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16/08/2015

ELEGANCE, FOND ET FORME

Entre un concert punk-rock et des obligations pros, j'ai croisé pas mal de crasseux cosmopolites en fort peu de jours. La récurrence de certains colifichets, coiffures et vêtements, chez des gens aussi soucieux de mettre en scène leur marginalité supposée et un sens critique hostile à toutes les normes, m'a fait penser à la notion d'alterconformisme.

(Je n'ai pris qu'une minute quinze pour le vérifier sur goût-gueule,

mais le terme semble à ce jour assez peu usité.

Si la recherche ne m'avait retourné aucune suggestion,

je me serais autoroulé une galoche.)

Réminiscences d'un temps où la fréquentation de tels énergumènes ne me causait pas la crispation actuelle, où j'envisageais même très sérieusement d'en arborer certaines parures. Parce que voyez-vous, non seulement j'ai eu une belle longueur de tifs, mais il m'a même semblé, il y a une grosse vingtaine d'années, que leur infliger des dreadlocks n'était pas un projet relevant du handicap mental.

Si une telle horreur vous fait de suite penser au terme whigger, je n'avais pas un tel réflexe à l'époque. Non par déni, mais sous l'action d'une grille de lecture du monde invraisemblablement différente. Ce que je cherchais n'était pas à imiter l'Ubernègre des fantasmes de rombière décadente, mais le signe extérieur d'une sauvagerie toute personnelle, sans la moindre connotation raciale. Je pensais bien moins à Robert Marley qu'à Kirk Fisher, dont les productions sont à ma connaissance assez peu en vogue auprès des promoteurs de la négritude.

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Je vous cause de tout ça, pas seulement parce qu'il fait dégueulasse dehors et que c'est dimanche, mais suite aux commentaires suscités par ceci. On m'y conseille fort civilement de faire une cure régulière de beauté pour endurer l'inhumaine hideur où nous pataugeons tous. Je m'y employais déjà, mais merci quand même.

Ce qui est bizarre, et qui ne m'avait pas frappé jusqu'alors, c'est une contradiction entre verbe et geste.

Comment se fait-il que l'élégance suprême d'un vers bien torché, d'une réplique assassine, d'un raisonnement épuré me fasse un si violent effet (d'où les vidéos de Bonnant récemment postées ça et là), alors que je n'accorde pas une seconde à ma garde-robe ? Séparer fond et forme n'est-il pas le propre des inconséquents ?

Vexation. Nous n'aimons point, ça pique.

Prenez un Venner, par exemple. Le gars incarnait la droiture de sa pensée en étant toujours impeccablement sapé. Cohérence.

Chez les pouilleux métisseux, la fécalité idéologique est soulignée par une fausse négligence excessivement réfléchie de l'apparence. Cohérence encore.

Votre serviteur, lui, a tendance à se vêtir comme un bouseux mal remis d'une Cantonale des Jeunesses. Avec le débarquement du moutard, ça n'a fait que s'aggraver avec des traces de régurgitations au niveau des épaules ou de pain mâchouillé sur le bas du froc. 

J'ai aussi pris conscience, en voyant ma voisine retraitée épousseter l'intérieur de sa bagnole, que je n'ai lavé la mienne que deux ou trois fois en plusieurs années. Pour le coup, c'est peut-être à cause de la trop grande concentration de Portugais dans mes environs, à l'adolescence : les voir consacrer leur dimanche à faire briller leur carrosse m'a rendu très patient envers l'accumulation de boue et de poussière sur le mien. Je ne vous parle pas de mon stock de mousse à raser, avec lequel je me montre des plus parcimonieux.

Serais-je donc, non seulement un Mauvais Citoyen certifié, mais en sus un gros dégueulasse ?

Un antifa taquin ferait remarquer que ça serait bien plus cohérent que je ne le crois: Bête Immonde, Idées Nauséabondes, hygiène pileuse relâchée, tout ça.

Merde.

Va falloir étudier l'opportunité de laisser à nouveau pousser ces putain de cheveux. Tant que j'en ai encore.

Commentaires

Élégance et insolence – Roger Nimier Hussard Club

Je me suis étonné de l'apathie des ouvriers musclés, ceux qui ne lisent pas Saint-Simon, dont je parlais à l'instant. Ils ne sont pas toujours pauvres mais ils sont mal habillés, ce qui est pire. Ils voient passer des jeunes gens, fils d'une bourgeoisie qu'ils méprisent. Ces jeunes gens ont des costumes propres, ils craignent de les salir. Je vois passer ces faibles garçons au bras des filles élégantes, devant toute sorte de sauvages souriants, les hommes de la pierre, ceux de l'acier. Je m'attends à des scènes violentes. J'espère des injures. Hélas, rien du tout. Les peureux enfants de la bourgeoisie gardent leur élégance, leurs filles parfumées. Les trottoirs sont dédiés à l'ordre.

Roger Nimier, Les Épées.

Écrit par : clubrogernimier | 21/08/2015

Élégance et insolence.
http://clubrogernimier.blogspot.fr/

Écrit par : clubrogernimier | 22/08/2015

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