Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

17/11/2014

MAUVAIS OUVRIERS ET OUTILS COMPLIQUÉS

Connaissez-vous ce type d'individu, qui se plaît à utiliser des mots et des notions beaucoup trop complexes pour lui, et qui le fait si maladroitement que c'en est atrocement gênant? Il y en a un dans mon lointain entourage. Un type gentil, avec qui boire une bière ou causer sur un coin de trottoir, mais qui se sent si mal dans sa condition de manuel qu'il truffe sa conversation de termes auquel il n'entend rien. Son discours prend alors la forme d'un cake où vis et boulons remplacent les pépites de chocolat, ou d'une mélodie brisée ça et là par des bruits de klaxons et de pets.

Quand il se met à parler d'histoire, c'est mieux encore, parce qu'il empile des anachronismes si grossiers qu'on hésite carrément à le reprendre - pourquoi l'humilier plus encore ? Il ne sait tout simplement pas fermer sa gueule sur les sujets qui lui échappent, et le lui faire remarquer ne ferait qu'accroître son mal-être.

Mais qu'on ne se figure pas que l'animal en pâtisse. Je l'ai vu emballer une feniaule en quelques minutes d'un hilarant blabla. On croit qu'il va se prendre le râteau du siècle, et on n'a pas pudiquement tourné la tête qu'il lui roule une galoche aussi baveuse que sa démonstration. C'est nul, mais ça fonctionne.

N'est-ce pas, d'un point de vue cynique, tout ce qui importe ?

Pour les prétendus maîtres de la peinture du XXè siècle, c'est pareil, à en croire Jean-Louis Harouel (La Grande Falsification, 2009) :

"Les géométries nouvelles et la théorie de la quatrième dimension furent une prodigieuse aubaine pour des peintres qui ressentaient la figuration rationnelle comme disqualifiée par la photographie, et qui voulaient construire leur succès et leur réputation en dépassant tout ce qui s'était déjà fait en matière de régression de la peinture, c'est-à-dire en allant encore plus loin que le fauvisme, en rompant encore plus que lui avec la représentation de la réalité. Les cubistes ont pratiqué une peinture systématiquement déformatrice et destructrice des formes, en se réclamant de théories mathématiques invoquées sur un mode incantatoire, beaucoup plus magique que rationnel. Le discours cubiste n'est qu'un néoplatonisme affublé d'oripeaux empruntés à une pensée savante qui dépasse complètement les peintres.

Car, ces théories mathématiques, les cubistes sont bien incapables de les comprendre. Encore qu'ils aient des amis très doués en mathématique comme Princet, ils connaissent surtout les nouvelles géométries par la vulgarisation fort peut scientifique qui en a été faite par l'occultisme, et parallèlement par le livre Voyage au pays de la quatrième dimension, oeuvre d'un humoriste ami d'Alfred Jarry et d'Appolinaire, Gaston de Pawlowski. Ecrite dans le style d'un ouvrage de science-fiction, cette utopie relatant un voyage imaginaire et cocasse dans une dimension invisible de l'espace relevait "du genre de divertissement mathématique créé par Edwin Abott dans Flatland. Sur la base de ces lectures, les peintres ne pouvaient avoir qu'une connaissance superficielle et souvent fantaisiste des nouvelles théories mathématiques. Lorsqu'ils prétendent s'en faire les interprètes par leurs tableaux, cubistes et futuristes sont à peu près aussi sérieux que les Pieds Nickelés quand ils s'improvisent savants ou médecins.

Ayant fréquenté Picasso dans les années 1908-1914, Jules Romain a laissé de lui, sous le nom d'Ortegal, un portrait psychologique d'une grande perspicacité. Encensé par "les littérateurs et les critiques de l'espèce noble [Apollinaire, etc.]" qui "se mêlent d'expliquer [ses] mystères", Picasso/Ortegal sait d'instinct qu'il ne faut "jamais rigoler quand il est question de quatrième dimension et d'espace absolu", quand on lui démontre ses convergences et ses divergences "avec Riemann, Bergson, ou la type au nom en ski [Lobatchevski]". Il sait qu'à ce moment là, il doit "tirer sur sa pipe", et que ses adorateurs se diront "qu'ils n'ont pas vu assez loin, pas pigé le dernier mot", qu'il est "encore plus fort que ça", et qu'ils en remettront "un coup". Car les critiques et théoriciens glorifiant le cubisme ne comprenaient guère mieux que les peintres les nouveautés mathématiques. Evoquant un dîner chez Picasso/Ortegal réunissant quelques intellectuels et peintres autour d'Apollinaire et où il ne fut parlé que de peinture, Jules Romain écrit :

"Ces messieurs ne quittaient pas la zone de la sublimité générale. Espace, dimensions de l'espace, quatrième dimension, forme pure, forme absolue, objectivité, création, analyse, synthèse, perspective totale, plans absolus (l'absolu se porte beaucoup dans ce milieu), interférences, incurvations, déformations, compénétrations, intégration et sphéricité." Tout ce "galimatias désarmant" produisait une "étonnante absurdité de la conversation". Cela donnait le sentiment d'avoir "affaire à de pauvres diables, dotés d'une instruction de base légèrement inférieure à celle du certificat d'études primaires, et qui se grisaient de mots auxquels ils n'entendaient exactement rien".

10/11/2014

STARS ET HÉROS

Ca commémorait sec, ce vouiquaine, et pour une fois ça ne parlait pas de barbelés polonais. Un commentateur du bastringue Citoyen berlinois a qualifié de "héros" les hommes et femmes qui ont laissé leur peau à tenter de passer à l'Ouest. Belle illustration de la victimolâtrie ambiante.

On se demande d'ailleurs pourquoi le terme n'est pas appliqué aux clandestins de Lampedusa ou Mellila, qui eux aussi prennent des risques considérables pour leur santé en essayant de s'installer en Occident. Ou c'est quelque chose que j'ai loupé ? Il faudra penser à demander à Paul McCarthy de construire un mémorial gonflable à l'Immigré Inconnu.

Je n'entends pas cracher sur ces morts, mais de là à les canoniser ? Un héros, ce n'est plus un type qui prend le risque de se faire assassiner pour ses idées, mais qui accepte celui de mourir en chemin pour échapper à la misère ou l'oppression. On a les légendes qu'on peut.

Dans les autres infos incontournable, on me dit qu'une escort arabe milieu-de-gamme aurait lardé son mec actuel. Oui, moi aussi ça m'intéresse follement. Méritant peut-être qu'on s'y attarde est le sous-titre don un baveux décore son article sur le sujet: il y est question de l'animal et de la manière dont elle aurait "planté sa carrière".

Alors premièrement, si j'ai bien suivi, ce n'est pas sa carrière qu'elle aurait "planté". Ensuite, s'il y en a qui espèrent par là ne plus en entendre parler, c'est cuit-biscuit: vous n'avez pas fini d'en bouffer, bien au contraire. Ce n'est même pas une reconversion, elle passera simplement du registre bouffon au sordide. On peut en revanche se permettre d'espérer qu'un livre ne sortira pas sous son nom, parce que l'invraisemblance a quand même des limites quand on cherche à fourguer un produit.

03/11/2014

REGRETS, REMORDS ET FARIBOLES

"Je préfère avoir des remords que des regrets".

C'est jeune, faut excuser.

Comme si c'était possible de choisir, petit con.

Comme si c'était imaginable de ne jamais accomplir aucun geste, prononcer aucune mot, prendre aucun engagement qui jamais ne s'avère mauvais, ou idiot, ou irréfléchi. Ce n'est pas juste gonflé, c'est un peu humiliant. Pour ne pas faire d'erreur, il ne faut jamais rien entreprendre ; pour ne pas reconnaître ses erreurs, un sévère handicap mental est un gros atout. Le bel aveu.

Des regrets, tu en auras, jeune con. C'est l'équivalent spirituel de tes articulations qui se grippent, de tes gueules de bois toujours plus impitoyables, de ta vue qui baisse, de tes cheveux qui se raréfient. C'est la balafre du temps qui passe, qui fait une belle patine chez certains êtres et des crevasses suintantes chez d'autres.

Ne pas oublier qu'on peut regretter d'avoir fait quelque chose, mais aussi et surtout de ne pas l'avoir fait. Je ne crois pas avoir croisé à ce jour quelqu'un qui ait atteint son plein potentiel, qui ait systématiquement épuisé toutes les options qui se présentaient. Nous nous trimballons tous avec une fosse sceptique mentale où fermentent un certain nombre de lâchetés, d'excuses bidon, de micro-trahisons.

Au maximum, on peut essayer de tout assumer. C'est ce qu'il faut entendre quand quelqu'un affirme, à mi-chemin, qu'il "ne changerait rien" à son parcours jusqu'ici. Mais même ceux qui semblent avoir un destin moins pourrave que la moyenne peuvent fort bien n'en rien tirer de bon. C'est comme recevoir une Cadillac et être trop pétochard pour prendre la route.

Gros, gras, immense mensonge que cette prétention à la surdité face à la petite voix tripale qui dit : "Là, garçon, tu as merdé en ordre, et c'est trop tard pour rattraper quoique ce soit."