13/03/2009
LES YEUX SALES
Il peut y avoir certaines compensations sociologiques à se faire imposer l’obscénité insoutenable de la Nouvelle Tare par une belle-famille unanime et délectée. Avant toutes choses, il faut se convaincre que, vu qu’on n’est pas chez soi pour la soirée, faire une esclandre minoritaire pour exiger qu’on brise l’écran à coups de coques serait exagéré. Une fois adoptée cette attitude lâchement passive, on peut se concentrer sur le véritable spectacle, qui ne se déroule pas dans le téléviseur mais sur le canapé.
Passons sur le fait que des gens sains et raisonnables d’apparence aient besoin de se justifier, sur l’air de « On regarde pour se moquer ». C’est l’alibi d’une terrible majorité, et le principe même de ce type d’émission, qui joue plus sur le manque d’assurance du spectateur que sur son besoin de voyeurisme : y a pire ailleurs, ça rassure, moi j’oserais jamais, ah la conne qu’oublie les paroles, etc.
Ce qui est plus intéressant, c’est de voir ces mêmes gens sains et raisonnables piétiner avec tant d’entrain les voies balisées que leur désignent les marchands d’ordure. Ca se croit distant, méprisant, pas dupe, et ça galope comme un seul troupeau de méchouis au nom du cynisme à usage unique.
Ce qui est véritablement gerbeux, ce n’est pas que des handicapés artistiques aient les burnes de se ridiculiser publiquement. C’est qu’on ait voulu faire croire aux gens qu'être saltimbanque est un rêve fou à la portée de quiconque maîtrise les rudiments de la Méthoude Coué (ze veux zêtre santeur).
Ce qui crève les yeux et le cœur, ce ne sont pas les déhanchements saccadés et les vagissements des futures vedettes jetables. C’est qu’on ait pu penser à organiser l'humiliation systématique du putanat des cordes vocales, pour régaler les sales cons qui se croient finauds parce qu'ils contemplent le massacre à l'abri.
Ce qui a violé les cendres de la musique populaire, ce n’est pas la succession des morts-chantants blafards, recalés au mètre cube par de vieilles gloires décaties de la musique d’ascenseur ou de la journaloperie en perfecto d’ado androgyne. C’est que parmi ce vomi humanoïde on puisse encore piocher une élite de la bassesse pour en faire des demi-dieux de la scène, barbouillés de superlatifs et de talent à crédit.
Comment voulez-vous, après avoir entrevu une séance de cette boucherie, utiliser encore les mots « aventure », « rêve » ou « générosité », sans avoir la sensation d’avoir du purin au coin des lèvres ? Comment, surtout, peut-on SE DETENDRE d’une journée inepte dans un job où l’on vous prend pour un con ou un rouage surnuméraire, en retrouvant les mêmes méthodes de mobbing, la même jouissance de marcher sur des têtes toutes empressées de fouiller le sol avec le groin ?
Mais ces évidences survolent de trop haut la casquette de l’audimat condescendant, qui ne voit pas lui jaillir au visage les éclaboussures de la merde où pataugent les Lumpen des feux de la rampe. Ca s’esclaffe sur commande, ça admire la médiocrité quand elle est soulignée par un commentaire élogieux, ca se prend de passion pour la compétition entre morbaques en pariant qui encaissera prochaine vanne minable sans broncher, qui fera une crise de nerfs en premier, qui offrira à l’écran le suicide social le plus révoltant. Et ces gens sont vos amis, votre famille, vos alliés, la moitié de vos gamins. Enfilés jusqu’au trognon, mais sûrs de leur immunité parce que, « au moins » disent-ils, ils en sont conscients, alors que « les autres » prennent ça « au premier degré. »
Comme si une cloque était plus grave qu’une brûlure profonde.
17:42 | Lien permanent | Commentaires (3)
Commentaires
Texte vraiment excellent, comme souvent. J'ai assiste au même désastre. Mes conclusions sont proches des votres.
Écrit par : Pélicastre | 13/03/2009
Mmmmmh ... j'adore les pâtisseries cambodgiennes !
Écrit par : snake | 14/03/2009
J'en aurais bien rajouter, mais piétiner les cadavres, ça me laisse froid. Et de toute façon, j'ai déjà un macchabée sur les bras depuis samedi, je vais pas encore risquer d'attraper des saloperies.
Au plaisir de te reluire.
Écrit par : Adrien Hirsbrunner | 16/03/2009
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