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26/02/2008

LOUDPIPES - "DOWNHILL BLUES"

 

Putain, enfin réussi à inclure une vidéo directement dans le corps du texte...

29/01/2008

ANAAL NATHRAKH - "HELL IS EMPTY AND ALL THE DEVILS ARE HERE"

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Pour qui Excalibur est un affreux navet guère plus évolué que Conan le Barbare, aucune raison de jeter une oreille même circonspecte à un groupe baptisé d’une citation archiconnue du Merlin guignolesque de John Boorman. On se dit que ça doit causer de casque à cornes ou de talismans, et qu’on a déjà assez donné de fric à Manowar quand on était damoiseau à poils longs.

 

 

Alors on classe l’affaire et comme on ne sait pas ce qu’on loupe, on ne souffre pas. Jusqu’au jour où, par un mélange de charité païenne et d’ennui insomniaque, on daigne laisser sa chance à Hell is empty, dont le titre est emprunté à la Tempête de Shakespear. Une demi-heure plus tard, on n’est pas loin de se flageller pour s’être arrêté à l’étiquette d’une gnôle aussi décapante.

 

 

Du grindcore irréprochablement construit, exécuté avec la rigueur d’un instructeur des Marines et qui sait conserver des rythmiques audibles autant que des mélodies accrocheuses ? Oui mon Général, ça existe ! Ça existe même depuis 1999 et de toute évidence, ça s’est foutrement bonifié avec les années, à l’instar de ces précieux nectars d’abbaye dont les lies accumulent de la patate dans leur bouteille. La cuvée 2007 offre un cru à déguster strictement entre amateurs éclairés, après avoir planqué tous les briquets qui traînent pour prévenir des pulsions irrépressibles de foutre le feu au quartier.

 

 

C’est qu’une tempête de flammes et de fumées toxiques serait un accompagnement nécessaire à une telle bande-son pour guerre civile. Dès l’intro d’une courte minute, on sent déjà qu’on va se farcir du costaud. Le son est ample, la cadence pesante comme une forteresse volante, deux notes criardes zigzaguent en guêpes folles au-dessus de cette masse qui s’avance. Puis sans la plus élémentaire sommation, c’est l’assaut qui est donné. Der Holle rache kocht in meinem herzen sonne une charge hystérique, où se mélangent déchirements d’œsophage et chœurs guerriers.

 

 

Le véritable exploit de ce skeud est de tout casser et de pousser la démence sonique et vocale à leur paroxysme tout en restant déchiffrable. La netteté des compositions, la précision ahurissante des partitions et la production cristalline offrent un écrin inespéré à un tel distillat de haine 100% pure. C’est à se demander comment on peut encore se concentrer sur un instrument quand on est pris d’une telle fureur d’anéantissement, comment on peut avoir encore le moindre égard pour l’auditeur tout en promettant l’extermination à tous les bipèdes du globe.

 

 

Si le niveau de brutalité ne baisse jamais d’un micropoil, chacun des titres repousse les limites du désordre organisé sans jamais déchoir dans le bordel inaudible auquel un Brutal Truth s’était trop souvent livré dans son ultime galette. Dans la névrose mitraillante de Virus Bomb ou de Sanction Extremis, on ne perd jamais le fil.

 

 

Le dénommé « Irrumator », assumant la charge délirante de toute l’instrumentation, fait preuve d’une maîtrise dans l’ingénierie du boucan qui fera date dans l’histoire. Quant à son comparse « V.I.T.R.I.O.L. », il passe des bruits purement animaux à des élans lyriques qui soulignent le massacre ambiant par un effet de contraste tout à fait scotchant.

 

 

Death, hardcore, grind, noise, chant clair et vibrant comme un appel aux armes, tous les registres du suicide vocal y passent sur fond d’ode à l’homicide planétaire conçu comme une forme d’art supérieure à toutes les autres. Rarement une citation biblique aura pu foutre hérétiques et fous de Dieu dans la même fosse commune : ce septième Lama Sabachthani, hurlement du Christ face au Père qui l’abandonne, c’est la révolte de l’enfant devenu homme par le viol originel de l’horreur, celle dont Céline disait qu’on pouvait rester puceau si longtemps.

 

 

Oui, en vérité, il n’y a plus personne en enfer en ce moment. Mais maintenant que nous avons ces trente minutes d’aliénation contrôlée, nous savons déjà que nous ne serons pas dépaysés quand viendra notre tour d’y faire notre place.

07/10/2007

STAY NEGATIVE

Que faire quand une gamine trop intelligente pour son âge apprécie Cradle of Filth mais ignore tout des Drab Four ? D'abord ne pas l'insulter. Ce n'est pas sa faute. On n'est jamais coupable de ne pas être correctement informée. Ensuite prendre le temps, au cours d'une de ces interminables bouffes belle-famillesques, de lui expliquer patiemment qu'elle est passée à côté des fondateurs du goth-metal, que c'est grave, mais pas sans espoir. Ensuite, quand on rentre, on prend son plus beau clavier et on lui tient à peu près ce langage :
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(...) D'abord, note cette URL, mine d'infos sur le groupe; l'organe officiel se trouve ici.

 

Passons en revue les skeuds de ces New-Yorkais particulièrement infréquentables.

 

21b1a6d1eb1a94c743f4b05bd139931e.jpgSlow, Deep and Hard est sorti en 1991, peu de temps après la fin des activités de Carnivore, ancien groupe du chanteur Peter Steele. Le trio donnait plutôt dans le hardcore bourrin, proche de la scène skin locale. Le premier album de Type O Negative ressent largement cette influence, avec des passages assez brutaux, un son cra-cra, et un chanteur qui pousse encore des gueulées plutôt rauques, loin des vocalises plus basses et sombres de la suite de sa carrière. D'un intérêt secondaire, à réserver pour les fans (moi j'aime beaucoup mais question de goût). Le morceau Glass Walls Of Limbo est le plus étrange et le plus froid du disque, un instrumental glacé rythmé par des bruits de chaînes (!) et hanté de choeurs à la limite du chant grégorien.

 

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La révélation internationale s'est produite avec Bloody Kisses, seconde galette du groupe. La musique prend un tour beaucoup plus sombre, et fonde le genre goth-métal, qui n'aurait tout simplement jamais existé sans T.O.N. L'orgue d'église devient omniprésent, parfois écrasant, parfois en accompagnement très second degré, le son est toujours immense mais le tempo se ralentit et l'atmosphère commence à sentir le cimetierre et les rites étranges. Il reste ça et là des influences punk mais l'ensemble pose les rails que le groupe va suivre pendant tout le reste de sa carrière. A noter le premier morceau véritablement goth (et interminable, bien dix minutes), avec la piste numéro 10, qui donne son nom à l'album.

 

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The Origin of Feces est un album-gag : un faux live, ouvertement présenté comme tel, et enregistré en studio avec comme public des potes du quatuor. Le but était de retranscrire, d'une manière humoristiques, toutes les emmerdes qu'ils avaient rencontré en concert. Pas de nouveau morceau, à part un Are you afraid ? très court et anecdotique. A écouter en dernier, par curiosité.

 

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Avec October Rust, le groupe affine définitivement son style. Les influences hardcore sont éliminées, ne reste qu'un gros son métal et des ambiances entre goth et new-wave. On trouve même un morceau presque dansant (je dis bien presque) avec My Girlfriend's Girlfriend, qui a pas mal tourné en clip à la téloche. Love you to Death et Be my druidess sont des classiques de l'inspiration T.O.N., par exemple. On trouve aussi des morceaux plus écrasants, plus ouvertement goths, comme Red Water, l'excellent Wolf Moon et le déprimant Haunted. Sans doute le meilleur album pour se familiariser avec l'ensemble de l'oeuvre.

 

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Un pas plus loin dans la noirceur et le désespoir : World Coming Down oscille entre humour macabre et odes à l'auto-destruction. Paradoxalement, on n'y trouve pas des titres aussi glauques que sur le précédent album, mais l'inspiration générale tourne autour de la mort et de la maladie. White Slavery est une merveille, Creepy Green Light une perfection d'équilibre entre rythme rock et ambiance gothique, World Coming Down est aussi très intense. D'autres morceaux sont plus décalés, comme le dernier titre qui est une reprise en un seul morceau de trois titres... des Beatles ! M. Steele est un inconditionnel des Anglais, il faut dire.

 

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Comme son nom l'indique vaguement, The Least Worst Of est une compilation. Aux deux tiers, des morceaux connus, extraits des précédents albums. Mais comme ils n'ont pas voulu arnaquer intégralement leur public, ils y ont rajouté quelques inédits, souvent des titres utilisés au cinéma. It's never enough, Stay out of my dreams, Black Rainbows sont des titres qui méritent une écoute. Il y a également une reprise très personnelle de Hey Joe, de Jimi Hendrix, sous le titre Hey Pete, où le chanteur parle de flinguer sa copine... ambiance... Autre rareté, Black Sabbath est une reprise du groupe anglais mythique du même nom, le premier à avoir mêlé des influences satanistes au rock de l'époque Led Zeppelin et Deep Purple.

 

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Life Is Killing Me reprend un peu l'ambiance de October Rust, mais il est nettement plus inégal. Un bon tiers des morceaux est chiant ou inutile et il faut vraiment être fan pour écouter de bout en bout. Le tempo s'est aussi accéléré et on ne trouve pas vraiment de morceaux lents et écrasants qui font la "patte" du groupe. On peut garder en mémoire les relativement rapides I Don't Wanna Be Me (avec un clip très décalé), i Like Goils et Angry Inch. Les pistes les plus goth sont Nettie et Anesthesia.

 

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Enfin, la toute dernière galette a été livrée en début d'année, sous le titre Dead Again. L'inspiration redevient punk-rock, tout en restant très mélodique avec le gros son désormais légendaire. L'ambiance est à une sorte de "pessimisme tonique", comme s'il fallait faire la fête avant l'Apocalypse. C'est couillu, énergique, enragé, et presque tous les morceaux ont une patate qu'on ne connaissait plus au gruope depuis le début de sa carrière. En tête de liste, Dead Agains, Tripping a Blind Man, Halloween in Heaven et Some Stupid Tomorrow. Changement d'ambiance musicale mais même inspiration sombre et désillusionnée. Personnellement, même si ce n'est pas forcément ce que j'attendais de T.O.N., je suis bien accro à l'album dans son ensemble. (...)

 

18/09/2007

POLTERGEIST IN THE MACHINE

Deux ou trois choses que je découvre récemment dans la veine électro crasseuse. Sympa pour la muscu, le sac de frappe ou faire des bas-reliefs avec la tête contre la tapisserie du salon.

 

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http://www.panzer-ag.com/site/

 

11/09/2007

CELEBRATION NOW, COME ON

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Si vous avez envie de commémorer quelque chose aujourd'hui, et si ce qu'il se passe à Manhattan vous en touche une sans faire bouger l'autre, pensez à allumer une bougie pour Arvo Pärt, né le 11 septembre 1935 en Estonie.

31/08/2007

SEX IS DEAD

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Aaaaaahhh putain de merde ! Des LUSTRES que je cherchais ce texte, disparu de mon ancien pécé en plein plantage fatal et définitif. Me souvenais même plus du titre. Pour les ceusses qui ne connaissent pas l'animal, Kenny Hickey officie en tant que gratteux et hurleur occasionnel chez TYPE O NEGATIVE, dont il va bien falloir que je vous parle un jour ou l'autre. Le lien ci-dessous conduit à un ensemble de nouvelles glauques et déglinguées, dont beaucoup puent le vécu à peine caricaturé. C'est sale, c'est désespéré, c'est incohérent, c'est une grande bouffée de pollution fraîche, quelques gouttes de Modernité pure. Après tout, le principe du vaccin, c'est de s'inoculer juste assez de poison pour être malade sans en mourir.

 

SEX IS DEAD

21/07/2007

STRAPPING YOUNG LAD

9a238d26f0d32304b723ba4bd1bd8414.jpgDes frontemen charismatiques, voire complètement mégalomanes, ce n’est pas forcément ce qui manque dans le milieu des groupes metalos. Mais j’ai eu beau fouiller dans ma culture musicale, je ne trouve pas vraiment d’exemple de formations dont la toute-puissance tienne à son chanteur.

 

Dans le meilleur des cas, c’est une alchimie entre un vocaliste aussi costaud que le son des musicosses, gratteux en tout premier lieu. Au pire, ça tient plus à la personnalité de l’intéressé qu’à l’étendue de sa palette vocale. Il est vrai que pour faire du bruit, pas besoin de suivre la méthode Alexander. Et pourtant, voici des extrémistes du metal qui ne seraient que très honorables sans l’apport capital du braillard-en-chef, également gratteux et pianiste, Devin Townsend.

 

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On l’avait découvert dans l’entourage de Steve Vai, au début des années 90, pour le lamentable album solo de l’imbouffable prodige, dans une veine hard-variète-crooner tout juste bonne pour agrémenter votre ascenseur préféré. Mais impossible de manquer, sous les arrangements grotesques et les compos ampoulées, l’organe et le souffle remarquable de ce jeune barjot, seul crâne poli parmi les tignasses glam.

 

Il n’est pas plus lyrique qu’Eric Adams (Manowar) ; il n’égale pas les gargarismes de Barney (Napalm Death) ni les expectorations de Glenn Benton (Deicide), ni les déchirures insanes de Seth Putnam (Anal Cunt). Il se situe plutôt à l’improbable croisée de ces trois manières de s’épuiser les cordes vocales.

 

Car l’animal est capable de tenir une note à la fois haut perchée, saturée et poussée à pleins poumons, un véritable triathlon qui confère aux morceaux une intensité tétanisante. Il oscille avec une aisance extravagante entre les hurlements grindcore, et le chant clair, chaud, immédiatement reconnaissable. Caractéristique supplémentaire, aucun cri ne semble être trop aigu pour lui, jusqu’aux sons les plus inhumains, façon gorge de hyène au dernier stade du polype.

 

Ces envolées impériales et hystériques à la fois survolent un univers sonore d’une rare compacité, où la lourdeur de Crowbar valse avec la déglingue de Nine Inch Nails ou l’impact ramassé du Pantera de Vulgar Display of Power. Contrepoint miraculeux à l’omnipotence du chant, les structures privilégient l’intensité et l’effet coup-de-boule, loin de l’obsession pour les mélodies le plus disharmoniques possible, qui rend si chiantes tant de productions extrêmes.

 

Ce qui rend possible cette simplicité volontaire ? Un son ENORME et d’une précision satanique, qui donne ses lettres de noblesse à l’idée de « frappe chirurgicale ». Les cavalcades débridées alternent avec des ambiances quasiment hardcore de par leur dépouillement, sans que la mélodie se fasse jamais submerger par un boucan désordonné. On ne trouve rien, ici, des gribouillages audio du grind traditionnel, où aucun tempo ni aucune structure n’est identifiable : chaque chanson a sa couleur propre, son moment de luminosité qui dresse les poils sur les bras.

 

Qu’on prenne, par exemple Love ? sur la dernière galette en date, Alien. Tout au long de ces 4’53’’ de brutalité sous pression, ce pur timbré passe des hurlements animaux à des psalmodies fragiles puis à des déclamations à pleins poumons, avec l’aisance et la précision d’un gymnaste médaillé or.

 

Je connais à ce jour trois productions du groupe : le susnommé Alien (2005) City (1998) et l’album éponyme sorti en 2003. Tenter d’en faire un classement serait un casse-tête niveau Morgenstern, tant le niveau se maintien dans la rage, l’inventivité, le taux de pied-au-cul moral que toutes contiennent invariablement. Chopez-les tous ou coulez-vous du goudron dans les tympans.

 

A la réflexion, faites subir ça à une cousine qui écoute du arènebi, en signe de deuil. Car oui, mes bien chers frères en voie d'extinction, le groupe a mis fin à ses activités en mai dernier.

28/06/2007

NE PAS OUBLIER

Un jour, il faudra que je vous parle de Monster Magnet et que je vous explique pourquoi ce qu'ils font depuis 1993 est absolument formidable, et indispensable depuis 1998. C'est une des musiques rock'n'roll contemporaines les plus sexuelles qui soient. Baiser avec un de leurs albums en sond sonore, c'est presque aussi bon qu'avec les Sisters. Mais là, pas trop d'inspiration musicologique. Va falloir vous faire une idée tous seuls (volez la musique, c'est pas pour les chiens) ou farfouiller dans vos antiques cédés si vous avez eu bon goût dans votre prime jeunesse

 

 

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La semaine prochaine, dans un registre moins érogène, faudra que je vous parle de Strapping Young Lad.

16/06/2007

KIT DE SURVIE MUSICALE DE LA ZONE GRISE - VOL. 1

C’est une chose que d’exposer la saloperie et la pestilence du rectum géant qu’est devenu la civilisation ex-européenne. C’en est une autre de trouver des moyens d’y survivre au quotidien sans se liquéfier moralement. Il faut dégotter des anti-berceuses, des petites choses infimes qui permettent de ne pas s’endormir les sens, d’entretenir sa colère comme un bastonneur fait travailler ses muscles entre deux combats. C’est que, comme le dit Horace je crois, elle est une courte folie, et dieu sait s’il nous en faut, de la folie durable et renouvelable, pour garder la niaque et le sourire en ces temps de défaite universelle. Chacun sa coke : la mienne se consomme par les oreilles. D’où cette nouvelle rubrique fourre-tout mais principalement musicale, si tant est qu’on puisse parler de musique à ce stade d’agression sonique.


 - UNSANE -

 

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Le trio nouyorkais est indissociable d’une imagerie gore qui confine à l’art contemporain, et bien des pochettes de ses albums trouveraient leur place facile dans une galerie à la fois hype et distraite de Manhattan. On est loin des références Heavy classiques à base de chasse au dragon, ou des poses BM avec hallebardes et égorgements de chatons. L’hémoglobine pure se répand sur un décor urbain cauchemardesque de dépouillement, si déshumanisé qu’il ne laisse plus de place qu’à la substance essentielle du bipède ordinaire. L’environnement naturel d’Unsane, c’est ce qu’il reste d’un accident de la route une fois que les débris de tôle et de viande ont été déblayés, quelques secondes avant que le coup de karsher municipal rende à nouveau le bitume présentable aux piétons. Dénuement et souffrance brute, l’étiquette annonce cash le contenu de la bouteille, comme pour les gnoles maison les moins éprouvantes.

 


A l’intérieur, on est confronté immédiatement à un univers sonore semblable. Ça pue le goudron, la rouille, les mégots, la moisissure et la solitude. Le son frappe par sa couleur clair-obscur, surtout au niveau de la saturation de la gratte. Un chroniqueur parle de « guitare étranglée » et c’est parfaitement vu : la Télécaster (une abomination pour jouer du métal gras, avec des bobinages rachitiques) en ressort ramassée, compacte, sous pression, chargée d’un impact sec qui compense amplement son manque d’abrasion. La basse gargantuesque se charge du reste, évoquant parfois les heures héroïques des premiers Motörhead. La force de frappe de la combinaison en est comme épurée, ramenée à son strict minimum, visant l’efficacité de l’impact sans l’élégance du geste, à l’image de la différence entre art martial et combat de rue.

 

Là où la saturation se montre impitoyable, c’est là où on ne l’attend pas : au niveau des vocaux – impossible de parler de « chant », même en torturant la licence poétique. La gorge de Chris Spencer est toujours à la limite de la rupture et il est difficile de savoir comment il tient le coup tout un concert, même en se gargarisant à l’huile industrielle. L’animal est de cette race particulière de braillards, à laquelle appartient notamment un Tom Araya : timbre quelconque, chaleur absente, mais il donne tout en bloc, sans les effets ni les raclements abyssaux. On est dans l’immédiat, le brut, bien loin des siclées de castrats façon Dani (C.O.F.) ou des grommellements plan-plan des clones de Napalm Death. On en retire une impression d’immédiateté, qui souligne encore le désespoir écorché de l’ensemble ;

 

Le tout est direct, carré, une version décharnée du hardcore, marqué par une hargne et un désespoir d’une radicalité sans équivalents. Sur Occupational Hazard, l’ultime piste Understand n’est qu’un long hurlement écrasé, l’ultime quinte de toux sanglante d’un homme qui hurle « Comprends moi ! » à un univers délibérément sourd, aveugle et con. C’est sans doute la composition du groupe qui résume le mieux le sentiment de perdition irrémédiable qui nous claque au museau quand l’alcool s’est dissipé, quand les slogans partisans se sont éteints en murmures pitoyables, quand tous les sacrifices consentis n’ont permis qu’un échec humiliant et une stagnation abjecte. C’est un hymne à la paralysie sociale, à l’isolement en cercle vicieux, et à toutes les déchirures internes qu’on n’a que le droit de trimballer en silence, parce que tous ceux qui nous entourent sont trop occupés à colmater leurs propres brèches pour prendre le risque de connaître les nôtres.

 

Au fil de leur discographie, les ingrédients de la recette ont évolué vers toujours plus de sobriété et de dépouillement. Très noise au départ, au point d’être parfois chiantes et difficiles à différencier, les compositions gagnent en maturité ce qu’elles perdent en ornements bruitistes superflus – à noter que leurs premiers singles et compiles semblent pratiquement impossibles à trouver à l’heure actuelle. Occupational Hazard était écrasant de puissance, le plus récent Blood Run approfondit cette veine ouverte à coups de dents avec la même détermination de rouleau compresseur. A retenir particulièrement pour une première écoute le bien nommé Hammered Out, martelage léviathanesque, et la cavalcade hystérique de D Train, qui donne envie de pogoter avec des crochets de boucher dans les mains.

 

En cet An de Grâce 2007, une nouvelle livraison de boucan est disponible dans les bacs sous le nom de Visqueen, à laquelle je viens de jeter une oreille de groupie critique. Le trio semble revenir à des formats plus noise-rock, moins éprouvants pour les esgourdes non-averties. Si les compos perdent quelque peu en patate et en démence suicidaire (on ne peut pas non plus passer sa vie à s'égorger à coups de micro, Henry Rollins vous l'expliquera mieux que moi), l'ambiance brut-de-décoffrage et mosh-pit en pleine morgue s'impose avec une vigueur inchangée. En fin d'album, on remarque la présence surprenante d'un éreintant titre indus de huit minutes, loin des habitudes minimalistes du groupe. Mention spéciale pour Against the Grain, qui commence sur des sonorités quasi psychobilly avant de s'orienter vers du HC massif, et This stops at the River pour sa sueur punk rock trépidante et son bottleneck ivre de sauvagerie.

 

http://www.theunsane.com/