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28/11/2012

LA PLACE DU BRÛLE

 

Années nonante. Torpeur bienheureuse. L'inconfort physique n'a pas d'importance, on oublie le dos plié en deux, les genoux qui appuient quoiqu'on fasse contre le siège de devant, la place du mort, ce qui fait qu'on est assis à la place du brûlé. Fraîcheur de la vitre contre laquelle le front s'appuie. Sait-on seulement où l'on nous emmène ? Pas vraiment. Quand résonne cette longue note de saxophone, on ferme les yeux, on se laisse bercer par les vibrations du véhicule. La soirée est encore longue, très longue. Qui sait où et quand on pourra dormir ? Aucune importance. On sait qu'on ne dormira pas seul. Elle est là, toute proche. Les autres aussi, membres de ce clan éphémère et artificiel où chacun vient puiser un peu de chaleur, l'air de ne pas y toucher. Tout le monde est un peu bourré, ou très bourré, bière, whisky, vin rouge bon marché. La nuit défile, succession de lumières blanches, bleutées et oranges. Et tout fait sens, parce que le fait que rien n'en ait est une merveilleuse évidence, qui ne fait plus peur, ni plus mal. En ce moment particulier, coincé dans cette bagnole, en route vers quelque bastringue, la haine, la tristesse, l'absurdité, la désespérance, la vacuité n'ont plus d'importance, plus de poids. On voudrait pouvoir en arracher l'ADN, le principe, le noyau, le cloner à l'infini, en stocker dans des boîtes pour l'avenir. On se console de ne pouvoir le faire en reprenant une gorgée de n'importe quoi, et en laissant la soirée aller son cours. Et des années plus tard, on réalise tout connement que le prélèvement a été fait, qu'on aura toujours sous la main ce qu'il faut, pour peu qu'on puisse écouter ça.

23/11/2012

UN ACTE D'INSURRECTION A BLANC

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L'ami Pharamond tient le bon bout ici. Bout façonné par Orwell et son archi-cité "A une époque de supercherie universelle, dire la vérité est un acte révolutionnaire." Mais le terme de révolutionnaire est encore trop gentil. Prononcer des faits basiques (tous les peuples n'ont pas le même niveau, la sodomie n'a pas le même impact sur la reproduction de l'espèce que le coït vaginal) est considéré par l'Etat, le Spectacle, les traîtres professionnels et les liquéfiés de la tête comme une déclaration de guerre contre l'ordre établi.

Bien entendu, spectaculeurs, traîtres et décérébrés se réclament volontiers, eux aussi, eux surtout, de la provocation, des vérités qui dérangent (sans préciser qui - le Bourgeois Fasciste Inconnu, faut croire) et autres titres de noblesse des paumés qui s'improvisent fous du roi parce que règner tout court ou conseiller intelligemment le souverain est manifestement au-dessus de leurs forces. Que de la merde, on le précise parce que ça ne coûte pas des sous, pas parce qu'il y avait le moindre doute. 

Ca ne devrait pas faire croire qu'il suffit de tenir des discours qui dérangent VRAIMENT les gens qui détiennent un pouvoir EFFECTIF dans le système actuel. Conscientiser les masses, c'est avant tout un hobby de parasite, et on n'échappe pas à la règle parce qu'on écoute Landser plutôt que du ska (il y a encore des gens qui en écoutent, ne vous moquez pas d'eux trop vite : il y en a aussi qui en jouent !). 

Et puis pour désencombrer les écoutilles d'un brave droitard ou d'un gauchiste récupérable, vous pouvez toujours chercher sur la toile faf, vous n'êtes pas prêts de trouver THE outil pédagogique, argument fatal, démonstration infaillible. En règle si générale qu'elle est quasi universelle, les convaincus ne parlent qu'aux convaincus et ne sont écoutés que d'eux.

Ceci dit, il est évident pour beaucoup de gens que les lignes ont bougé, dans la mesure où ce qui relevait hier du bon sens non-connoté politiquement est de nos jours le propre de chtourmfureurs violeurs d'enfants juifs par nuit de pleine lune (cet astre blanc auquel les ouacistes rendent un culte bien connu). Prenez les lignes qui suivent et tâchez de deviner les convictions profondes de qui les a écrites, il y a une quarantaine d'années :

Etant donné que l'intérêt général, c'est la culture pour tous, toute culture personnelle est un abominable privilège, une inégalité scandaleuse aristocratique, un intérêt particulier. Ouvrez les facultés aux inaptes et aux imbéciles, ils ont droit aux titres universitaires comme les autres. Abaissez les examens et les enseignements jusqu'au niveau du dernier, supprimez tout ce qui risque de différencier l'homme, diffusez la culture par la télévision et Paris-Match, il faut que chacun ait cette culture- et pas une autre, sans quoi il pourrait y avoir encore une différentiation. Tout le monde à l'école de la bêtification, qui sera en même temps celle de la béatification sociale. Ceux qui prétendraient que la culture est autre chose que ce qui est diffusé là, et que ce que la masse peut en tirer, représentent des intérêts particuliers et ne doivent pas par leur scandaleux égoïsme entraver la marche triomphante du progrès.

Rapprochez ce lexique brutal des récentes Black studies amerloques, des cours de hip-hop semi-obligatoires, de la destruction méthodique de la syntaxe et de l'orthographe, du bac-pour-tous hexagonal,  et dégustez le contraste.

L'auteur de ce qui précède est Jacques Ellul, gauchiste, chrétien, antifasciste (dans sa phénoménale Exégèse des nouveaux lieux communs, 1966).

Nous en sommes là.

Exposer des banalités équivaut à passer le portique d'une gendarmerie avec deux cartouchières croisées sur la bedaine. Sans le flingue qui va bien avec, bien sûr. Mais ça n'empêchera pas la famille Képi de vous abattre pour menace hypothétique de l'ordre public. 

SKYFORGER

19/11/2012

SALIR

Noenoeil payday, et payday parce qu'homophobe.

Logique.

La Bien-Pensance ricane et hoche la tête. L'énormité va de soi. La rumeur, basée sur pratiquement que dalle, peut être considérée a priori comme fondée, parce que morale : les faits allégués sont de nature à ridiculiser la cible, or la cible est démocratiquement haïssable, on peut donc affirmer n'importe quoi, sans aucun principe de précaution, sans vérification des sources, sans prudent recul, sans la retenue qui sied lorsqu'on discute de l'usage que les gens font de leur cul. Il est bon, nécessaire, Citoyen de salir JMLP.

Car l'intention de salissure est évidente, et elle est savoureuse.

N'importe quel blaireau de droite molle ou de gauche corruptrice, serait un payday refoulé ? Qu'est-ce qu'un bon démocrate progressiste en a à foutre ? De quoi me merde-je ? Quel serait le problème, quand bien même ça serait vrai ? Vous avez un souci avec la momosexualité, la Différence, la Diversitude ? Vachiste ! Fin de l'histoire.

Mais pas avec JMLP. Pas avec Jörg Haider, également visé à l'époque, si j'ai bonne souvenance, par de telles rumeurs soigneusement outées. Parce qu'avec des vachistes, le respect de la vie privée et le non-jugement des moeurs ne s'applique pas. Parce qu'avec des vachistes, les valeurs de teaulairence et d'ouverture perdent leur caractère sacré et inconditionnel. Parce qu'on peut, parce qu'on doit être vachiste avec les vachistes. Parce que des idées, des analyses, des comportements qu'on se serait interdit par dignité humaniste avec n'importe qui d'autre, deviennent tout à fait légitimes.

Que ces ragots soient propagés "à l'interne" par des concurrents de JMLP ou des habituels antifrontistes (le Foufington Post étant cité, on peut pencher plutôt pour la seconde hypothèse), c'est une assez mauvaise nouvelle pour les paydays politisés, parce que ça tend à démontrer que leurs moeurs ne sont finalement pas si banalisées, acceptées, respectées que cela. Que chez n'importe qui, paydayphiles de gauche y compris, les bons vieux réflexes, les instincts animaux ne sont jamais bien loin sous le vernis post-moderne.

18/11/2012

LA SAVEUR INCOMPARABLE DU BON SENS 100% PUR (vol. II)

(...) as a former public school teacher in Red Hook Brooklyn, I take a zero tolerance approach to anyone promoting any type of Black Rap music.The only good Rap Music singer is a dead Rap Music singer !

HIN HIN HIN

L'ironie est un réflexe de défense qui ne nous protège plus d'aucune compromission – si tant est que cette protection ait jamais été autre chose qu'une humiliante illusion. L'empire du Commerce ne nous demande pas de croire, uniquement de pratiquer, et comme il est omniprésent, ses prêtres se foutent bien de notre vernis d'incroyance. Ils tolèrent même, sous mine de s'en offusquer ça et là, quelques griffures de leurs reliques les plus sacrées – c'est ce qui explique qu'il existe des traductions françaises de South Park diffusées sur Mtv: si nos cauchemars sécuritaires et politiquement corrects étaient bien réels, Parker et Stone seraient traités comme Faurisson et Dieudonné. Mais un certain volume de grincements cynique fait partie de ce qu'on attend de l'intello moyen.

Il est commode, et d'autant plus tentant, de mettre tous ses ennemis dans le même sac. Aux antifas pour qui le capitalisme est un modèle colonialiste et sexiste, répondent les néo-fafs, selon qui l'ultralibéralisme nous condamne à la négrification et la féminisation. Tous ont partiellement raison, et c'est « partiellement » qui fait chier. L'hypothèse la plus probable est aussi la plus incapacitante : le système économique s'accommode de tout, et il n'est pas du tout exclu qu'on finisse par pouvoir acheter Mein Kampf à la Fnac – le cellophane hermétique et la préface d'avertissement de cinquante pages n'y changeront que dalle.

Une fois qu'il sera lui-même une minorité, le mâle hétérosexuel blanc en colère sera traité comme un segment du marché mondial et on lui fournira des livres sur l'héritage des celtes, des mangas glorifiant l'esthétique SS, des sonneries Horst Wessel Lied pour son Heil-Phone. On a fait le même coup aux punks et aux rappeurs. La controverse n'est pas nuisible au buisness, bien au contraire. Même les sous-chiens auront leur nonosse à ronger, on ne les en prive actuellement que pour aiguiser leur future soumission.

Quand vous crèverez assez la dalle, vous aussi vous ferez le beau et vous remuerez la queue.

On peut déjà considérer comme obsolètes toutes nos tentatives de déconstruire et railler les «contradictions» du discours de la Correction Politique, elle-même étant sur le déclin. Par «déclin», je n'entends pas « proche de sa fin », dans le sens où elle finirait bientôt par être renversée – on se réveille ! Je parle de la fin de son rôle actif, du chômage technique de ses Polit-Kommissars, de la même manière qu'on déterre un tuteur une fois qu'il a imprimé à l'arbre la droiture voulue. Cette droiture, c'est notre autocensure systématique, l'acceptation d'un lexique chargé de propagande globaliste, l'adoption d'attitudes fausses pour lubrifier nos relations sociales avec nos prétendus semblables.

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La régularité quasi-métronomique des mises à mort médiatiques pour «dérapage» (généralement, la victime fait partie des troupes d'élite de la décérébration, à quoi bon s'attaquer aux soit-disant dissidents ?) ne doit pas nous aveugler sur ce point : le mal est fait, le pli est pris, le conditionnement effectif, ne demeurent que des piqûres de rappel et des emplois fictifs de garde-chiourmes pour occuper des gens dont on n'a plus vraiment besoin.

C'est le quotidien de tous les syndicats, des ONG, des clubs où l'on croise inévitablement les mêmes dégaines à base de pulls à trous, de dreads tentaculaires, de mal-être souriant affiché comme une forme d'autodérision censée être plus franche et plus saine qu'une chimérique «hypocrisie bourgeoise» - comme si les deux étaient incompatibles, provenant de deux mondes inconciliables... La Coop et la Migros ennemies mortelles, Coca et Pepsi à couteaux tirés, le choix souverain de l'individu libre et conscient entre le fistage et l'encule...

Le relativisme implique fatalement une dose d'ironie obligatoire, déguisée en une conquête sociale, un droit arraché de haute lutte à un pouvoir caricatural, monolitique, puritain à l'ancienne. C'est l'équivalent négatif de la politesse de surface. Les blaireaux qui en sont encore à organiser des «Rire contre le ouacisme» ont quatorze trains de retard, de ce point de vue : l'avenir de l'humour Citoyen, ce sera «Rire AVEC le ouacisme», pour le dédramatiser, l'expliquer, le banaliser, lui retirer toute crédibilité, tout potentiel de subversion. C'est la conséquence logique, l'aboutissement cartésien de la médicalisation de la dissidence.

La mise en scène de la Diversité va connaître des records de délire leucophobe et de déni de réalité, mais ce ne sera que pur spectacle : aux manettes, il faudra quelqu'un qui sache conduire la loco, et avec les Everests de pognon en jeu, les Défavorisés n'en ont pas fini avec les joies du «Plafond de verre», sans lequel leur identité se résumerait effectivement aux couches superficielles de leur épiderme.

Plein-emploi garanti pour la gauche radicale, qu'on a convaincue d'abandonner toute idée de destruction du capitalisme pour encadrer le lumpen allogène – et qui, pendant qu'elle est accaparée par cette noble tâche, ne réfléchit pas trop à l'immense bite wallstreetienne qu'elle s'est prise dans le cul depuis des décennies – qu'elle aille «occuper» les trottoirs de ses maquereaux ne fait que souligner son rôle de pute malgré elle... Pour maintenir les réacs sous contrôle, fastoche, on a trouvé depuis longtemps de quoi les occuper avec l'épouvantail nazislamiste... Et pour les plus agités, on exhumera Le Quota pour en faire une interminable série « subversive » diffusée à minuit et quelques, qui lâchera quelques vérités ethno-sociales bien senties, histoire de donner à penser que «les gens se réveillent enfin»... 

Profitez, ricaneurs semi-pros ! Profitez un maximum du leurre d'une ironie « corrosive » qui vous mettrait à l'abri de quoique ce soit. La dérision systématique, c'est tout ce que vos descendants recevront en guise de culture. Le relativisme ambiant est encore mi-sinistre mi-béat, il sera bientôt trash, exhibo, graveleux, obscène, délibérément stupide, mélangeant tous les degrés imaginables de l'humour en une bouillie qu'on vous enfournera comme à des poupons attardés.

14/11/2012

IMMONDE CHANSON MAHOMETANOPHOBE


Bonus politkorrekt: Je suis pas ouaciste, j'écoute du métal japonais

11/11/2012

ITINERAIRE D'UN PARFAIT SALAUD - Souvenirs non ouacistes, vol.4

Je ne crois pas avoir ressenti les transes glacées de la Honte Blanche avant l'adolescence. Mais le travail de culpabilisation s'était fait bien en amont.

Premier souvenir directement lié : je dois avoir huit ans, peut-être moins. Refus de terminer mon assiette, dont le contenu me déplaît. Négociations familiales. Mère perd patience et me fourre sous le nez une pleine page A4 d'un magazine en couleur, L'Illustré je présume. S'y étale, de dos, la silhouette horrible d'un gamin Noir sur fond de désert beige. Les bras sont des allumettes. Son cul un cratère abominable. Ses jambes de vieux ceps carbonisés. Mange, il y en a qui ne mangent rien, là-bas, en Afrique. L'atroce vision me coupe l'appétit. Je vide mon assiette, me gavant avec terreur et dégoût.

* * *

Je ne serai pas exposé à spectacle comparable avant mon premier vaccin holocaustique - procédé consistant à inoculer de l'horreur à des gosses sous prétexte de prévenir des massacres commis par les arrière-grand-parents d'autres gosses, ailleurs, loin, en un temps où tout était en noir et blanc.

Lettrés, gauchistes modérés, mes parents ont dû se charger des premières injections, parce que je débarque à mon cours d'histoire ad hoc psychologiquement préparé à ce qui nous attend. Le prof, un sale con moustachu, malingre, adepte de la discipline par l'intimidation, n'a pas la même attitude sèche et cassante que d'habitude. Il affiche une sorte de retenue crispée, comme s'il voulait, pour une fois ! se mettre en retrait derrière son sujet. Il ne ménage pas ses efforts pour nous mettre dans l'ambiance ; ses effets sont sobres, mais l'intention théâtrale est évidente. Nous allons perdre un hymen mental dont nous ne soupçonnions carrément pas l'existence. Ce qui va suivre est très dur, les images sont choquantes, ceux qui veulent sortir le peuvent.

A la base, je ne veux pas sortir. Je veux voir les images horribles. Curiosité morbide. Défi de se mesurer à l'abominable. Candide se demande ce qui peut bien être si immonde. Défilent des images sans couleur de corps empilés, muscles et poils disparus. Bulldozers poussant une mêlée de bras, de jambes et de crânes dans des fosses géométriques. Silence dans la classe. Le choc esthétique est conséquent, mais je ne ressens pas la même violence que face au petit Africain décharné. La distance du noir et blanc, peut-être, qui rend tout irréel, partie d'un autre monde, singeant le nôtre. Le spectacle est dur, mais pas insoutenable.

Seulement je sens immédiatement que je ne peux pas rester assis. On a le droit de sortir ? Alors je vais sortir. Je dois montrer que je suis conscient de la dimension abjecte de ce qu'on nous montre. En sortant, je mets en scène cette conscience, je l'applique concrètement. Quelque part, je me désolidarise des gens qui ont commis ces massacres. Je suis encore loin, trèèèès loin d'en endosser ma part de responsabilité morale, parce qu'on ne m'a pas encore expliqué clairement que j'étais membre de la tribu des Exploiteurs-Esclavagistes-Genocideurs. Mais on n'aura pas besoin de trop insister : je suis déjà très réceptif à la culpabilité collective.

En me levant et en sortant - je suis le seul à le faire - j'éprouve quelque chose qu'il me faudra des années pour cerner. J'accomplis un acte juste. Je me porte volontaire pour une mission que je ne comprends pas, mais de la plus haute importance. Je m'engage. Je me désigne comme membre du camp du Bien. Normalement, n'auraient dû sortir que ceux qui ne pouvaient pas encaisser physiquement ces images projetées. En prenant la porte, je surjoue délibérément ma sensibilité, je mens, je me fous de la gueule du monde, mais c'estdans une excellente intention, c'est pour montrer à mes contemporains la Voie Juste, pour les inciter à la suivre. 

Les années qui suivront, je verrai des dizaines, des centaines d'intellectuels faire pareil dans des situations similaires. Il faut normalement une puissante odeur d'excrément, de vomi, de viande pourrie pour provoquer des vomissements. Mais les intellectuels du camp du Bien affectent d'avoir la nausée confrontés à des idées ou comportements ouacistes. La sensibilité de leur estomac, la délicatesse de leur odorat, sont des signes extérieurs de leur supériorité morale - comme des sommeliers capables de déceler dans un grand vin des nuances trop subtiles pour le dégustateur bourrin.

Ne pas pouvoir encaisser les aspects les plus déplaisants de l'existence est un signe que l'on est apte à donner des leçons de vie à n'importe qui de moins sensible. Ne pas pouvoir écouter un gag tendancieux démontre qu'on a un vrai sens de l'humour. Le pote d'un pote d'un pote d'un pote passe une cassette - sait-on seulement encore de quoi je cause - de chansons oï au cours de la soirée ? S'offusquer, tousser, gueuler : c'est ce que font les provocateurs, ceux qui ne reculent devant rien, ceux qui n'ont aucune limite, ceux qui savent comment et pourquoi l'on bouscule les conventions. Ca paraît contradictoire ? Ceux qui soulignent la prétendue contradiction sont des fascistes à mettre en quarantaine.

 

* * *


Cette attitude snobinarde, arrogante, sera la mienne pendant presque dix ans. 

 

Ce que les Inconnus caricaturent en 1989, c'est moi pendant une bonne moitié des années nonante, à tenter d'extorquer aux gens de ma classe des signatures pour des pétitions d'Amnesty International, dont j'ignore tout des bénéficiaires - mais pas grave ! C'est Amnesty, donc c'est sérieusement documenté, donc c'est de gauche, donc c'est moral.

Tout doit être évalué sous l'angle moral, et les détenteurs de la seule vraie moralité sont les gens du parti socialiste, du POP et de tous les groupuscules qui gravitent autour. Ils dégagent un enivrant parfum de subversion ET de justice, cocktail radical, l'équivalent du GHB sur l'esprit d'un ado curieux et énervé, qui le rend ouvert à toutes les manipulations.

Brave petit soldat se lance donc dans son imbécile, stérile et ridicule croisade personnelle pour moraliser son coin de canton de Vaud. Le ouacisme, c'est très important, il faut en parler tout le temps, être très vigilant, parce que sinon, c'est bulldozers, bras et crânes, trous rectangulaires. Ces images hantent toujours un coin de mon esprit. Elles et celles de l'esclavage des Noirs par les Blancs, bien sûr - moins violentes, moins omniprésentes, il faut faire un effort personnel de conscience et d'engagement pour bien d'imprégner de cette horreur-là, quelques grades inférieures à Ochouitze quand même...

Deux déménagements + un échec = trois collèges et quatre classes différentes. Dans chacune d'elles j'ai eu droit au Journal d'Anne Frank, lu, commenté et dûment hydraté à la glande lacrymale. Dont une fois en pièce de théâtre. Sur scène, c'est le moment où la famille Frank fête Hanoucca dans son cagibi secret. L'actrice du rôle titre s'immerge tant dans son personnage qu'elle verse des larmes. Ca ricane dans la salle. Odieux manque de respect. Scandale professoral, que je partage complètement. Comment peut-on ! Mais par contre, durant tout ce temps, exlavage, pas de masses de bouquins et d'étude sur le sujet... Il faudra encore quelques années pour qu'Amistad vienne corriger tout ça (La liste de Schindler était prioritaire).

Donc il ne faut pas se priver de combler soi-même ces lacunes de l'enseignement. En attirant par exemple l'attention sur le triste sort des Nouares en Europe, parmi nous autres salauds de leucodermes au pire hostiles, au mieux indifférents. Comment on fait ? Fastoche : quand on croise, dans les rayons d'un supermarché, un bronzé du service d'entretien en train de nettoyer quelque dégât sous l'oeil d'un chef pâle, afficher un sourire goguenard et prendre un ton désabusé pour dire quelque chose du genre : "Ah putain, c'est pas fini, l'esclavage". Surtout adopter un langage corporel qui montre bien que, nous, on est attentif à ce genre de détails, qui révèlent un profond malaise et une grave hypocrisie de la société occidentale prétendument libre et antiouaciste.

Traquer le détail qui tue partout. Par exemple : c'est bien choli d'être fan de Guns'N'Roses, mais avant de débourser cette énorme somme de trente balles pour un cédé, autant jeter un oeil à la pochette, hein ? Pour bien lire toutes les paroles, des fois qu'y aurait un  truc ouaciste dedans ! C'est qu'on s'est tenu au courant ! C'est qu'on sait que dans One in a million, y a les paroles qui disent "Police and niggers - that's right - get out of my way", et ça, Duchesse, c'est juste pas possible ! Alors tu imagines la satisfation, le soulagement intense, en étudiant ladite pochette, de découvrir, vautré parmi les chevelus pâlichons du line-up, une espèce de truc frisotté beige très clair qui, manifestement, peut officiellement passer pour pas-blanc ! Preuve indiscutable que le groupe n'est pas ouaciste ! On peut y aller, bonheur, allégresse et rockènerole. Ne pas oublier de faire passer un tel test à tous les alboumes qu'on aura le fric de se payer : faut qu'ils aient quelque part un sigle, un logo, un lyric, quelque chose qui montre clairement que le groupe est antiouaciste.

Est bon, lucide, intelligent, fréquentable, imitable, admirable, quiconque comprend la nécessité de veiller à la vigilance antiouaciste. Quiconque la nie, la minismie, relativise, s'en fout, rigole, s'intéresse à autre chose, est une andouille, un connard, un danger, un douteux, un nauséabond.

Les lignes sont claires. La mission limpide. Son confort moral superbe : faire chier, mettre aux gens le nez dans leur propre merde et en sortir plus moral qu'eux, plus social, plus conscientisé, plus exemplaire.

Ca aurait pu durer une vie. Ca aurait durer une vie. Et puis la jolie et absurde mécanique s'est pris quelques grains de sable dans les rouages.

A suivre...

LA QUESTION CULTURELLE DU DIMANCHE POUR EPATER VOS AMIS

Quelle chanson le groupe Queen a-t-il dédié explicitement aux campeurs vaudois ?

"Grille ton cervelas"

10/11/2012

LA SAVEUR INCOMPARABLE DU BON SENS 100% PUR

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Pro-life? Pro-choice? Pro-rape? As always, my thoughts on the subject are far more subtle and nuanced than everybody else’s, because everybody else is retarded.

I’m pro-life for white babies. Pro-abortion for everything else.