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30/03/2007

DJ DOUDOU feat. MC RABBI JACOB - LE MEGAMIX

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Qu'est-ce qu'on se prend dans la gueule, ces jours-ci ! Un vrai régal ! Un festival de baffes, mieux que dans Astérix et les films de Bud Spencer ! Il y a quelques jours, c'était l'ami Doudou qui nous éclairait sur la "dynamique raciste" de la Suisse et "l'instrumentalisation" des peurs par l'Union Démocratique des Mangeurs d'Enfants Sans-Papier. Ce vendredi, c'est la Tribune de Kalvingrad qui nous révèle qu'un Suisse sur dix est rien moins qu'antisémite. Enfin sur 1030 sondés ça nous fait une petite centaine de mauvais citoyens, mais ne chipotons pas : marge d'erreur, méthode des quotas, tout cela est très sérieux et très scientifique. On ne s'attardera pas non plus sur le fait que "72% à penser qu'il n'y a pas d'influence juive sur les événements en Suisse", ce ne sont pas les bonnes nouvelles qui importent. La Suisse héberge des judéophobes et des anti-noirs, minoritaires ou pas, et c'est tout ce qui compte.

 

Pourquoi ne pas battre le fer tant qu'il rougoie encore si bellement ? Et si on se lançait dans une grande Mea CulParade ? Si on crevait enfin tous les abcès une fois pour toute ? C'est le printemps, merde ! L'époque des grands nettoyages ! Encore un effort, Helvètes de mes deux, si vous voulez être Citoyens du Monde ! J'empoigne mon baromètre social, mon meilleur stylo et je m'en vais te le sonder, moi, cet immeuble où je crêche et qui doit bien abriter au moins trois familles de gros fafs ! Résultats de mon enquête :

 

La Suisse est puritaine

 

Ma concierge avoue qu'elle aurait quelques crispations en apprenant que sa cadette se fait défoncer la rondelle par tout le quartier sur YouTube. Opinion rétrograde partagée par le quart des sondés (les trois quarts ne sont pas là l'après-midi, ne parlent pas le français ou refusent de m'ouvrir leur porte depuis qu'ils entendent du Slayer jour et nuit dans mon salon - marge d'erreur 3%), ce qui nous donne le chiffre effrayant de 25% de coincés sur le territoire national. L'industrie la plus rentable du web est menacée par cette vague de puritanisme. Sale mentalité protestante, va !

  

La Suisse est homophobe

 

Sous le couvert de l'anonymat, une écrasante majorité des sondés murmure qu'elle n'a pas protesté, le 23 février dernier, lorsque le Comité de la Lesbian & Gay Pride a décidé d'annuler ses festivités citoyennes à Fribourg l'été prochain. Le silence face à cette résignation apeurée est un aveu de complicité. A remarquer en plus que si les fenêtres se sont couvertes de drapeaux portugais, espagnols, italiens, voire suisses (le nationalisme de triste mémoire n'est jamais loin), à aucun jour de l'année un drapeau arc-en-ciel n'a été déployé chez aucun habitant. Nouvelle preuve de la haine sexuelle par omission.

 

La Suisse est misogyne

 

Le monsieur du troisième me fait goûter un marc distillé dans la région, qui déchire l'oesophage et convaincra tout mécréant que Dieu est un pochtron qui s'assume. "Un alcool d'homme", ricane l'odieux personnage en nous resservant une tournée.

29/03/2007

LA NAUSEE, MAIS PAS CELLE DE SARTRE

Le monde moderne provoque en celui qui l’observe une nausée bien différente de celle dont parlait Sartre en son temps. L’hideux stalinien résumait par ce terme l’élan frustré du militant, angoissé par le poids de sa mission historique. Celle que nous éprouvons se rapproche bien plus d’un véritable haut-le-cœur que d’un dépassement face à l’ampleur de la tâche révolutionnaire.

 

Conquérir notre place en ce monde et le façonner à notre image n’est plus à l’ordre du jour. La saleté, la décadence et la corruption ont atteint de tels sommets que l’évidence qui s’impose est toute autre – nous n’y avons tout simplement plus rien à y faire. La trouille paralysante qui nous envahit est celle du kamikaze confronté à l’imminence de sa propre mort, alors que ses généraux ont déjà signé l’armistice.

 

Tout ce que nous pouvons accomplir de salutaire pour l’Europe est tenter de saccager la décharge à ciel ouvert qu’elle est devenue. Y construire quoique ce soit n’a plus aucun sens, à moins d’accepter par avance l’échec et l’avortement. Le mot n’est pas trop fort, puisqu’il s’agit bien de nos mouflets avant tout. Donner naissance à des trisomiques ou des imbéciles irrécupérables est sans doute une bénédiction à l’heure actuelle : des enfants viables, autonomes, forts et lucides ne trouveront ici-bas que la désolation sociale, la misère spirituelle et une excellente raison par jour de boucler la ceinture d’explosifs. Nos descendants n’auront le choix qu’entre le statut de victime et celui de bombe humaine, avec la garantie qu’une atroce majorité n’aura ni le courage ni la décence de choisir la seule option honorable.

 

Ils vivront dans un monde où avoir deux parents vivant ensemble sera une bizarrerie, où les mères célibataires seront la norme et où avoir deux pères ou deux mères devra être considéré comme normal sous peine de poursuites. Ils seront familiers des viols en réunion avec filmage sur téléphone bien avant leur première relation consentante. Ils traverseront des rues où la jeunesse autochtone sera composée exclusivement de dread-loqueteux, d’androgynes pop-goths, de salopes revendiquant fièrement ce titre et de blaireaux à poubelles tunées. L’école leur apprendra à devenir des lopettes consuméristes et xénolâtres. Leurs ambitions se cantonneront à construire des cybercafés au Burkina, à faire une courte carrière dans la musique d’ascenseur, à revendre de la came à leurs prétendus potes ou à louer leur cul à l’empire ultralibéral.

 

Selon qu’ils se croiront de gauche ou de droite, ils se mettront au service des délocalisateurs d’entreprises ou des propagandistes du Lumpen. Leur univers se limitera toujours plus à des banlieues sordides, des mégapoles irrespirables, du bordel multiethnique sans âme, de la stupidité joyeusement assumée.

 

L’avènement de ce monde épouvantable n’est pas qu’une question de volonté, d’engagement, de résistance. Nous savons TOUS très bien que malgré tous nos efforts, c’est cette sale gueule-là que notre avenir aura. Même les plus optimistes d’entre nous, les plus hystériquement auto-endoctrinés, savent et sentent parfaitement que nous devrons ramper dans ce gigantesque collecteur d’égouts pendant des décennies. Même en admettant qu’une Révolution intégrale soit possible et qu’elle se produise durant notre courte vie, nous savons et sentons tous parfaitement que nous allons nous manger des hectolitres de chiasse avant que le moindre séisme politique et social se présente. Personne ne peut sincèrement s’en réjouir. Et pourtant il y en a pour sabler le Rimuss, déjà tout réjouis en reniflant le parfum des ruines à venir.

 

Ecoutez-les, ces prétendus pragmatiques, ces arrivistes refroidis, ces massacreurs encore embryonnaires, qui vous expliquent que ce n’est qu’une question de patience ! Comme quoi « quand les caddies seront vides », on va voir ce qu’on va voir. Comme quoi Monsieur Moyen se bougera le cul quand ledit cul sera si maigre que s’asseoir sur un banc lui fera mal. Comme quoi nos semblables finiront fatalement par se révolter à force de voir leurs fils rackettés, leurs filles violées une fois par semaines dans les caves du quartier, leurs parents insultés et molestés par les plus odieux bipèdes que l’enfer sous-développé ait jamais chié.

 

Ecoutez-les et voyez comme s’allume dans leurs yeux cette sale petite lumière sadique. Voyez leur confiance absolue dans leur capacité de survivre aux pires scenarii Mad Max, leur impatience d’arriver enfin au Grand Chaos, leurs mains qui se crispent déjà sur un fusil imaginaire. C’est que eux, n’est-ce pas, on ne la leur fait pas ! C’est qu’ils sont déjà des guerriers urbains accomplis, ma p’tite dame ! C’est que eux, ils n’auraient aucun problème à survivre à Bagdad ou à Kaboul ! Des bêtes de concours ! Des pitbulls qui marchent sur leurs pattes arrière ! Du vrai de vrai, du Viking contemporain !

 

Eux ne souffriront pas de tout ce merdier, que non. Ils seront bien à l’abri, indestructibles, inatteignables ! Leurs gamines ? Championnes de K1 à quatorze ans, et à l’écart de toute mauvaise fréquentation, même à l’école primaire ! Leurs parents ? Planqués à la campagne, dans un camp retranché où personne ne viendra les faire chier !  Le Grand Chaos, bien accommodant, il ne frappera que Les Autres, les lâches et les traîtres, les bobos et les bolchos, les déracinés urbains, toute la lie du peuple qui ne se sera pas rallié à leur blanc panache ! C’est comme ça, l’Histoire est magnanime, les Dieux sont avec nous, la Fortune sourit aux audacieux, et on n’aura que le boulot le plus agréable, à savoir l’épuration décontractée des saligauds miraculeusement rescapés de l’effondrement général.

 

Ce que de tels fantasmes traduisent, c’est une mentalité de charognards, de détrousseurs de cadavres, de profiteurs de charnier. Et ça se permet de faire la morale aux cannibales marxistes qui décimaient les populations au nom de la Liberté du Peuple. Allez vous poser des colles, après ça, sur le fait que tant de nos semblables nous considèrent comme des illuminés, porteurs d’aucun projet de société viable. Notre acharnement à leur donner d’aussi excellentes raisons de le penser a quelque chose de fascinant.

28/03/2007

LE ROCK EST MORT

R&F : Y a-t-il une pensée politique derrière le livre (1)?

Benoit Sabatier : La pensée politique part de ce paradoxe : je suis pour l'avènement d'un monde rock'n'roll. Il a eu lieu mais c'est plutôt le cauchemar. On voit Nagui à la télé : "Waow ! Trop rock'n'roll, j'ai invité le dernier groupe de rock trop bien, Coldplay.". C'est une catastrophe, il y a eu dégénérescence. Il y a 25 ans, le journal Libération faisait deux pages sur Alan Vega, il consacre à présent la même place à Carla Bruni. Dans cette histoire de la culture jeune, ça m'a intéressé de montrer que la politique ne vient pas de là où on s'y attend. Un personnage apolitique comme Ray Davies a une portée infiniment plus subversive que Bertrand Cantat. Kurt Cobain avait beaucoup plus de poids que Rage Against The Machine. (...)

 

Personnellement je trouve que la culture jeune, aujourd'hui, l'esprit "Brice de Nice", les gens de la mode qui n'ont que le mot rock'n'roll à la bouche, les baby-boomers qui pensent être dans le coup parce qu'ils écoutent leur iPod, c'est l'apocalypse. Christopher Lasch, Serge Daney et Lester Bangs avaient raison : l'angélisme du cool, c'est un cauchemar.

 

Rock & Folk, mars 2007, page 22-23.

 

(1) Benoît Sabatier, Nous sommes jeunes, nous sommes fiers - La Culture jeune d'Elvis à Myspace, Hachette.

LE CANCER MILITANT - PREMIER EXTRAIT

Dans la série Deux minutes de lucidité collective par jour :  

 

Alain Fleig, "Lutte de con et piège à classe", Penser/Stock 2, 1977 

 

Le cancer militant, comme la bourgeoisie dont il est un avatar rationaliste et moralisateur, n’aura cesse d’avoir tout dégradé, d’avoir tout falsifié, tout détourné. Seulement, le bonheur, ça ne se contente pas de signes. Tu peux en accumuler tous les symptômes. Bernique ! Tu seras encore plus malheureux. C’est comme la peinture, tout le monde peut bien barbouiller mais il n’empêche qu’on est doué ou pas. Un certain Pascal (Blaise) appelait ça la Grâce , hé hé ! pourquoi pas et si la révolution (la vraie) c’était aussi une forme de grâce ? S’il y avait des doués pour et des pas doués ? (...) Tous ces jeunes gens qui entrent en politique avec leurs angoisses sous le bras se foutent complètement dedans en imaginant que le groupe va se charger de leurs petits problèmes et les résoudre. Les autres ne peuvent rien pour nous, il faut avoir le courage de le dire une bonne fois. Ce que peut le groupe, c’est simplement coller un masque sur ton problème. (...) Ça t’exclut de toi-même en te donnant mauvaise conscience : il y a tellement plus malheureux que toi (le malheur quantifié) ça ne peut que te renvoyer ta propre image que tu représentes très vite en rôle. Milite ! Tu oublieras tes problèmes. Tu n’auras pas le temps d’y penser, d’ailleurs c’est une certitude : la solution est au bout du combat comme le pouvoir au bout du fusil. Si tu te sens seul dans ce monde agressif, viens chez nous il y a du feu, on refera le monde autour de la table, on est bien entre nous.

 

C’est le genre de rapport affectif démultiplié qui sévissait au début des fronts. Ça baignait dans la pseudo-tendresse, « chouette copain, chouette copine » ; « la révolution par le fait d’amour immodéré », on est tous beaux, on est tous gentils, on porte en nous la flamme de la révolution. Debout les damnés de la terre ! Tout le monde il va s’aimer, vous allez voir ce que vous allez voir. Un bide ! La chaleur elle est en toi ou elle n’est pas. La grande famille elle est glacée comme n’importe quelle structure. Ce que tu attends des autres ne peut être qu’en toi et ce que tu peux faire de mieux pour les autres, cher petit curé, c’est ce que tu peux faire de mieux pour toi.

 

Un peu de lucidité et d’ironie, que diable ! Cessons de nous complaire aux images d’Epinal. Cessons de répéter sempiternellement les mêmes rôles : le militant exhibant son prétendu savoir rouillé (rouilles encagées !) sa bonne conscience de curé, son obsession du petit chef, son obsession d’agir, sa volonté de jouissance trafiquée en volonté de pouvoir (il faut bien faire semblant d’avoir sur l’extérieur le pouvoir qu’on n’a pas sur soi-même), son éternelle hantise de ne pas être à la hauteur, d’être un bizut dans la hiérarchie de la marchandise révolution (...) qui se transforme en une frime quotidienne, frime du langage, frime du roulage d’épaule, frime de la défonce, chacun son petit personnage.

 

La volonté de paraître reflète le vide de l’existence. Survivre dans une peau d’emprunt parce qu’on n’arrive pas à vivre dans la sienne, c’est l’expropriation suprême. L’homme image, l’homme marxisé c’est l’individu exproprié de lui-même.

 

Vivre en squatter sur un groupe, ou une idéologie, se rassurer d’imaginaire, tout cela n’est qu’image de la consommation de rapports humains, consommation de sollicitude et de chaleur, signes extérieurs de la non-solitude, de la reconnaissance par les autres de ton petit personnage, de ta petite place dans le système, c’est au bout du compte subir le despotisme le plus violent, celui de l’anéantissement volontaire de l’individu, la terreur intériorisée.

 

Il n’y a rien à attendre de personne, flic, député, groupe, parti, famille, robot, idéologie, rien ne peut prendre en main ton destin à ta place. La seule aide qu’on puisse apporter aux autres, c’est d’être soi-même un individu responsable (de soi) et lucide, de refuser les recours et les rôles, les valeurs et les limites. Aucun groupe, aucun « isme » ne détient la « vérité », puisque chaque « isme » est représentation. (...)

 

L’activité militante ça a pour fonction sociale d’user l’énergie du désir refoulé, de la faire dépenser sans risque pour l’ordre établi, l’ordre de l’imaginaire. En ce sens le militantisme est le stade suprême de l’aliénation, un attrape-con génial qui retourne contre toi ta propre force, ta propre remise en question. Tu t’imagines prendre la parole alors qu’il s’agit en réalité de la confiscation de ta révolte et de ton cri par l’économie politique puisque celui qui résiste ne sait en fait contre quoi il résiste, celui qui conteste ne sais réellement contre quoi il conteste, bien qu’il soit évidemment persuadé du contraire par le discours scientifique, le code auquel il adhère aveuglément. Code d’autant plus efficace qu’il se nourrit de ce qu’il y a de plus authentique en chacun de nous : notre révolte.

 

Le militant est détenteur de la parole aliénée il est détenteur du « savoir absolu », il sait ce qu’il fait il sait où il va. Tout refus, tout instinct populaire, toute révolte si elle n’est nommée, si quelqu’un ne lui fixe pas un but, n’est qu’une chanson. Si dans ta révolte présente ça n’est pas l’ordre futur, l’Etat à venir qui parle tu es traître à ta classe, tu n’est qu’anarchiste, ou petit-bourgeois, l’ennemi à abattre. Le but seul importe : la prise de pouvoir. Rien au fond n’a changé depuis les jésuites, ça continue à fonctionner exactement sur le même mode : dans l’autorité du savoir, l’important c’est l’autorité, c’est l’efficacité du discours.

27/03/2007

VA FALLOIR QU'ON M'EXPLIQUE

Il paraît que cette banderole, déployée lors d'une partie de balle-au-pied entre mercenaires hexagonaux et joueurs lithuaniens, est "raciste". Brèves De Foot confirme que le terme est justifié. Ca choque beaucoup de monde. On murmure même que ne pas être choqué pourrait être un signe extérieur de complicité avec... euh ?  

...les terroristes ? Non, pas de bombes.

...les agresseurs ? Non, pas de victimes.

...les militants du Front National ? Non, pas de slogans politiques. Merde. Ca se complique.

... enfin disons de complicité avec les mauvais citoyens responsables de cet acte pas très black-friendly. Voilà.

 

Peindre l'Afrique aux couleurs de la République Française ? Je sais pas, mais étant donné que le français est parlé dans vingt-cinq pays de ce continent, ça pourrait être pris comme un hommage légitime. De nombreux pays africains sont également des Démocraties, ce qui fait une deuxième raison de les lier ainsi à la Patrie des Droits de l'Homme (amis machistes, dites "Droits Humains", vous marquerez des points avec les féminystériques.) Mais laissons ces broutilles et reportons-nous à ce monument de littérature populaire bien connu : le programme télé de la semaine.

On y lit que ce soir mardi 27 mars, nous aurons droit à un Théma spécial : "2030, le big band démographique." Au menu :

 

Dans 25 ans, la planète abritera huit milliards d'êtres humains. Cette explosion démographique va bouleverser la carte du monde : les migrants du sud et d'Asie pourraient devenir essentiels à la survie d'une Europe vieillissante. Experts et reportages brossent un état des lieux de la situation.

 

Les chenapans à l'origine de ce happening pictural n'avaient donc aucune mauvaise intention derrière la tête. Bien au contraire, ils ont compris que la Vieille Europe, crevant sous le poids de ses riches, gras et cyniques Seniors, ne pourra pas se passer de l'apport du sang neuf, vigoureux et créatif de l'autre bord de la Méditerranée. Cette banderole était leur manière candide, innocente et touchante, de déclarer que tous ceux qui ne sont pas encore "chez nous" y sont déjà considérés comme "chez eux." C'est noble, courageux, progressiste.

 

Liutauras Varanvicius, Président de la fédération lituanienne, a promis des sanctions exemplaires. Amis démocrates et footeux, vous DEVEZ intervenir et lui expliquer qu'il y a un horrible malentendu. Bien loin de devoir être punis, les supporters facétieux devraient tous recevoir gratuitement un bracelet Stand Up Speak Up. Tant il est vrai qu'effectivement, contrairement à d'autres, ils se sont levés et ont ouvert leur gueule pour saluer le brillant avenir qui nous attend.

DJ DOUDOU REPREZENT EN FORCE

La police suisse est fasciste. Les Africains de Suisse ont peur. L’UDC propage des idées racistes. Le gouvernement helvète traite le problème avec négligence. Il faut agir, et vite, parce que c’est un problème très grave. Comment ? En lançant un débat démocratique, en construisant un véritable multiculturalisme et en passant des lois strictes.

 

Celui qui dit cela n’est pas un obscur délégué de classe de second cycle. Ce n’est pas non plus un conseiller communal de centre-gauche après un coup de blanc superflu. C’est un « expert indépendant », payé par l’Organisation des Nations Unies, et qui s’est longuement baladé en Suisse avant de pondre vingt pauvres pages d’un rapport sur le sujet. Avec le paragraphe ci-dessus, vous vous épargnez bien vingt minutes de lecture fastidieuse, de verbiage insane et de réinvention de l’eau froide. C’est tout ça de plus à consacrer à des activités plus intelligentes et constructives, comme s’épiler les orteils ou compter les trains.

 

Monsieur Doudou Diène (on ne ricane pas, c’est vraiment son nom) n’a pourtant pas l’air d’être un farceur. Est-ce son fort élégant costume ? Sa calvitie raffinée de basketteur professionnel ? Quelque chose en lui inspire un respect instinctif, un peu comme on fait attention à ne pas marcher sur les pieds d’un aveugle ou à ne pas trop bousculer un vieux cardiaque. Seulement, quand il ouvre la bouche, ça ne va plus du tout. La façade de respectabilité s’effondre et, là où on croyait avoir un successeur de Senghor plein de dignité, on trouve un figurant pour clip de la Compagnie Créole.

 

Monsieur Diène ne se contente pas d’exposer la honte du régime d’Apartheid suisse. Il nous offre en plus plein de belles recommandations, qui se déclinent en de multiples « axes ». Et comme il colle aux tendances les plus hot, il nous les propose en slam, pas moins ! Pensez à installer RealPlayer pour savourer ce moment intense de poésie de la rue (cliquez sur "Les recommandations de Doudou Diène", dans la rubrique Audio à droite ; le lien direct ne fonctionne évidemment pas).

 

Evidemment, le numéro n’est pas encore tout à fait au point. Le stand-up est intéressant mais trop imprécis, trop brouillon ; il y a par exemple un gros effort à faire au niveau de l’articulation (on prononce « société », pas « sosté » ou « socié »). Et puis le sketch part un peu dans tous les sens. Pas sûr que ça cartonne au Chamelle Qu’on Médit Club.

 

On ne peut pas savoir tout faire. A la limite, DJ Doudou pourrait se contenter d’écrire les textes et les faire interpréter par d’autres ? Une carrière moins éclatante, loin des feux de la rampe et des adolescentes hystériques qui réclament des autographes sur le bas-ventre, certes… Mais bon, certains chanteurs n’ont été grands que parce qu’ils avaient d’excellents paroliers, et bien des dessinateurs n’auraient jamais percé sans un scénariste talentueux. L’art a ainsi besoin d’ouvriers de l’ombre, patients, méticuleux et désintéressés.

 

Aussi, nous recommandons à monsieur le Rapporteur spécial de continuer à nous amuser par son verbe déstructuré et ses trouvailles dadaïstes, mais de faire dorénavant déclamer ses productions par Michel Leeb ou par la doublure francophone d’Eddy Murphy. Leur diction est plus assurée, leur expérience plus grande et leur caricature de l’indigène beaucoup plus drôle que votre rôle de composition.

 

Comique, c’est un métier qui ne s’improvise pas.

 

 

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26/03/2007

DEDICACE CELINIENNE AUX NOCTAMBULES

<< L'insomnie légère ou tenace des intellectuels, l'insomnie essentielle, ne se présente pas tout à fait comme celle des autres sujets, des "manuels" par exemple. Le plus souvent, les intellectuels semblent prendre un certain goût pervers pour leur insomnie, il entre dans leur cas une forte participation de masochisme, de narcissisme... et pour tout dire de littérature consciente ou inconsciente. Ils finissent par n'aimer point qu'on leur reprenne leur insomnie. Ils veulent bien la soigner, certes, mais ils ne veulent pas tout à fait en guérir. D'ailleurs, en général, et moins que tout autre, l'intellectuel ne veut perdre la moindre chose de ce qui est lui-même, de sa chère signature, de son nom chéri, sa merveilleuse personnalité, et même son affreuse insomnie !

Ne point croire cependant que la souffrance de ne pas dormir est dans son cas feinte ou dérisoire! Nullement ! Mais il est ainsi fait l'intellectuel, ce malheureux, que tout ce qui lui arrive est l'occasion d'une rumination mentale plus ou moins formidable. Il n'en sort plus et ce qui est plus grave, il préfère, atrocement, n'en pas sortir ! Le voilà donc gentil et bien équipé par ces insomnies que nous voyons, devenues entièrement angoisses et terriblement conscientes, durer parfois toute une vie !...

A ce moment plus on l'imbibera d'hypnotiques, plus il s'acharnera à rechercher son insomnie à travers l'Hypnotique pour la préserver, "abominable et merveilleuse torture", de toute atténuation. Triomphal, il vous arrivera le lendemain du cachet, blème, tiré, suicidaire : "J'en ai pris deux, Docteur, et je n'ai pu fermer l'oeil! " C'est qu'il a vaincu l'Hypnotique ! Il a sauvé sa torture !  C'est un vicieux d'angoisse. Intellectuel = masochiste. Ne lui donnez pas de raison d'être malheureux en le traitant par des Hypnotiques ordinaires. Il les aime trop ses malheurs. Il les préfère en vérité à tout le reste de sa vie. L'intellectuel s'entraîne aux insomnies à coup d'Hypnotiques. Il arrive à la fin à retrouver son insomnie à travers n'importe quel barbiturique. (...) >>

 

Louis-Ferdinand Destouches, manuscrit inédit de février 1932, Hors-Série n°4 de Magazine Littéraire, 2002, page 51.

DISCRIMINATION SANS FRONTIERES

La démocratie, c'est quand même une bien belle chose. C'est le régime anti-privilèges par excellence. Egalitarisme à tous les étages ! Chacun a droit à la même portion de soupe ! Finis les prérogatives de classe, les rôles obligatoires, les rangs à tenir, les fonctions et avantages réservés à certaines élites méprisantes ! Tout se "démocratise" - même la Bête Immonde. 

 

Eh ouais, ce n'est plus seulement un truc de Blancs. Pas de raison qu'on garde ça pour nous autres Occidentaux égoïstes, après tout ! On savait déjà, depuis Dieudonné, qu'il existe des antisémites Africains. On savait aussi, avec Ahmadinejad, qu'il existe des "nazislamistes" qui veulent balancer des missiles sur Israël et qui ne rient pas aux sketches d'Elie Semoun. Tandis que le racisme pur jus, la bonne grosse Peur-de-la-Différence, c'est, comment dire ? Différent, justement. On pensait quand même que les Visages Pâles avaient quelques longueurs d'avance en la matière, sans concurrents sérieux face à des siècles d'expérience dans le domaine. On s'est gourrés. C'est le Bondy Blog qui nous dévoile ce scoop le 23 mars dernier:

 

[Comment des personnes d’origine étrangère peuvent-elles être racistes envers d’autres sur le territoire français ? Il est vrai qu’avec la France, les Chinois, ou plus généralement les asiatiques, ont une histoire moins importante que les Algériens, les noirs Africains, les juifs… C’est peut-être pour cela qu’ils se donnent le droit de se moquer de nous. Seulement, moi, quand je vois à la télévision des gens d’origine africaine se plaindre de racisme, je voudrais leur dire ceci : « Arrêtez de vous plaindre, si déjà vous arrêtiez de rire de nous, d’être racistes envers nous, et essayiez de nous respecter pour ce que nous sommes, alors peut-être que votre colère serait plus légitime »]

 

Purée de merde ! C'en est pas une, ça, de belle preuve d'intégration ? Les Nouveaux Français sont tellement Français qu'ils se comportent comme le Beauf' de Cabu ! Superbe assimilation ! On est presque au niveau du mimétisme ! Encore un effort et Zebda sortira une version raï de Maréchal Nous Voilà ! Ah, voir Jamel Debbouze crâne rasé en train de tendre le bras, quel fantasme ! Quel aboutissement ! Quelle communion nationale !

 

C'est sans doute un peu vache de railler comme ça l'innocence perdue de notre pauvre bondyblogueuse. Ca doit faire un choc, quand on se rend compte que la solidarité entre Victimes du Racisme Européen est, elle aussi, largement sous-développée. Ca doit angoisser pour l'avenir. Lutter contre l'extrême droite et l'intolérance, c'était une putain de bonne idée Citoyenne, quand même. Trouvez-moi une plus belle façon de dépasser les différences et de synergiser les cultures du monde ! Tous unis contre la sarkolepenblocherhaiderisation des esprits ! On aurait pu continuer comme ça pendant des lustres et recycler ad aeternam le sublime mot d'ordre de Jean-Sol Partre : "abattre un Européen, c’est faire d’une pierre deux coups, supprimer en même temps un oppresseur et un opprimé : restent un homme mort et un homme libre." La cible était claire, nette, indubitable. Un rêve de sniper paresseux.

 

Mais voilà, le Ventre Fécond nous a encore pondu un oeuf, et en plein dans les rangs de ses ennemis en plus, la garce ! On ne sait toujours pas comment, mais la Bête a trouvé le moyen de donner la haine des Etrangers... aux Etrangers eux-mêmes ! Plus sournois tu crèves ! Le facho n'est plus seulement flic, pilier de bistrot ou blanchette ordinaire : il est partout, sous les traits les plus inattendus. Personne n'est à l'abri.

 

Et paf ! un privilège de moins ! L'extrême prudence du langage, le soin maniaque des attitudes vis-à-vis de l'Autre, l'obsession de la justification antiraciste, toutes ces prérogatives des Faces-de-Craie sont en voie de démocratisation totale ! Voici venir la grande fraternité mondiale, où chacun est lié à son voisin par la peur de le choquer et qu'il nous foute un procès au cul. Un nouvel ordre mondial sous l'égide de l'Organisation des Angoisses Unies !

 

Oh bien sûr la donne ne changera pas de suite. Les habitudes ont la vie dure et l'épouvantail du bonehead à batte cloutée est loin d'être passé de mode. Mais il commence à flotter dans l'air un ravissant parfum de corruption, de désagrégation, d'effritement des évidences et des clichés pratiques. La bonne humeur United Colours et le joyeux Touche pas à mon Pote ont pris un sacré coup de vieux. Non seulement ledit Pote est peut-être un abominable salopard qui se gausse des Chinois, mais en plus vous avez déjà essayé de mélanger toutes les couleurs sur une palette ? Ca donne un brun qui rappelle certaines chemises de triste mémoire.

 

Ca doit être un signe.

25/03/2007

LA BELLE PENSEE PROFONDE DU DIMANCHE

[ In my experience, one of the secrets to being happy (and, I suspect, successful) in life is to never ever take yourself seriously. Otherwise you'll end up in some crappy metal band with a name like Six Inches of Bleeding Broken Death In Summer's Agony of Strife or something. You might even be the bassist.]

J. Jaques, (http://www.questionablecontent.net)

23/03/2007

PANIQUE CHEZ LES JEUNES RENTIERS DES "TRENTE GLORIEUSES"

Un nouveau lieu-commun (je dis nouveau, c’est relatif : pour ma part, ça ne fait pas longtemps que je le lis et l’entends ici et là) s’est bien répandu parmi l’opinion publique, repris tant par les sociologues agréés que par le vulgaire. Il est le plus souvent résumé en une proposition simple, qui veut que :

 

ma génération soit la première – depuis quand ? mystère – à ne pas pouvoir espérer vivre mieux que la précédente.

 

Grand-papa s’en sortait plus ou moins, Papa déjà mieux, Fiston-Fifille s’attendaient donc à poursuivre la courbe ascendante. Une bien belle érection économique, un nouvel étage à l’horizon dans la course rectiligne de notre vieil ami l’Ascenseur Social. Et puis paf ! La turgescence dégonfle. Voilà qu’il faut se faire à l’idée au mieux de stagner, au pire de régresser. Il paraît que ça traumatise, que ça angoisse quant à l’avenir, que ça pioche méchamment dans le moral des troupes.

 

On peut se demander qui  ça inquiète vraiment.

 

Les prêtres de la Croissance éternelle, du Développement Durable, c’est sûr que ça doit leur générer quelques sueurs poisseuses. La presse s’en fait tout naturellement l’écho, puisqu’une bonne partie de son activité consiste à entretenir la boulimie morbide du consommateur. Mais dans la tête de Monsieur Moyen ? Y a-t-il une telle panique ? C’est à voir.

 

Junior flippe pour son supplément de dessert....

 

 

Moyen Junior, ça le défrise, bien sûr. Il a eu le temps d’étudier le parcours du paternel et de ses contemporains. A 20 ans, Moyen Père ne savait pas plus que lui ce qu’il allait bien pouvoir foutre de sa vie. Sauf que ça lui était impérialement égal. Il pouvait se payer le luxe démentiel de ne pas s’en inquiéter : la finance manquait de bras, les multinationales enflaient comme des goitres, vendre du néant et faire du fric avec du vent devenait soudain très présentable, de même qu’avoir des dettes à ne plus savoir compter sur ses doigts. Il pouvait faire une formation de fleuriste et se faire embaucher dans une banque sans encombres. Le chômage ? Il savait que ça existait, mais on lui avait appris à classer ça dans la catégorie des cirrhoses et des maladies vénériennes : ces choses qui vous arrivent quand vous menez une vie de bâton de chaise. Les gens bien comme il faut, n’est-ce pas, ils sont à l’abri de ces petites misères.

 

Et puis surtout, Moyen Père avait eu le culot extrême de foutre un merdier épouvantable en 68, de lancer des pavés pleins de crachats dans la soupe qu’il allait touiller comme un seul homme un quart de siècle plus tard. Le dernier pavé à peine lancé, il savait déjà que ce serait bientôt les liasses de mille qui se mettraient à pleuvoir. Une jeunesse irresponsable, hystérique, réfractaire jusqu’à l’absurde, n’avait pas reçu ses factures naturelles : désocialisation, sous-jobs, accoutumances plus ou moins destructrices.

 

Plus d’une décennie à faire du hors-piste avant de passer le dernier obstacle et de gagner la course, sans se prendre un sapin, ni une crevasse, ni une avalanche sur le coin de la gueule. L’argent du beurre et la laitière en string dans une baignoire de crème.

 

Il ne faut pas forcément chercher plus loin le côté mécaniquement contestataire des enfants de Mai 68 : le bastringue de Papa a créé une véritable jurisprudence en matière de « droit à la révolte », qu’on peut invoquer et user même quand on n’a à combattre que des ennemis virtuels sur Second Life. Désormais, tout ce qui est jeune est considéré automatiquement « de gauche », à commencer par les porte-parole de la jeunesse elle-même.

 

 

 Voici donc Moyen Junior qui sort de l’adolescence avec devant lui un vrai circuit de grand huit : à la fois agité et confortable, délicieusement effrayant et sans danger. Il saute dans le wagonnet, avec en tête les photos de l’époque où son vieux avait fait de même. Il va s’en mettre jusqu’aux yeux. Il anticipe déjà les virages, les pirouettes, l’estomac qui tressaute, la gravité déglinguée, et la belle trinité goinfrée/biture/partouze qu’il va s’offrir quand ce défoulement sera fini. Mais au premier looping, on l’informe que les ceintures de sécurité sont en mousse et que le pilote est en vacances. Du coup le voyage lui paraît de suite moins émoustillant. Tu penses ! Pas de garantie d’arriver en un seul morceau, voire un risque réel d’y laisser des molaires et du cartilage.

 

... et son père angoisse pour ses couches antifuite 

 

Moyen Père, à quoi pense-t-il ? On ne lui demande pas vraiment son avis, à lui. Son moral n’est pas plus rose. A force de ne rien lui refuser – c’est fasciste et ça bousille son épanouillissement personnel -   son gamin lui aura coûté cher en jouets, en fringues de marque, en sorties, en études. Tant d’investissement pour une carrière chaotique de caissière, de pompiste ou de vendeur d’assurances par téléphone ? Ça fait quand même mal au sac ! Et puis il y a aussi un peu de calcul intéressé dans ses inquiétudes. Il sait que sa retraite risque d’avoir la même couleur que la routine professionnelle de sa progéniture, et vivre son grand âge à manger du riz sur un mobilier de récup’ ne l’enchante pas vraiment. La Bohème d’accord, mais sans la souplesse bourgeoise ? Moche, après une vie à mieux connaître les humeurs de son patron que le quotidien de sa famille. Si Junior ne se trouve pas « une belle situation », sur qui il pourra compter pour une maison de retraite qui ne soit pas parfumée à la pisse ?

 

De plus, comme disent les Angliches, on n’apprend pas de nouveaux tours à un vieux chien. Moyen Père a été éduqué dans le culte de la réussite, de l’effort récompensé, du mérite. Il ne va pas toujours jusqu’à accuser de flemme congénitale les chômeurs et les travailleurs pauvres. Mais il a une peine exceptionnelle à imaginer qu’une « mauvaise passe » puisse se prolonger et que Junior puisse retomber sur la tête plutôt que sur ses pattes. Tout doit finir par s’arranger et si la dèche persiste, c’est que Junior n’y met pas assez d’huile de coude. Après tout, il vit dans le système qui lui a permis, à lui, de s’en sortir relativement bien à condition de se sortir les pouces du cul.

 

Et puis, est-ce qu’on ne répète pas, aux infos, que la croissance reprend, que les investisseurs ont confiance, que les consommateurs sont assez rassurés pour s’endetter en jantes alu et en vacances all-inclusive ? Moyen Père mourra sans comprendre que les conditions de son bien-être ont entraîné structurellement la situation merdique de ses enfants, alors qu’elles étaient censées les protéger du besoin.

 

L'Histoire n'a pas de "sens"

 

Angoisses du père ou appréhensions du fils, qu’importe finalement. Toutes ont leur origine dans une même mythologie mongolienne.

 

Croire qu’on aura fatalement plus de fric et d’opportunités que nos parents, c’est faire un pari parfaitement imbécile sur l’avenir. C’est croire, en vrac, que l’Histoire a une direction, que la vie a un sens, que notre système économique et politique est une machine à produire toujours plus de richesses sans à-coups ni variations dans le flux de cash et de gadgets. La social-démocratie, réinventrice perpétuelle de la même eau tiède à disposition des masses, chacun son sachet individuel désinfecté et 10% généreusement offerts. Mais ni l’Histoire ni la vie n’ont aucun « sens », aucune direction obligatoire. C’est justement ça qui, depuis quelques millénaires, a fait le succès des idéologues, des prophètes et des vendeurs d’assurance : l’humain est une bestiole qui a un besoin atroce de certitude, dans un monde qui n’a que du brouillard et du doute à lui offrir. Putain de marché porteur !

 

Mentalité d’assistés, d’esclaves de la routine, de poulets en batterie, d’accords pour se faire découper le gésier à condition qu’il soit régulièrement farci avec exactement les mêmes rations tous les jours. Il y a quelque chose d’infantile dans cette frustration ridicule face à un avenir moins rose que prévu. Et si cette désillusion n’était qu’un simple passage à l’âge adulte, celui où accepte l’éventualité que tout n’ira pas comme on l’a prévu, et qu’il va falloir raquer pour se maintenir à flot ?