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19/09/2012

DERAPONS DANS LA JOIE

Monsieur Lime revient ici sur la notion de dérapage.

(...) ce mot sous-entend que toute échappée hors de la bien-pensance ne peut être qu'un moment d'égarement, qu'une folie passagère, et non le fruit d'une réflexion murie et étayée. Autrement dit, toute personne intelligente est prisonnière de la bien-pensance, seuls les imbéciles s'en échappent parfois. Et le seul fait de s'échapper de la bien-pensance, de "déraper", suffit à vous qualifier comme imbécile.

Il y a de ça, mais pas que de ça. Si l'on va au fond des choses, tout le monde peut déraper un jour ou l'autre, et ce n'est pas une question d'imbécilité - mais bien de vigilance. On dérape sur la question du ouacisme comme on commet un impair en bonne société, une grosse gaffe dans un milieu raffiné qui s'attendait à mieux que ça de votre part : le bon vieux "Pas vous, pas ça". Un accident n'est pas - toujours - la conséquence de l'idiotie, l'inattention, le manque de sensibilité ou d'expérience, l'étourderie sont des causes connues. C'est ce raisonnement digne de la plus lourdingue prévention routière qui prévaut ici : vous aussi, ça peut vous arriver, alors faisez attention.

L'époque se veut décoincée, il est tacitement admis que l'on peut désormais, contrairement à l'époque de Grand-Papa, jouir sans entraves, sauf bien sûr chez les cathos et les musul non là c'est différent padamalgam. Une sorte de cynisme bon teint fleurit un peu partout, sous la forme d'une fausse désinvolture, d'une ostensible prise à la légère de conventions sociales qu'on feint de considérer commes sacrées, à l'image de la simple politesse ou des égards pour autrui, et puis l'Ordre Moral, le vrai, le balourd, l'écrabouillant, le castrateur, l'inoxydable, surgit de sous cette glauque et molle surface : y a des choses avec lesquelles on ne rigole pas. Il faut faire preuve de "responsabilité", notamment en s'abstenant de railler les bondieuseries des bondieusards du Dromadaireland, choses qu'on peut se permettre de conchier quand ils sont blancs et affublés d'un crucifix, mais n'embrouillez pas les choses, voulez bien ?

Il y a là un puritanisme effarant, d'autant plus qu'il se croit affranchi des vieux carcans, alors qu'il affiche une raideur victorienne absolument désarmante. Ambiance de collège de jeunes filles 1850. Bien se tenir. Parler comme il faut. Demander la permission. Etre sage. Le tout en se tatouant des bites sur le front et en écoutant Nevermind the bollocks en boucle. Admirable jeu de cons.

Commentaires

Le dernier paragraphe est un modèle de synthèse !

Effectivement, et c'est ce que j'appelle la "colonisation par le haut", nos sociétés sont devenues puritaines alors que ce n'est pas leur nature.
Un échange banal de vieux habitués d'un bistrot de faubourg d'il y a trente ans ferait rougir un nouvel encarté "Rassemblement Pneu Narine".
Le "dérapage" est incroyablement facile et rapide à provoquer, ce qui tendrait à conclure -en toute logique- que les ornières qu'on veut nous imposer ne sont ni profondes, ni larges, ni bien tracées.

Il est du reste très aisé de retrouver des équivalents des conversations que l'on avait ici-même il n'y a pas si longtemps : il suffit d'écouter ce que disent des étrangers entre eux (encore mieux : chez eux). Je précise bien : étranger du tiers-monde uniquement (bon, les Européens de l'est sont restés très vivaces sur ces questions il est vrai).
C'est assez troublant quand on vient d'Afrance : chez les étrangers *tout le monde* est nationaliste et *presque tout le monde* est raciste, et modèle king size s'il vous plaît.
Au hasard, discutez avec des Turcs, quelles que soient leurs inclinations politiques et idéologiques et quelle que soit leur classe sociale : ils seront *tous* très fiers de leur identité (ce en quoi ils ont bien raison).
D'ailleurs c'est assez amusant je me souviens d'une rencontre publique il y a un petit bout de temps je crois que c'était avec Alexandre Del Valle et des Turcs s'exprimaient depuis la salle ; il s'est avéré que le seul qui émettait des réserves sur son pays était kurde... ça laisse songeur.

La "fausse désinvolture", mon Dieu, on a inventé là un prétexte diabolique et d'une redoutable efficacité : tous ces cons qui prennent leur absence d'éducation et de bonnes manières pour du caractère et de la personnalité ! Aujourd'hui le plus rebelle des punks hardcore est celui qui dit "bonjour, s'il vous plaît, merci", qui vous laisse passer quand vous êtes chargé et qui vous laisse descendre d'un véhicule avant de monter.
Le plus étonnant dans cette nouvelle société de débiles profonds autistes est l'extrême sensibilité à sens unique : ainsi un nuisible régulièrement émetteur du pire vacarme ne souffrira pas le moindre bruit ! Le bon sens exige pourtant du grand cogneur qu'il soit aussi un grand encaisseur.

Comme tu l'avais dit dans ton ancien billet en t'auto-référençant honteusement, on perd une énergie folle à tenter de moduler son propos dès qu'un petit commissaire sort l'une des cartes "raciste", "fâchiste" ou "strèm-drouate". Le mieux est en effet de répondre tranquillement "oui oui" et de continuer (ou pas) ce qu'on exposait. L'autre fois un con me dit "mais t'es un facho", je lui ai répondu, surpris par la rapidité de l'étiquetage, qu'il n'obtiendrait rien de moi par la flatterie. Il faut quand même prendre un peu de recul sur ces conneries : la majorité des gens ne pensent rien du tout et ne connaissent pas les termes qu'ils utilisent. L'idée est d'être conforté par le regard des autres du moment qu'il est majoritaire (René Girard, si vous nous regardez) ; le mimétisme social joue autrement plus que l'élaboration d'une pensée même rudimentaire. Pour aller en ce sens j'obtiens généralement la curiosité d'au moins l'une des personnes qui me voient en fâcho, ce qui tend à prouver qu'il y a une large part de comédie dans ces réactions de Pavlov.

Mais quand même : l'impression puissante et tenace d'être cerné de gens perdus qui ne voient pas même leur propre paradoxe. Ainsi tel "anti-raciste" auto-proclamé qui peste au volant de son auto derrière un conducteur lent "ah ben évidemment si c'est un bou_caque", ou encore telle jeune femme 100% de souche avec une main de Fatma en sautoir qui reconnaît en toute spontanéité que délinquant = arabe, etc.

Écrit par : GAG | 19/09/2012

il est tentant d'être flatté lorsque le 'terlocuteur vous traite de ouaciste

mais avouez que l'omniprésence de cette accusation à propos de tout et de rien ne clarifie pas les débats

ainsi , lors d'une discussion profesio

Écrit par : kobus van cleef | 24/09/2012

Les commentaires sont fermés.