix entre les classes. »
Là encore, on pourrait expliquer qu’en séparant les peuples on éviterait bien des bastons inutiles. Que les aspirations et les codes de la Jet-set ont balayé ceux de la classe ouvrière, qui s’est mise elle aussi à bander pour le crédit-conso, les chromes rutilants et les mœurs insanes des pires déchets de l’hyperclasse. Que l’internationalisme et le cosmopolitisme ne sont pas une seule et même chose. Que le Lumpen du Tiers-Monde ne veut pas l’autogestion, mais prendre la place du calife blanc et pouvoir piocher à volonté dans son harem. Qu’on pourra lui tailler quinze pipes par jour sans qu’il ressente autre chose que du mépris et du ressentiment.
Mais à quoi bon tant de blabla ? On a, ou on n’a pas, les capacités d’entendre un tel discours, de le comprendre à demi-mots, voire sans mots du tout. C’est, bis repetita, une question de comportement, pas de manuel du militant. Mon propre parcours, bordélique au possible, en est l’illustration limpide. Mais il n’est généralisable qu’au seul niveau d’un principe élémentaire : tôt ou tard, par-delà les slogans et les « schémas de pensée individuelle », vous en reviendrez à l’instinct. Et ça sera pareil pour tout le monde, qu'on ait la tripe portée sur la trahison systématique, la fidélité suicidaire ou le louvoiement d'anguille huileuse.
J’ai toujours cherché à ce qu’on me foute la paix, m’efforçant de la foutre également aux autres. La redécouverte de l’instinct tribal n’y a rien changé : elle ne m’a pas donné la rage de niveler la société, d’en consolider les hiérarchies, qu’elles soient « naturelles » ou pas. Il se trouve simplement que des gens, des groupes, y vivent alors qu’ils n’ont rien à y foutre. Je ne veux pas les tuer, je n’en veux pas comme esclaves, je ne veux pas les briser pour en faire des contrefaçons d’autochtones : je veux qu’ils dégagent. De leur plein gré si possible. Sans cruauté inutile si la force est nécessaire. On ne peut pas faire plus basique, plus animalement primaire, et somme toute moins politique que cela.
Les affaires de la Polis ne me regardent pas. Je ne veux pas participer aux rouages de la Cité, et ne me laisse à rêver de la saboter que parce qu’elle prétend m’entraîner dans sa chute. Je refuse qu’elle change de gueule juste parce qu’une poignée de dangereux timbrés pensent que celle d’Obama ferait un modèle universel très désirable. Je refuse de vivre pacifiquement dans un monde qui promet à mes gosses un dressage au putanat et à l’endettement, une honte inculquée de force de leur propre nature, une sensibilisation agressive aux pires désordres psychologiques ou sexuels, une vie falsifiée où tout n’est que symbole, fétiche et placebo.
Or je constate que toute la puissance des gouvernements et des marchés, du public et du privé, s’allient pour accoucher d’un tel monde. Je constate que la droite d’affaires est très friande de vidéosurveillance, de soumission aux seuls impératifs des flux de marchandise, et que sa vision du patriotisme, ce sont des rues propres et des vitrines clinquantes. Je constate que la gauche rebellocrate fait son deuil de l’ouvriérisme en tendant son cul aux cultures les plus laides, aux plèbes les plus idiotes, et se fait paisiblement à l’américanisation de la planète parce que c’est la façon la plus radicale de niveler l’humanité par le bas, ce à quoi elle aspire depuis plus de deux siècles.
Ce sont ces constats élémentaires qui me poussent logiquement vers un anarchisme désorganisé, antithéorique, sans la moindre prétention analytique. La prose NA disponible ici n’est pas envisagée comme un outil, parce qu’elle n’est porteuse d’aucun programme révolutionnaire applicable. Il n’est plus imaginable de croire à l’efficacité des programmes, ni ceux des partis, ni ceux activistes tous bords confondus.
Vous pouvez proposer tous les logiciels que vous voulez : c’est le hardware de la civilisation qui est kaput, parce que des choses aussi basiques que la Décence Commune, la famille hétéro, la loyauté à son clan, le respect de la parole donnée, le mépris des usuriers, le refus de manger de la merde et de vivre dans une poubelle, ont été balancées aux chiottes de l’histoire. Le clivage gauche-droite avait encore un peu de sens du temps où tous partageaient une vision minimale des règles de vie en société, et où seuls des poètes ratés, des marginaux flamboyants, des irresponsables reconnus comme tels se permettaient de fantasmer sur la figure du taulard, du voyou, du dégénéré salace, de tous les déviants condamnés au bannissement par la morale hypocrite des dominants d’alors.
Depuis, la violence gratuite de sous-hommes répugnants a trouvé ses justificateurs frottés de philosophie. Le rejet de l’obscénité publique de sodomites hallucinants est classée dans le même tiroir que la haine des homos qui ne demandent rien à personne. Conchier ses propres morts et idolâtrer ceux d’autrui passe pour un sommet de vertu et de Mémoire. Personne n’est ridiculisé en se montrant anticlérical avec les chrétiens les moins allumés, et bienveillant envers les musulmans les plus obscurantistes. On a réussi le tour de force de faire passer une anomie brute et débilitante pour une saine distanciation intellectuelle. Dans cette cacophonie dégueulasse, un avis un peu droit et assumé est une flute traversière au milieu des vuvuzelas.
Ca ne veut pas dire qu’il faille arrêter de jouer, mais il faut savoir qu’on ne sera pas entendu.
16:41 | Lien permanent | Commentaires (7)
Commentaires
"Ca ne veut pas dire qu’il faille arrêter de jouer, mais il faut savoir qu’on ne sera pas entendu."
C'est aussi ma conclusion. Quoique je suis un peu moins blasé, j'ai toujours hâte de découvrir la suite...
Écrit par : M.Nice Guy | 13/07/2010
Il y a une lutte sans laquelle la défense de la liberté et de l'identité serait vaine.
C'est celle de la propriété, et du droit qui la garantit. C'est cette défense des droits de propriété qui permet à chacun d'être libre de jouir de ses biens, et de vivre chez lui, sans qu'on lui impose de « co-locataires » (à l'échelle du pays aussi).
Et c'est donc cette défense des droits de propriété qui justifie un minimum de surveillance et de répression. Bien sûr, il y en aurait moins besoin si ceux qui violent les droits de propriété étaient foutus dehors, mais avant qu'ils le soient...
Écrit par : Criticus | 13/07/2010
Un bel écho à la dernière production d'Eisengélie :
http://eisangelie.hautetfort.com/archive/2010/07/12/peril-islamiste.html
Écrit par : W | 13/07/2010
Cher GP, votre énergie vaine mille fois consumée me fend le cœur à chacune de vos interventions.
Réjouissez-vous, bientôt vous serez vieux et vous vous foutrez de tout.
Écrit par : GAG | 13/07/2010
J’ai trente six ans, et de ces longues années d’apprentissage, il me restait des milliers de pages…
Ayant hérité du militantisme et un grand besoin de pédagogie, de clarté, et un souci constant de l’éducation classique, 10/18, l’Herne et le maoïsme français auront été les multiples facettes d’un seul miroir des temps modernes où je rejoignais tout ceux qui, avec Che Guevara ou le Lorenzaccio d’Alfred de Musset, ont pour devise secrète : « L’éclair d’une seule épée peut illuminer tout un siècle » …
Jean Edern Hallier
Écrit par : Yabonbabtou | 14/07/2010
...la loyauté à son clan ? quand tous les fils et filles de sont pistonnés (Jean Sarkozy, MLP, enfants d'acteurs-Charlotte Gainsbourg, Anthony Hallyday-, voire rejetons de voyous devant lesquels les médias s'inclinent -fils Mesrine-),
quand M-tout-le-monde tente toutes sortes de passe-droits pour pistonner fiston , et puis ce repli sur la tribu...beeeuark.
Écrit par : hommeblancetfierdeletre | 16/07/2010
"les pires déchets de l'hyperclasse"
ce qui pourrait signifier qu'il y a des déchets moins pires voire même acceptable ou encore mieux ; enviables
j'ai du mal à vous suivre sur ce coup là
Écrit par : kobus van cleef | 19/07/2010
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