23/10/2013
JUSQU'ICI TOUT VA BIEN
Un de ces soirs trop rares où j'arrive à croiser X et sa légitime, qui n'habitent pourtant qu'à moins d'une plombe. Pareils à eux-mêmes. Délicieux vertige du genre qui ne vous saisit d'ordinaire qu'en visitant une antique cathédrale ou les ruines gallo-romaines de Vidy : le temps qui a suspendu son vol sans qu'on le lui demande même poliment. Toujours la même gueule, toujours les mêmes potacheries, la certitude d'avoir été compris avant d'avoir prononcé les premiers mots indispensables à n'importe qui d'autre.
Bien amortis par la ripaille, nous digérons en sirotant une grappa barrique si délicieusement ritale dans l'esprit qu'on a de la peine à l'imaginer vaudoise. Après un de ces longs silences qui embarrassent quiconque ne partage pas cette ligne directe animale, X lâche, un brin mélancolique :
- On s'en est pas mal sortis, quand même, quand tu penses. On aurait pu tourner autrement plus mal.
Rien n'est plus vrai ni de plus banal à la fois. Pas mal de gens qu'on ne voit plus de ce temps-là ne s'endorment pas sans leur dose de THC, quand on ne parle pas de plus costaud. Les gosses de certains sont déjà ados quand les nôtres parlent à peine, mais les leurs n'étaient pas spécialement voulus. D'autres sont abonnés aux sous-jobs merdiques, parce que leur casier fait de l'ombre au reste de leur curriculum. De la gnôle, des armes, de la bécane, quelques bastons grotesques, deux ou trois gamelles, un abonnement aux urgences, un nihilisme crétin ne menant qu'à des prises de risques hautement dispensables, des provocations ne prouvant que dalle, des idées très très cons suivies jusqu'au bout, le cocktail idéal pour se transformer en loque avant l'âge, pourri de dettes et trente boulets à chaque cheville... Tout ça pour être certes un poil amochés mais toujours là, pas trop tordus, pas trop mal entourés, passés correctement entre les gouttes.
Pas qu'on ait déconné au point de risquer la taule, non plus. Qu'on ne me foute pas dans le clavier ce que je n'y ai pas mis. Je parle de cette désocialisation légère qui fabrique les couples improbables, les familles bancales, les petits arrangements glauques, les réputations poisseuses que chacun connaît mais que personne ne vous envoie cash dans la gueule - la zone grise où pataugent tant de discrètes ruines sur pattes mâles ou femelles.
Peut-être n'étions-nous après tout que des petits joueurs, convaincus de miser très gros.
Ridicules et prétentiards mais en un seul morceau et pas plus putes que la moyenne. Deuxième chance accordée.
Un sort très appréciable, somme toute.
"I got plastered one night, Cried like a lil bitch to this song."
15:38 Publié dans Marées Noires, Survie musicale zonarde | Lien permanent | Commentaires (2)
Commentaires
Jamais fauché, toujours marteau !
Écrit par : Danny | 24/10/2013
Un type extra-lucide qui dénonce sa prétendue médiocrité avec votre style et votre grammaire n'est pas un petit joueur, comparativement à un grand gagnant acculturé.
Écrit par : Le blaireau-garou | 25/10/2013
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