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19/05/2008

FAMILLES, JE VOUS MERDE

Le sinistre individu qui sévit dans l'oundergraounde métafaf sous le nom de "Landru" a pondu ce qui suit récemment. Comme ça m'a beaucoup plu, je publie. Je n'en suis pas sûr, mais il se peut qu'il vienne hanter ces pages d'une nuit sans lune à l'autre, alors insultez-le directement dans les commentaires s'il y lieu de le faire, et foutez-moi la paix, merci.

 

*  *  *

 

De toutes façons la famille est une source d' emmerdements, je ne parle pas de l'entourage immédiat, de filiation ou de fratrie, dont il faut bien s' accommoder et où le lien biologique l'emporte sur tout, mais de l'oncle du Poitou, du cousin inspecteur des Impots à Mont de Marsan ou de la belle fille de la tante de Jules, cousin par alliance de la grand-mère de la premier épouse de l'oncle Albert.

 

Des gens dont vous n'avez rien à faire, dont les gueules ne vous reviennent pas, au point qu'on est vexé d'avoir du sang commun, s'immiscent du jour au lendemain dans votre vie à la faveur d'un enterrement ou d'un mariage et, particulièrement s'ils vous ont vu tout nu à trois mois, s'autorisent à vous donner des conseils pour rater votre vie aussi bien qu'ils ont raté la leur. Sachez qu'ils n'hésiteront pas à vous taper si vous avez gagné au Loto, à vous squatter s'ils apprennent que vous avez un cabanon en Provence et qu'en contrepartie ils ne vous donneront jamais autre chose que leur bulletin de santé.

 

Il est rarissime que ce genre de débarquement soit une bonne surprise, une fois par hasard tous les vingt ou trentes connards, pimbêches, vieilles demoiselles aigries et autres passionnés d'automobile, vous découvrez le cousin par alliance ex-Capitaine de la Marine Marchande, bourlingueur plein d'histoires de bordels exotiques, franc buveur et érudit , qui vous mitonne un civet de lièvre en trois coups de cuiller à pot.  Mais, la plupart du temps, il faut se taper la meute des chiards hurleurs, tous plus morveux, laids et sournois les uns que les autres, les mamans surmenées qui parlent entre elles régimes et césariennes et un tas d'imbéciles mâles qui se croient obligés de vous entretenir de leurs médiocres trajectoires sociales tout en n'écoutant absolument pas vos réponses à leur questions stupides.

 

Evidemment si on ne connait rien en sport, pas grand chose en mécanique, que l'on est pas chasseur, qu'on déteste les supporters de Lens ou l'équipe de hockey de Bratislava, qu'on a déjà été en Grèce et pas en autocar, que les difficultés de l' exercice de la profession de pharmacien à Huelgoat vous nifle et qu'on n'a pas d'attraction particulière pour les histoires d'assureurs, les complaintes dermatolgiques, le parcours médical de l'agonique de service, les aventures de jeunes crétins embauchés tout frais dans une Mafia quelconque, de la finance ou de l'immobilier, et qui se la jouent petit soldat des grands prédateurs en vous toisant de haut comme le marginal que vous êtes, si tout ce zoo humain vous est indifférent, donc, eh bien il reste peu de sujets de conversation.

 

Une fois épuisées les variables météorologiques des dernières semaines, une fois qu'on a entendu la stupéfiante révélation qu'il faisait beau temps en Grèce quand il pleuvait à Huelgoat, il ne reste guère que la politique, du moins avec les mâles, car une discussion sur ce thème avec une femme est le moyen le plus sûr de devenir homosexuel en dix minutes et même de militer pour le dévelopement extra utérin du foetus.

 

Ce qui est marrant dans ce type de discussions de fin de banquet, c'est que tous les hommes présents sont d'accord sur les prémices. Tant qu'on en est au stade du constat général, à savoir que tout va mal, que le malade est malade et que ça ne peut plus durer, il y a consensus. Mais dès le diagnostic, les avis divergent profondément ; pour l'un tout les problemes de la France viennent du mauvais remboursement des médicaments contre l'eczéma, vérité finale qui vous est révélée entre deux grattages. L'autre vous assène que le seul obstacle à l'épanouissement du Pays est le régime fiscal des pharmaciens, spécialement ceux de Huelgoat, tandis qu'un autre maudissant les écologistes parisiens et les technocrates de Bruxelles, martèle que les dates d'ouverture de la tourterelle condamnent la Nation à un sort détestable .

 

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De l'autre coté de la table, une alliance se dessine entre les assureurs, furieux contre une clientèle qui se croit, sous l'influence des feuilletons américains, autorisée à prétendre à quelque indemnité après un sinistre de hasard, alors qu'elle devrait etre honorée de cotiser à un établissement aussi prestigieux que la Prudence Savoyarde en l' échange de beaux prospectus, et le groupe des jeunes cons de la finance bientot rejoint par le supporter de Lens.

 

A ce stade, toute tentative d' élever le débat vers des considérations moins corporatistes ne peut que se terminer par votre lynchage collectif , vous aurez la satisfaction de faire l'unanimité, ce qui est un exploit même si c'est contre vous et vous serez définitivement classé dans la catégorie des intellectuels dangereux plus ou moins fanatiques .

 

Si par hasard, toutefois, appuyé par le cousin de la Royale, qui lui est normal dans sa tête, vous arrivez à en placer une pour signifier que tout ce gentil monde de gaulois querelleurs va prendre le ciel sur la tête à l' échéance d'une génération faute d'etre capable de jeter leurs regards de myopes sur des aspects de la réalité autrement plus porteurs de nuées, tels que la démographie, la dette, le Sud ou la mondialisation, on vous regardera comme un oiseau de mauvais augure. Toutefois, il se peut qu'un barbu en forme de controleur de l'URSSAFF et deux binoclards que l'on avait pas entendus jusque là se joignent alors à la conversation. Craignez le pire, cette armée de réserve, c'est l'Ultra Gauche, aussi niaise que prompte à l'anathème, aussi encline à l'ostracisme que moralisante et vous êtes assis sur le fragile tabouret du malentendu.

 

Dès que l'on va s' apercevoir que votre évocation de la marée humaine qui guette à nos portes n'est pas de l'ordre de l'empathie sidérée par le tam-tam et de la fascination pour une punition collective bien méritée, vous serez civilement mort. Même le cousin marin ne vous suivra pas dans l'affrontement qui va suivre, trop agé, trop désabusé ou simplement peu soucieux de s'embarrasser d'une brouille pour les six mois qu'il lui restent à vivre.

 

C'est pourquoi je vous conseille de faire ce genre de coming-out complétement bourré. Vous n'en serez pas plus mal vu, si ce n'est par la partie féminine de l'assemblée qui sait de façon intuitive qu'un poivrot vaut moins cher encore sur le marché qu'un réactionnaire fasciste et raciste de surcroit.

 

Le lendemain, ne vous souvenant pas de tout, si ce n'est d'avoir traité le pharmacien de vieil enculé sarkozyste et d'avoir gerbé sur l'épouse du flic de l'URSSAFF, vous méditerez sous la couette sur les vertus de l' érémetisme, en attendant le café que votre nana ne vous fera pas, car elle n'est pas contente du tout que vous ayez pourri son tonton et dégueulé sur sa copine Jeanine.

 

Ca lui passera, comme votre mal de tete .

14/05/2008

" EN TEMPS DE PAIX, L'HOMME BELLIQUEUX SE FAIT LA GUERRE A LUI-MÊME "

Il n’y a pas chez nous de fascination pour la guerre et la violence en tant que telles. Combien de guerriers de comptoir qui ne sauraient pas se servir correctement d’une pétoire ou seraient tétanisés au moment de choisir entre leur peau et celle d’un autre ?

 

 

Passé un certain stade de rage, de frustration et de dégoût, la lassitude finit par l’emporter sur les élans d’explosion. Tournent encore sous le crâne des images floues de massacre, mais c’est à peine si l’insulte parvient encore à remonter jusqu’aux lèvres. Tout s’est figé, comme ces cristaux insoupçonnés qu’abritent parfois les pierres des montagnes où personne ne vient marcher.

 

 

Ce qu’il reste en nous d’attrait malsain et infantile pour l’univers martial, nous vient très simplement d’une complète absence de véritables rites de passage et d’occasions de prouver notre valeur. Il ne s’agit même pas de courir après le triomphe des obstacles et le vertige de la domination totale : c’est la recherche du crash-test, l’épreuve de force au premier sens du terme, voir si l’on sera brisé ou encore en un seul morceau. Or rien de tel autour de nous. Rien qu’une interminable succession d’intégrations foireuses à des chapelles sans âme.

 

 

Baigner dans l’aigreur d’une famille médiocrement dysfonctionnelle en tentant de préserver un peu d’innocence solide, histoire d’avoir quelque chose de beau à transmettre. Le formatage du malaxeur scolaire, où s’enseigne le désamour de tout effort et de toute connaissance. La rééducation permanente du monde de l’entreprise, où il faut rentrer comme d’autres s’échappent de prison, en creusant son tunnel à la petite cuillère, sans garantie de déboucher ailleurs que dans les égouts. Aligner les CDD affectifs fades qui assèchent votre capacité d’aimer, jusqu’à ce que l’un de ces contrats se transforme, sans trop qu’on sache comment, en un de ces ersatz de « foyer », exactement du type qu’on s’était juré de ne jamais reproduire.

 

 

Tout ça pour quoi ? Pour le droit de recommencer, et de dire merci, et d’assurer tout son entourage que rien ne pourrait aller mieux, qu’on s’est pleinement réalisé dans ce marigot poisseux. Des centaines de grammes de Valium, d’heures d’analyse, de kilomètres de jogging sur bitume pour meubler ces abysses où la Machine n’exige plus rien de nous, et où l’on se prend en pleine gueule la vacuité de nos heures de veille.

 

 

 

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Dans le travail à la chaîne abrutissant que sont devenues nos vies, même l’alternance entre souffrance et ennui est lente, molle, feutrée. Pas moyen de se réveiller en cognant les murs avec la tête : tout est capitonné et désinfecté. Nous moisissons sur pied, en attendant des choses auxquelles nous ne croyons même plus vraiment. Trouver un *bon* job *stable*, faire enfin des mouflets, vivre ailleurs que dans un clapier irrespirable ne fera pas passer ce goût de cendres dans la bouche, comme une salissure définitive.

 

 

Voilà comment le « Il vous faudrait une bonne guerre », tant raillé par les Jouisseurs Désentravés, fait son retour clandestin parmi nous. Il n’y a pas que le désir tout-puissant d’éparpiller à tous les vents la montagne de fumier qu’est cet Occident dégénéré, victimolâtre, enterré vivant sous les Wii-fit et les Iphone. Il y a aussi et surtout le terrible besoin d’être évalué sur d’autres critères que la rentabilité, par d’autres maîtres que des agences de placement, à travers d’autres épreuves que la résistance au sentiment d’inutilité et d’absurdité. En acceptant d’avance tout jugement : la délivrance de l’échec ultime à survivre aussi bien que l’écrabouillage orgasmique de n’importe quel ennemi officiel. Bouffer ou être bouffé. Mais pas continuer à moisir pour que dalle, en se shootant au désespoir pour oublier qu’il n’y a que la grisaille et un coma sans fin à espérer.

 

 

Alors il faut picoler, chercher la castagne avec les supporters d’en face, finir la nuit au poste, se fritter avec la flicaille aux grand-messes mondialistes, harceler les baleiniers, foutre le feu à des parkings, prêcher le jihad ou la guerre raciale – n’importe quoi pour retrouver quelques sensations animales pures et pour secouer les sens émoussés par le viol médiatique et idéologique permanent.

 

 

Automutilations de singes en cage.

02/05/2008

SHOULD I STAY OR SHOULD I GO

De prime abord, ça semble être un choix plus que cornélien.

 

Rentrer chez soi, où l'on est bien accueilli, à l'abri des discriminations, au soleil toute l'année mais où il n'y a pas forcément d'eau courante, où on règle les différends à coups de machette et où on soigne le sida avec du jus de fenouil...

 

Ou se faire sa place dans le Reich Sécuritaire Occidental, où tout le monde est raciste, où la police fasciste pratique officiellement le délit de sale gueule, mais où la blonde facile n'est vraiment pas regardante sur l'AOC du sex-toy humain temporaire, où les banques te prêtent volontiers de l'argent pour t'acheter un nouveau canapé et où l'autochone moyen s'excuse de crimes que ni lui ni ses grands-parents n'ont commis ?

 

Dur dur.

 

Mais en fin de compte, le choix semble assez vite fait.

 

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27/04/2008

LEGALISEZ-LES TOUS

Les Frères-Humains-fascistement-dépourvus-de-titre-de-séjour font la grève en Hexagonie. On peut ricaner un moment sur la pertinence de refuser de bosser quand on n'est pas censé avoir droit à du taff ni même être là, mais c'est assez vain, légaliste, centre-droite, et ça ne distrait pas très longtemps. Sur ces questions, seules deux positions sont dignes d'être soutenues et publiquement affichées : soit l'on s'en fout, impérialement, soit l'on est favorable à une régularisation massive tous les trimestres. C'est ça ou rien.

Les réalistes choisiront la première option, qui est la plus sage. Puisqu'il n'est pas de la compétence du peuple de choisir qui il veut ou non accueillir sur son sol, et puisque nos divers cornacs voient le métissage de masse d'un très bon oeil, qu'est-ce que ça peut nous foutre ? Avec ou sans sa médaille, vacciné ou grouillant de puces, c'est toujours le même clébard qui se promène dans le jeu de quilles, et que l’antispécisme nous interdit de chasser à coups de pierres. Rajoutez autant de caméras et de mosquitos que vous voudrez, imposez-lui des cours de français et de citoyennitude, et réveillez-moi dans quinze ans pour me confirmer que ça ne servait à que dalle.

D'un point de vue plus général, l'observateur qui ne s'embrume pas l'esprit avec des slogans ou des statistiques éprouve fatalement un sentiment difficile à cerner, lorsque se présentent à lui de prétendues "grandes questions sociales". Il se sent comme parachuté dans un mauvais film, ou au milieu d'une cérémonie new-age particulièrement bouffonne. En gros, il se demande ce qu'il fout là, pourquoi on lui demande un avis dont on ne tiendra pas vraiment compte, pourquoi on le somme de choisir entre sauce blanche et sauce piquante alors qu'il n'a pas envie de kebab à la base. En mâtant le téléjournal, en étudiant le matériel de vote, en causant politique avec des gens "sérieux et responsables", en écoutant les conversations autour du zinc, toujours et partout cette même sensation de débarquer dans un hôpital, où des infirmiers se battent pour établir le menu d'un patient déjà crevé.

Les optimistes choisiront la seconde option, plus aventureuse. Elle consiste à tabler sur l'aggravation de la situation, en espérant qu'un accroissement consécutif des flux migratoires finira par rendre ingérable, puis explosive, une situation où nous devenons fous sans rien pouvoir faire de décisif. La prophétie du Camp des Saints enfin accomplie sur Terre. Un Lampedusa continental. Un débordement si colossal des outils de régulation étatiques et économiques que l'apparence du calme et de la prospérité ne pourrait plus être maintenue - prélude à toutes les insurrections et sécessions imaginables.

On voit bien ce que ça a de romantique et de masturbatoire. La capacité du régime à dissoudre et recycler tout ce qui semble le menacer sape ces délicieuses rêveries. En 2008, les cent rafiots menés par le Calcutta Star ne provoqueraient aucun exode, pas la moindre révolte, et peut-être même aucun changement fondamental dans nos routines. Notre coin du monde blanc est mort depuis des lustres déjà. La visibilité croissante du communautarisme ne joue pas le rôle des métastases du continent, elle est le signe de son pourrissement et les Indigènes de la République se lèvent chaque matin en chantant son Requiem. Nous ne risquons plus rien : le pire est déjà fait, le point de non-retour est passé. Ce qui rend si difficile à admettre une telle réalité, c'est que nos malheurs n'en sont pas terminés pour autant, ils ne font au contraire que commencer. Nous n'en sommes qu'à la naissance des véritables Heures les plus sombres de notre histoire, les dernières.

Seule certitude : un durcissement, même radical, des politiques européennes en matière d’immigration ne serait pas une bonne nouvelle. Il n’y a rien à attendre d’un cristallisation de la situation présente. Un retour à la l’Ordre et une quasi-militarisation de la société pourrait calmer le phénomène racailles et les ardeurs artificières des fous d’Allah, sans doute. Et alors ? Abd al Malik ou Joey Starr comme beau-fils, je suis navré mais je ne vois pas la différence, et si vous la voyez, pensez à changer de fournisseur de coke. Il est absolument clair que tout Etat, même ouvertement identitaire, demeurera l’obstacle central à l’exercice de notre droit à disposer de nous-mêmes. Laissez donc piorner les Boniches sur les dernières clowneries électorales chez nos amis ritals : ce qui les chagrine n’a rien pour nous réjouir, malgré le petit plaisir qu’on peut retirer du spectacle de leur désolation.

Nous qui avons perdu pratiquement tout ce qui justifiait notre existence, tout ce qui lui donnait du sens, de la beauté et du goût, pourquoi diable nous syndiquer pour améliorer nos conditions de détention ? Il faut au contraire qu’elles deviennent intolérables, jusqu’à pourrir la vie de nos mâtons et gâcher le sommeil du directeur. Puisque la guerre ethnoculturelle est perdue avant d’avoir pu commencer, il n’y a plus qu’à pratiquer le sabotage systématique. Brûler la terre faute d’avoir pu la défendre, et sans espoir la reconquérir de notre vivant. Concrètement, il n’y a même pas grand-chose à faire, ce qui est bien pratique : le mécanisme d’autodestruction est en route, et les microbes qui nous dissolvent gagnent chaque jour en arrogance d’esclave révolté mais toujours honteux.

Tout ce qui peut nuire à cette Europe qui n’est plus la nôtre, est à saluer comme une divine surprise. 

 

04/04/2008

L'OCCIDENT, CA TROUE L'CUL

Mobilisons-nous tous et protégeons toutes ces belles choses que le monde nous envie contre la menace terroriste qui siffle sur nos têtes.

 

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23/03/2008

365 JOURS DE NAUSEE

Frères Humains,

 

Il y a exactement un an, l'idée stupide d'ouvrir un blog pour y déverser mes excédents de bile noire devenait une réalité. J'y étais venu à reculons, comme quand on doit chier alors qu'on a des hémorroïdes. Après plusieurs années à pondre de la propagande pour d'autres et dans l'espoir crétin d'être utile, je me décidais enfin à n'écrire plus que pour ma pomme et à faire mon coming-out nihiliste. Une manière de boucler officiellement une époque, de transformer mes anciennes idoles en Bonhommes Hiver. Une année particulièrement idiote et improductive à tous points de vue a rejoint les égoûts du temps et la flambée n'est toujours pas terminée. Je pensais que ça allait être un bon défouloir, c'est râpé. Il y a des rages contre lesquelles le seul vaccin efficace s'administre par canon scié. Et puis il y a aussi des enragés qui ne veulent pas vraiment être guéris, autant l'admettre.

 

A l'origine, en ce 23 mars 2007, je voulais publier un avertissement à l'usage des âmes pures tombant malencontreusement en ces pages malsaines, qui disait notamment ceci :

 

Il n’y a qu’une différence très fine entre un égout et une catacombe, la nuance n’est en fait qu’une question de perspective. Pour le citoyen Romain, un homme sain d’esprit n’avait aucune raison de rôder dans les sous-sols de la Cité  ; on y croisait que des rats et des chrétiens, deux parasites peu appétissants. Rats et chrétiens, au contraire, voyaient dans ces boyaux sordides de précieux refuges, loin des épurateurs et des empêcheurs de prier en rond. Question de point de vue et d’image du monde. 

Ce minuscule recoin de cyberespace sera à la fois ma catacombe et mon égout, un abri perso autant qu’un sac à gerbe sous la surface d’un Monde Moderne chaque jour plus insupportable. Ces lignes ne s’adressent à personne, comme une bouteille lancée dans les sables de la mer d’Aral. Quelques amis les liront peut-être, certains en comprendront une partie. Les curieux les plus gonflés feront peut-être quelques commentaires cyniques, pour me prouver qu’ils ont une haine et une bite plus grosses que les miennes. Les plus sages hausseront les épaules et passeront à autre chose. (...)

 

Pour finir, c'est resté dans mes tiroirs.

 

J'ignore ce qu'il va advenir de ce bleaugue durant les prochains mois. Il viendra bien un moment où j'aurai fait le tour de la question, dissequé jusqu'aux vertèbres la carcasse de notre civilisation, cartographié les ruines de la dissidence encore hantées par des spectres pittoresques ou affligeants, tartiné sans vergogne le spleen ordinaire du trentenaire sans passé ni avenir, et tout sera dit. C'est déjà largement le cas, parce que j'ai l'impression de répéter régulièrement les mêmes conneries, sénilité précoce. Mais cette routine de détestation méthodique n'est pas sans agrément. On devient vite accro. Et pour se défaire d'une dope, la meilleure cure consiste à passer à quelque chose de plus fort. Le temps viendra peut-être où écrire ne suffira plus. Il faudra donc faire des gamins ou suivre les traces de Kaczynski. Perpétuer l'espèce ou lui nuire plus activement. Peut-être ne faire ni l'un ni l'autre, en fin de compte, et se laisser paisiblement couler dans la mélasse ambiante. Mais choisit-on vraiment de devenir un cynique croyant et pratiquant ? J'en doute.

 

Si cet organe officiel du Parti de la Haine Mondiale dure encore quelques mois, il faudra que je m'attèle aux divers travaux de traduction qui prennent la poussière sur ce bureau, à commencer par les derniers chapitres de La Mort de l'Empire. Il y a aussi quelques bouquins que je veux mettre en ligne et qui sont en cours de recopiage (quand on n'a pas le scan, on a l'insomnie et la persévérance diabolique).

 

Non content de m'offrir un très élégant habillage, Frater Piotr a réalisé en un temps record une fresque d'anniversaire que vous pourrez déguster en cliquant sur la vignette ci-dessous, également de sa patte :

 

 

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31/12/2007

BONNES RESIGNATIONS

2007 aura farouchement pué du cul. Comme 2006, 2005, 2004, 2003, 2002, 2001 et 2000, mais avec quelques innovations dignes de consignation. La prochaine année risque de battre de nouveaux records. Autant s'y préparer en prenant quelques bonnes résignations.

 

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Pour les prochains douze mois, je promets de faire beaucoup d'efforts pour me résoudre à :

 

- accepter comme inévitable et normal l'effacement de toutes ces choses impalpables qui donnaient à notre ex-civilisation sa dignité, sa saveur et sa noblesse ;

 

- ne plus parler politique, sociologie ou philosophie avec les gens dits "normaux", qu'on reconnaît à leur capacité de vivre longtemps sans se poser de questions et à agir cyniquement tout en se croyant fort moraux ;

 

- faire un choix définitif et catégorique entre tentation d'autodestruction méthodique et discipline visant à maximiser les chances de survie, cela ne serait-ce que pour mourir un peu moins ridicule, puisqu'on meurt idiot de toute manière ;

 

- considérer les semi-échecs et la médiocrité constante comme des bases acceptables pour une vie d'adulte responsable, en des temps qui condamnent pareillement les losers flamboyants et les conquérants qui s'assument ;

 

- envisager sereinement l'éventualité préoccupante de faire des mouflets dans un monde sordide et auto-naufrageur, en s'interdisant d'avance de fonder sur eux la moindre espèce d'attente et en ne leur transmettant que la vie, sans aucun flambeau ni étendard ;

 

- continuer à brûler consciencieusement ce que j'ai adoré sans jamais adorer ce que j'ai brûlé.

 

11/12/2007

CAUCHEMARS DU MARCHEUR SOLITAIRE

Courses alimentaires. Excellente occasion d'enfiler des vêtements et de sortir à l'air libre. Ça fait un moment que je marche. La ferme n'est plus très loin. Encore quelques centaines de mètres parmi la boue et les cailloux. Les bruits de la route encore proche s'effacent. Il fait un temps dégueulasse.

 

« Dieu fait des images avec les nuages, la pluie fait des miroirs dans la boue »…

 

Des morceaux de plastique sale pendent aux branches d'un arbre à moitié pelé. Comme ces trois ou quatre dernières années, les feuilles ont résisté à l'hiver. La planète qui meurt en se réchauffant sans doute. Il fait d’ailleurs relativement doux. J'ai de la terre plein les frocs jusqu'au-dessus du genou.

 

La mélopée de la pluie et l’odeur discrète du sol détrempé isole l’esprit, on se retrouve face à soi-même. Occasion d’un rapide état des lieux, un bilan du chemin parcouru et des choses qui restent à faire. Je pense aux opportunités manquées jour après jour de changer de vie. Des mois à passer d’un petit boulot à un autre. Interminables semaines creuses, démarches improductives, harcèlement administratif, avenir bouché comme un intestin constipé.

 

Des lignes anonymes hantent ma caboche fébrile dans cet environnement ramené à ses basiques.

 

 

Je fais des rêves. Je suis un vagabond, et je sillonne une France presque vide, avec seulement quelques habitants, resserrés autour de quelques hameaux. Il s’est passé quelque chose, un genre de cataclysme. Je suis soulagé, libéré d’un poids.

 

 Il y a de très grand espace à parcourir. Il n’y a plus de villes, on parle seulement de ruines, lointaines, mais cela inspire le dégoût à tout le monde. La forêt a repoussé, un peu partout. Je sais qu’il y a un peuple de la forêt, maintenant, dont on parle en chuchotant ; il y a autour d’eux beaucoup de mystères. On parle de Dieux terribles, et d’idoles secrètes. Moi, je redresse des cairns, aux carrefours de chemins abandonnés.

 

 

Beauté brute de ces visions. En résonance absolue avec elles. Passer sa vie à marcher en solitaire. Propager la Bonne Parole de la désespérance complète aux gens croisés d’une vallée à l’autre. Un effort physique ininterrompu pour soutenir une purification spirituelle de fond en comble. Ascèse marathonienne. Particulier échangerait vie chiante et avilissante contre existence brève, simple et dure.

 

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Le chemin de Saint-Jacques longe une bonne partie du lac, dit-on. On croise ça et là de minuscules panneaux qui l’indiquent. La seule signalisation qui force le respect. Elle emplit le patriote casanier d’une rage indescriptible de se faire nomade professionnel. Trois décennies passer à flirter avec la folie, les NDE bon marché, et l’obsolescence économique la plus absolue ; ça devrait suffire pour que les trois prochaines soient consacrées exclusivement à faire l’aller-retour entre Appenzell et Compostelle, jusqu’à ce que corps et âme s’accordent pour accepter de se coucher à l’ombre d’un pin et de ne plus bouger.

 

C’est la seule option raisonnable et cohérente. Rejoindre cette minuscule famille des apatrides par dégoût de ce que leur terre est devenue. Faire sa propre Sécession comme un stand-up activist. Emporter avec soi des glands de ce chêne planté par le grand-père et les semer le long de la route, dans l’espoir qu’ils servent un jour à réchauffer une famille moins dégueulasse que les autres, ou à pendre une ordure qui le mérite. De toute sa vie, ne plus toucher un papier à en-tête, un ordinateur ou un téléphone. Devenir ce qu’on ne pensait jamais pouvoir être, pour éviter de ne rien devenir du tout, digéré par les tripes de notre Grand Nulle Part collectif, cette chose qui ose encore s’appeler une Civilisation quand elle se prend un avion sur le coin d’une tour jumelle. 

 

Il y a peu d’amertumes comparables à celle qui te prend quand tu passes à nouveau la porte de ton appart en te disant que ça n’arrivera jamais. Que cent microlâchetés te laisseront patauger à jamais dans la médiocrité desséchante d’un quotidien amorphe. Tu ne verras jamais Compostelle. Tu ne feras que des randos éparses sur les sommets les plus proches. Ton épitaphe parlera d’un type assis dans une gare, intarissable sur l’Orient-Express ou le Transsibérien, mais qui sera né et mort dans la même salle d’attente, la face gluée à la vitre.

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Retour aux factures en retard, au jeu de rôle perpétuel, aux stratégies d’évitement, aux contrats à durée extrêmement déterminée, aux interrogatoires de ceux qui se demandent si on fait exprès ou si on a reçu un sort, et pourquoi on s’échine à leur parler toujours des mêmes choses qui les ennuient ou les foutent mal à l’aise en société.

 

Retour aux casquettes, aux dreadlocks, au bling-bling, aux singeries sous-humaines présentées comme de l’art à la fois raffiné et rentable. Revoilà les cortèges de trahisons unilatérales, de reniement de soi, de déification de l’Autre, de dilution massive comme aboutissement nécessaire du Progrès.

 

Revoilà la pornographie de la marchandise, où on se sert de sa Visa comme Rocco de sa troisième jambe, et où les cadeaux de Noël à moins de cent balles gênent ceux qui ont encore le culot de les offrir. Revoilà les entassements de bipèdes, anxieux d’arriver en retard à des boulots de merde, de devoir attendre quarante-huit heures avant de s’endetter pour un Iphone, de trouver une crèche pour le petit dernier qui n’était pas vraiment prévu au programme.

 

Revoilà la crasse revendiquée, la stupidité assumée, la saloperie de luxe, qui te salissent en retour, qui te renvoient le reflet insoutenable de ta collaboration à l’effondrement général, de ton impuissance d’esclave satisfait à provoquer le moindre remous dans cette vase qui absorbe tes hurlements comme un mur antibruit.

09/12/2007

ALSO SPRACH TYLER DURDEN

Ce que dit Tyler, comme quoi nous sommes la merde et les esclaves de l’histoire, c’est exactement  ce que je ressentais. Je voulais détruire tout ce que je n’aurais jamais de beau. Brûler les forêts amazoniennes. Pomper es chlorofluocarbures droit vers le ciel pour gober tout l’ozone. Ouvrir les vannes des purges des superpétroliers et détacher les têtes des puits de pétrole en haute mer. Je voulais tuer tout le poisson que je ne pouvais me permettre de manger, et détruire sous les marées noires les plages françaises que je ne verrais jamais.

 

 

 

 

Je voulais voir le monde entier toucher le fond.

 

 

 

 

Ce que je voulais en pilonnant ce gamin, c’était en réalité coller une balle entre les deux yeux de tous les pandas qui refusaient de baiser pour sauver leur espèce en danger et de toutes les baleines ou dauphins qui renonçaient et venaient s’échouer sur la terre ferme.

 

 

 

 

Ne pensez pas à cela comme à l’extinction d’une espèce. Prenez cela comme une remise en place, toutes proportions retrouvées.

 

 

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Des milliers d’années durant, les êtres humains avaient baisé, déversé leurs ordures et leur merde sur cette planète, et aujourd’hui, l’histoire attendait de moi que je nettoie après le passage de tout le monde. Il faut que je lave et que je raplatisse mes boîtes de soupe. Et que je justifie chaque goutte d’huile moteur usagée.

 

 

 

 

Et il faut que je règle la note pour les déchets nucléaires et les réservoirs à essence enterrés et les boues toxiques étalées sur les champs d’épandage d’ordures une génération avant ma naissance. (...)

 

 

 

 

Je voulais respirer la fumée.

 

Les oiseaux et les biches sont un luxe stupide et tous les poissons devraient flotter.

 

Je voulais brûler le Louvre. Je me ferai les marbres Elgin à la masse et je m’essuierai le cul avec La Joconde. C ’est mon monde maintenant.

 

C’est mon monde, ici, mon monde, et tous ces gens anciens sont morts.

 

 

 

Chuck Palahniuk, Fight Club, Folio, p. 177

03/11/2007

PAS PIRE QU'HIER

Il y a d’excellentes raisons de dégueuler ses semblables à toutes les époques. Il faut,  paradoxalement, une bonne dose d’optimisme pour penser que celle où l’on vit est pire que les autres, qu’il s’y passe des abominations inédites de nos ancêtres ou qu’on y bat résolument des records en saloperie humaine.

 

Où il y a de l'humain, et plus particulièrement quand il s'entasse par milliers dans des villes toujours plus irrespirables, il y a de la crasse. Et rien ne nous permet vraiment de penser que la nôtre ait réellement atteint un summum en la matière, même si ça soulage de le hurler. Hélas, du moment qu'on a été engagé ne serait-ce qu'un jour dans sa vie, tirer ce constat tout bête mobilise une énergie démentielle. Je profite d'un de ces éclairs d'extra-lucidité pour pondre ceci, avant d'en renier des morceaux ça et là par habitude, par sectarisme, par épuisement moral ou par goût de la provoc' cheap.

 

On ne peut même pas faire confiance à l’explication par le facteur Décadence. La stabilité, la récurrence, l’obstination même dont font preuve les générations successives dans la misère culturelle et toutes les formes de bassesses imaginables, tout cela donne à penser qu’il y a quelque chose de pourri au royaume humain tout entier, dès les origines. D’où la puissance du concept de Péché Originel chez les cathos. D’où, plus largement, l’idée d’une race intemporelle de révolutionnaires qui naissent avec le dégoût des autres chevillé à l’âme, sans raison objective. Chaque rejeton de cette lignée vorace s’arrime aux travers propres à son temps pour exprimer avec cohérence cette rage de chamboulement et de destruction. 

 

Et tous auraient alors pareillement, systématiquement tort.

 

 

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Pourtant, la misanthropie semble aller à l’encontre de tout idéal, surtout s’il se base sur la culture native, son amour et sa défense. Vomir l’humanité et haïr en même temps ceux qui sapent telle ou telle civilisation ? Autant insulter le malpropre qui chie dans un égout, c’est pas plus contradictoire.

 

Il y a peut-être un impératif insoupçonné dans cette conviction que « tout va de pire en pire », qui suit les rebelles de l’Histoire comme la vermine colle aux basques des bâtisseurs de ville. C’est la condition sine qua non d’une rupture, d’un Grand Nettoyage, la peur qui donne les ailes indispensables à sauter des murs trop lisses pour être escaladés.

 

Mais les faits viennent toujours contredire cet espoir : rien ne se crée, surtout pas les vraies Révolutions. On peut, au mieux, s’y préparer, mais pas les construire, ni les contrôler, ni les faire arriver plus tôt que prévu.

 

Ce qui nous fait frémir d’horreur ici et maintenant n’est jamais qu’une rediffusion d’un succès éternel : la Comédie Humaine au premier sens du terme. Une farce jouée par des hommes, mettant en scène leur propre caricature mongolienne sans même forcer le trait. Hier comme aujourd’hui, les rengaines et les modes se basent sur les mêmes ingrédients. On veut à toute force les croire spécifiquement contemporains, parce que ça légitime notre opposition, et toute action entreprise à leur encontre. Bref, ça nous structure, ça nous raidit face à l’adversité molle et étouffante. Mais c’est du flan.

 

L’histoire de la Chute et du Péché Originel, c’est une tentative semi-réussie de donner un sens à cette dégueulasserie primordiale. C’est le seul mythe explicatif qui semble acceptable d’ailleurs. Mais le monde a toujours été dégueulasse, depuis le commencement.

 

Pour notre malheur, avec les moyens de communications modernes et l’avancement constant des connaissances, on peut s’en rendre compte plus vite que nos anciens. Il fallait une vie entière aux plus clairvoyants d’entre eux pour en prendre conscience. Et dans l’intervalle, ils pouvaient aussi développer la sagesse et le recul suffisants pour ne plus en avoir rien à secouer. Pour le reste des abrutis, une lucidité réduite par les impératifs de la survie et par la contagion remarquable de la connerie les mettait à l’abri des réalités ; ils pouvaient, comme le peuvent encore beaucoup de nos contemporains, diviser le monde en catégories sympathiques ou abjectes, entretenir des croyances, des espoirs, des idéaux.

 

Pour nous autres modernes, c’est pratiquement impossible. On ne retourne à la passion que par distraction, soumis à l’impératif biologique de survie qui a recours jusqu’au rêve éveillé pour maintenir la machine en état de marche. On n’y croit plus que parce qu’on éprouve un suprême instinct qui nous y force – parce que nous sommes conscients que le deal c’est « Rêve ou crève ». Et il se peut bien que cette brève période entre le cynisme tranquille de l’enfance et la désillusion fatiguée de l’âge avancé, ce temps où on trouve une énergie surprenante pour lancer mille projets imbéciles et s’engager dans des croisades ineptes, ne soit justement qu’un interminable rêve. Un tunnel qu’on emprunte entre deux éblouissantes lumières, celle de l’innocence précédant celle de la libération du corps.

 

 

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Un gosse survit aux pires tortures ; un ancien vit sa routine malgré le poids de crimes inexpiables ; il n’y a que l’adulte qui soit véritablement fragile, faillible. C’est parce que toute sa vie se déroule le long de ce tunnel irréel, où on s’amuse à croire que les ombres sont la vraie vie. Percer leur mensonge à jour ne fait que rajouter à l’horreur de notre sort, sans nous permettre d’y échapper et sans en alléger le poids que par flashes irréguliers, cuite d’un soir, amour inattendu, victoire improbable et divines surprises en tous genres.

 

Tant de choses qui semblent des maux propres à notre époque ne sont donc finalement que des remakes vaguement au goût du jour. Ça ne les rend pas moins insupportables mais on a de suite moins d’énergie à leur consacrer. C’est que, pour combattre quelque chose, il faut hélas avoir le sentiment que la menace est à la fois extraordinaire et inédite, que l’affront dépasse les bornes, que nos limites les plus élémentaires sont violées.

 

L’ennui, c’est qu’il est parfaitement banal d’être confronté à des choses inadmissibles, au cours d’une vie ordinaire. Ça fait partie du cahier des charges qu’on reçoit tous à la naissance. On en est donc réduit, la moitié du temps, à mentir pour se permettre d’agir, et le reste du temps à tomber dans la lâcheté pour respecter la vérité. Il doit pourtant bien y avoir une possibilité de moyen terme. Elle consiste sans doute à se prendre délibérément au jeu, tout en sachant que ce n’est qu’un jeu, justement.

21/10/2007

CIORAN ET LA VOLONTE D'ETRE STUPIDE

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" Une société est condamnée quand elle n'a plus la force d'être bornée. Comment, avec un esprit ouvert, trop ouvert, se garantirait-elle des excès, des risques mortels de la liberté ? "

 

De l'inconvénient d'être né

 

 

" L'avenir appartient à la banlieue du globe. "

 

" Un minimum d'inconscience est nécessaire si l'on veut se maintenir dans l'histoire. Agir est une chose ; savoir que l'on agit en est une autre. Quand la clairvoyance investit l'acte et s'y insinue, l'acte se défait, et avec lui, le préjugé, dont la fonction consiste précisément à subordonner, à asservir la conscience à l'acte... Celui qui démasque ses fictions, renonce à ses ressorts, et comme à soi-même. Aussi en acceptera-t-il d'autres qui ne nieront, puisqu'elles n'auront pas surgi de son fonds. Nul être soucieux de son équilibre ne devrait dépasser un certain degré de lucifité et d'analyse. Combien cela est plus vrai d'une civilisation, laquelle vacille pour peu qu'elle dénonce les erreurs qui lui permirent sa croissance et son éclat, pour peu qu'elle mette en question ses vérités ! On n'abuse pas sans risque de la faculté de douter. "

 

 La tentation d'exister

10/10/2007

... " ET IL M'A SEMBLE QUE, DURANT TOUTE MA VIE, J'AVAIS ETE UN IMBECILE "...

da7f713552d604bb5598d21c4708d679.jpgNous sommes étonnamment bien châtrés. Ainsi, sommes-nous enfin libres. On nous a coupé les bras et les jambes, puis on nous a laissé libres de marcher.

28/09/2007

"PARFOIS, DANS NOTRE NUIT..."

Aujourd’hui, les fées viennent à domicile. A peine né, on est démarché. L’inondation de tout ce qui se vend a brisé les portes de nos maisons, et elle gronde et elle clapote tout autour de nous. Mais elle a remplacé le père, elle nous enseigne. Elle nous enseigne à sa manière.

 

Le père nous emmenait avec lui et il nous montrait chaque objet un par un, nous disait ce qu’il fallait en savoir et nous en rendait maître. La publicité montre, elle fait une vitrine, elle est une perpétuelle vitrine, elle transporte le grand magasin chez nous. Elle ne nous explique rien, elle ne nous rend maîtres de rien, mais elle dénombre et fait chatoyer. Elle a le geste du marchand et de la courtisane. Nous sommes entourés de courtisanes à notre berceau. Et par là, nous sentons d’abord notre impuissance et nous baignons dans le mensonge.

 

Nous ne sommes plus comme autrefois les maîtres des objets que nous savions faire de nos mains, la courtisane nous raconte ce qu’elle veut, nous savons seulement que nous payons : et nous avons en échange des milliers d’objets étranges, toujours merveilleux au sens de la fable, c'est-à-dire étrangers à nous et produisant des miracles.

 

Et nous avons besoin de ces objets : la publicité est là pour cela, elle crée des besoins en nous. Nous nous empoisonnons de cet alcool, nous vivons de cette drogue et nous ne pouvons plus nous en passer. Nous ne savons plus faire du feu avec des pierres, cuire notre pain, nous nourrir des bêtes que nous avons tuées, bâtir notre cabane avec les arbres de la forêt. Nous ne savons plus rien sur ce qui fit la puissance de l’homme sur les choses et aussi sa liberté. Notre passion du camping est une protestation de l’espèce, c’est l’homme qui se réveille. Car le monde moderne fait de nous des drogués et des esclaves. Il nous fait dépendre.

 

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Nous dépendons, par nos besoins aussi bien que par notre impuissance, de toute cette énorme machine qui nous écrase et qui nous abrutit en même temps de ses délices. Une paille dans l’acier de cette mécanique et des centaines de milliers d’hommes n’ont plus ni pain ni eau. La collectivité des hommes est engluée comme une pâte et nul ne peut faire un mouvement. La machine à vendre brasse cette pâte dans un pétrin colossal.

 

Le blé baisse à Winnipeg, cela veut dire que votre récolte ne se vendra pas bien. Le cuivre monte à Pretoria, cela veut dire que vos avoines vous reviendront plus cher. L’empire de l’argent nous ligote de mille liens invisibles et mille correspondances imperceptibles. Et cette pâte humaine toute engluée n’a plus que des mouvements instinctifs et désordonnés de convoitise. (...)

 

Nous ne sommes plus maîtres de nos goûts, nous ne sommes plus maîtres de nos vies. Des centaines de milliers d’hommes ont la même salle à manger affreuse, le même poste de T.S.F. abrutissant, les mêmes passe-temps monotones, les mêmes vices médiocres, les mêmes envies aigres, les mêmes rêves préfabriqués, le même esclavage. On leur a volé leur âme et ils ne le savent pas. On les a travaillés comme une terre, à leur insu, on les a bien labourés et ils rapportent. Ils figurent en bonne place sur les statistiques de consommation. Mais pour cela, pour qu’ils deviennent des clients réguliers, fidèles, de bons et sûrs éléments de la statistique commerciale, naturellement il a fallu les « fabriquer » un petit peu.

 

 

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Le but de la publicité et l’essence des régimes modernes est un perpétuel modelage de l’âme. Nous sommes dans un état de rééducation constante. Cet affreux mot de « civilisation » désigne cette chirurgie esthétique qu’on accomplit patiemment, inlassablement sur nos cervelles. On fait de nous des « civils » exactement comme à la caserne on fait des militaires. le métier de civil comporte lui aussi, sans que nous nous en doutions, la capote boutonnée à droite ou à gauche, la jugulaire et les godillots. Nous portons tous l’uniforme de civilisés.

 

Le nombre de sottises, de vices, de préjugés, de mensonges que nous avons dans notre paquetage dépasse tout ce qu’on peut imaginer. Ce qui est triste, c’est que nous en sommes fiers. Ployant sous ce fumier, nous avançons avec la fierté d’un âne chargé de reliques. Nous crevons sous un gigantesque bât de verroteries. Nos âmes rendent une sorte de son fêlé, elles exhalent une voix étrange, mal posée, inquiétante, comme celle de ces infirmes qu’on regarde avec gêne. Mais nous ne l’entendons pas.

 

Par moments, dans notre nuit, il y a un craquement de lumière. Nous apercevons un court instant l’âcre fumée de ce tas d’immondices sur lequel nous vivons sans nous lamenter. Tu criais, vieux Job ! Nous, nous dormons sur notre fumier. Et nous y attendons paisiblement la mort. Et nous croyons avoir vécu !

 

 

Bardèche, Les temps modernes, 1956

18/09/2007

QUINZE MINUTES DE LUCIDITE PAR MOIS

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Il manque un "temps" à la description que Schopenhauer fait de l'absurde parcours humain. Entre souffrance et ennui, il y a aussi ce mélange poisseux d'oubli et d'espérance qui nous emprunter perpétuellement les mêmes aiguillages déraillés. On croit avoir fait le tour de la question, ne plus rien attendre des hommes, mépriser sereinement toute agitation contemporaine - et on retombe à chaque coup dans une nouvelle arnaque, comme un shooté qui se fait jour après jour son dernier fix.

 

Quand on dit, même pour plaisanter, que L'Espoir Fait Vivre, on ne se rend pas compte à quel point on énonce une loi quasi biologique. C'est tout simplement que l'espoir ne dépend même pas de notre libre arbitre. Espoir et respiration, kif-kif : tu peux te retenir quelques secondes, mais l'instinct tout-puissant claque rapidement la gueule à ton esbrouffe. Fin du petit jeu. On fait plus facilement la grève de la faim que de l'espérance.

 

Ca n'empêche pas de se purifier la tête, ça et là, avec une petite diète.

 

 

01/09/2007

SPLEEN AND NO MORE IDEAL

Je relis Baudelaire. Ca fait bien quinze ans qu'on ne s'était plus parlé. Retrouvailles simples et franches, comme avec un camarade oublié, qui a peu de choses à dire mais qui les dit comme personne. Avec Céline, la seule bonne découverte littéraire de ces ineptes années d'études dites "supérieures".

 

Jamais eu l'impression qu'il avait le même retentissement que le premier chez les Infréquentables. C'est navrant. Mais ce n'est peut-être, justement, qu'une impression.

 

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J'ai retrouvé ces deux incontournables ici. On en trouve d'autres . Et puis encore là-bas. Evidemment, si vous y faites un tour, ne leur dites pas que vous venez de ma part. Ils comprendraient pas.

 

 A une heure du matin

 

ENFIN! seul! On n'entend plus que le roulement de quelques fiacres attardés et éreintés. Pendant quelques heures, nous posséderons le silence, sinon le repos. Enin! la tyrannie de la face humaine a disparu, et je ne souffrirai plus que par moi-même.

 

Enfin! il m'est donc permis de me délasser dans un bain de ténèbres! D'abord, un double tour à la serrure. Il me semble que ce tour de clef augmentera ma solitude et fortifiera les barricades qui me séparent actuellement du monde.

 

Horrible vie! Horrible ville! Récapitulons la journée: avoid vu plusieurs hommes de lettres, dont l'un m'a demandé si l'on pouvait aller en Russie par voie de terre (il prenait sans doute la Russie pour une île); avoir disputé généreusement contre le directeur d'une revue, qui à chaque objection répondait: « C'est ici le parti des honnêtes gens», ce qui implique que tous les autres journaux sont rédigés par des coquins; avoir salué une vingtaine de personnes, dont quinze me sont inconnues; avoir distribué des poignées de main dans la même proportion, et cela sans avoir pris la précaution d'acheter des gants; être monté pour tuer le temps, pendant une averse, chez une sauteuse qui m'a prié de lui dessiner un costume de VÉNUSTRE; avoir fait ma cour à un directeur de théatre, qui m'a dit en me congédiant: « Vous feriez peut-être bien de vous adresser à Z...; c'est le plus lourd, le plus sot et le plus célèbre de tous mes auteurs; avec lui vous pourriez peut-être aboutir à quelque chose. Voyez-le, et puis nous verrons»; m'être vanté (pourquoi?) de plusieurs vilaines actions que je n'ai jamais commises, et avoir lâchement nié quelques autres méfaits que j'ai accomplis avec joie, délit de fanfaronnade, crime de respect humain; avoir refusé à un ami un service facile, et donné une recommandation écrite à un parfait drôle; ouf! est-ce bien fini?

 

Mécontent de tous et mécontent de moi, je voudrais bien me racheter et m'enorgueillir un peu dans le silence et la solitude de la nuit. mes de ceux que j'ai aimés, âmes de ceux que j'ai chantés, fortifiez-moi, soutenez-moi, éloignez de moi le mensonge et les vapeurs corruptrices du monde; et vous, Seigneur mon Dieu! accordez-moi la grâce de produire quelques beaux vers qui me prouvent à moi-même que je ne suis pas le dernier des hommes, que je ne suis pas inférieur à ceux que je méprise!

 

 

Spleen

Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
Sur l'esprit gémissant en proie aux longs ennuis,
Et que de l'horizon embrassant tout le cercle
Il nous verse un jour noir plus triste que les nuits;

 

Quand la terre est changée en un cachot humide,
Où l'espérance, comme une chauve-souris,
S'en va battant le mur de son aile timide
Et se cognant la tête à des plafonds pourris;

 

Quand la pluie étalant ses immenses traînées
D'une vaste prison imite les barreaux,
Et qu'un peuple muet d'infâmes araignées
Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux,

 

Des cloches tout à coup sautent avec furie
Et lancent vers le ciel un affreux hurlement,
Ainsi que des esprits errants et sans patrie
Qui se mettent à geindre opiniâtrement

 

- Et de longs corbillards, sans tambours ni musique,
Défilent lentement dans mon âme; l'Espoir,
Vaincu, pleure, et l'angoisse atroce, despotique,
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir.

09/08/2007

DANS LA FAMILLE DES ENRAGES, JE VOUDRAIS...

... eh bien je ne sais pas qui je voudrais. Enfin je ne sais pas quel degré de parenté attribuer à ce furaxocrate. L'animal écrit au panzerfaust et n'a pas même l'élémentaire délicatesse d'épargner l'oeil de son lecteur. Son site est un foutoir complet, parfaitement patholotique, à côté le Céline pamphlétaire est un modèle de clarté (lui au moins écrivait des pages qui se suivent).

 

Mais bon, vous savez ce qu'on dit sur l'ivresse et le flacon. Ici, la bouteille est en miettes mais elle contient une gnôle qui vous bourre moins la gueule qu'elle ne vous la défonce. Vous en prendrez bien une gorgée, juste pour goûter ?

 

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<< Aujourd’hui, en Occident, on peut insulter le Prophète (c’est même un sport laïcar, un siècle après 1905 ! Quelle audace !) — c’est bien d’insultes qu’il s’agit et ce n’est pas le prophète que l’on veut insulter mais bien le bougnoule, en toute connaissance de cause. Je m’y connais en insultes, c’est le moins qu’on puisse dire. J’en ai beaucoup lancées, j’en ai beaucoup reçues. J’admire ce raisonnement tenu par de libres si vils innocents mais néanmoins prostitués : dans notre libre Occident, il est interdit de dire (en principe) : « Sale bougnoule » mais il est permis, du moins toléré, d’insulter le Prophète tant est grande la liberté d’expression et grand le nombre des laïcars. Donc d’aucuns se dirent : profitons de cette aubaine pour insulter les bougnoules (ce qui est interdit) en insultant le Prophète (ce qui est toléré). La logique est parfaitement claire et, de ce fait, le message l’est aussi ; il est donc parfaitement compris par les destinataires.

 

<< Ces derniers protestent avec véhémence car non seulement on les insulte, mais de plus on les prend pour des cons puisque en protestant contre cette anodine « plaisanterie “démocratique” », ils seront censés faire la preuve de leur archaïsme, de leur arriération, de leur obscurantisme, pour tout dire de leur mauvais goût et de leur manque de fair play. En fait, puisque c’est la guerre, Allah est le drapeau des musulmans qui ne sont pas comme les si vils innocents qui se torchent dans le leur (exception faite pour les Américains). C’est leur drapeau qui est insulté. En effet, ça ne rate pas : les si vils innocents se récrient et en appellent à la sainte liberté d’expression contre la barbarie et l’obscurantisme des musulmans.

 

<< Pauvres chous (avec un « s »). Faux-culs. Bande de Tartarins, allez-donc l’insulter à Médine, le Prophète et non pas retranchés dans votre puante porcherie où la police doit rétablir l’ordre dans les écoles (et ça prétend donner des leçons de civilisation !) C’est à Médine qu’il faut défendre la liberté d’expression. Les Américains ont au moins ce mérite : eux, ils vont l’insulter sur place le bougnoule, en Irak (dans les prisons de préférence) et même en Arabie ; quant aux bédouins, ils ont pris la peine de se déplacer à New York pour insulter les Américains —, mais, fumiers de si vils innocents, c’est désormais à vos risques et périls. L’avenir du colonialisme est derrière lui. D’ailleurs, insulter le Prophète en Occident est contraire à la liberté de culte, proclamée partout en Occident, car c’est une atteinte à la jouissance paisible de cette liberté.

 

<< Remarque : avant les couinements (qui a tiré la queue du cochon ?) qui ont retenti après les protestations des musulmans, j’ignorais totalement qu’existât en Europe une liberté d’expression. Instruit par ma longue expérience, j’étais persuadé que la liberté d’expression appartenait à M. Bernard Lévy et à ses amis Pinault-Culture et Lagardère voire même à feu, feu, feu, feu Lebovici. Il n’y a d’ailleurs pas même de liberté d’information puisqu’il y a en fait information obligatoire. Comment voulez-vous vous exprimer sous le règne de l’information obligatoire ? Il faut, au minimum, bombarder New York, ce qui n’est pas à la portée du premier venu. Je m’exprime ici grâce à une heureuse initiative (Arpanet) du Département de l’Attaque (nouvelle doctrine) des Etats-Unis d’Amérique financée par des fonds publics. Cette initiative heureuse déplaît évidemment dans un pays comme le France qui a rétabli le délit d’opinion avec la loi Fabius-Gayssot, entre autres. Il n’y a pire cagot que le laïcar. Roquentin avait raison : il n’est pire salaud que le civil innocent. >>

07/08/2007

APPUYER SUR LE ALT+F4 D'AUTRUI

Humeur du jour.

 

Bien évidemment, tout ça est à planquer dans les Favoris pour les jours où ladite humeur se fait trop pressante.

 

Le problème n'est pas le risque de passer à l'acte. Personne ne passe jamais à l'acte, ou alors à une échelle si dérisoire que ça oscille entre le faits divers et l'accident de chasse. Ce sont toujours nos propres fusibles que l'on grille, et jamais ceux des autres, ceux qui le méritent, ceux qui ne demanderaient que ça. On est rarement à la hauteur de sa propre rage, il faut beaucoup de discipline, de froideur, de calcul, de prise de recul pour massacrer à grande échelle. C'est un travail de taré méthodique, pas un acte passionnel. Même une colère qu'on trimballe en soi nuit et jour ne survit à l'air libre que quelques secondes, comme un feu follet.

 

Le problème, c'est l'accumulation de cette colère inexprimable, inexpugnable surtout, qui nous assiège comme une succube qui prendrait définitivement ses quartiers entre tête et tripes. C'est qu'elle s'étale, la garce, elle se met à l'aise, elle fait comme si elle payait le loyer de son squat. C'est elle que l'on cherche à abrutir par la cuite acharnée, l'effort physique insensé, les tâches répétitives façon Bénédictin - ni l'ennui ni le désespoir ne causent de tels ravages lorsqu'ils s'installent. Ils ont au moins la décence de se rendre aimable, d'amener avec eux une langueur qui étouffe tout dans une sorte de brouillard des sens. La colère à l'inverse est une crampe qui ne se détend pas.

 

 

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29/07/2007

HURLER AUX OREILLES DES SOURDS

Quelle importance peut bien avoir un blog ?

 

Je veux dire, un putain de blog ! Le cybertruc inepte par excellence, le degré zéro de la littérature, à peine plus haut que la page Myspace sur l'échelle de la littérature moderne. L'illustration même du narcissisme et de l'exhibition tellement en vogue en temps de décadence généralisée.

 

Ca ne devrait servir qu'à mettre en scène son minuscule quotidien, étaler sa misère affective, partager avec des hordes de fantômes anonymes ses passions mesquines, ses allergies ridicules, ses expériences mal digérées. Rien de profond, jamais rien de sérieux, d'abouti, d'à-long-terme. Un blog gratosse où l'on publierait des choses d'une extrême sévérité, c'est du même niveau qu'une bédé éducative, comme cet immondice pleurnichard et niais que certains d'entre vous se sont sans doute farcis au collège. Qui voudrait d'une telle comparaison, qui la supporterait sans honte ?

 

Et puis un jour ça vous arrive. Vous réalisez que vous avez ouvert un putain de nom de Dieu de blog. Il apparaît sur une liste continuellement mise à jour, aux côtés de jacasseries de pisseuses encore imbaisées, de militants centristes précautionneux, de fans de tricot, de collectionneuses de chiens en porcelaine, de conspiracy theorists, d'érotomanes malsains. C'est fait. C'est trop tard. Vous avez passé le pas. Vous faites partie du bouronnement, du bruit blanc, des parasites du ouaibe qui donnent leur avis sans attendre qu'on l'ait demandé. Vache.

 

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Alors bien sûr vous vous dégottez moult excuses. Payer un nom de domaine, c'est au-dessus de votre absence de moyens. Le courrier des lecteurs local, ça suppose de l'autocensure, de la pesée soigneuse de chaque mot, de la castration volontaire pour espérer échapper aux ciseaux. Fermer sa gueule donne le cancer, rend alcolo, fait prendre des risques imbéciles en bécane, provoque des altercations avec des gens censés vous aimer. Tout ça est un peu frelaté. Les grandes douleurs savent la boucler. Celles qui vous poussent à publier sont donc théoriquement dérisoires. Ca ne rend que plus humiliant l'originel passage à l'acte, toujours moins justifiable à mesure qu'il se répète, insomnie après insomnie. Perseverare lamentablum.

 

Quand vous le réalisez pour la quatorzième fois environ (il faut bien ça pour admettre nos erreurs les plus monumentales), commence alors les introspections fracassantes, génératrices de bien belles fractures incicatrisables. C'est l'heure des bilans provisoires, des passages en revue de ses propres troupes en perdition, du déséquilibre intrinsèque des comptes.

 

"Pourquoi" ?

 

Parce que tout le monde, dans certains cercles antimodernes, sent bien qu'il y a un gros problème, mais que personne n'a de solution solide à proposer.

Parce que personne n'avait l'air de vouloir en parler ni même de s'en rendre exactement compte.

Parce qu'un sursaut de haine épuisée et de dignité abrasée par trop de stupidité ordinaire vous y a poussé.

Parce qu'il fallait bien que quelqu'un le fasse.

Parce que le coma éthylique, la baise forcenée, la guerre économique, les ennuis de santé, les amitiés qui se déchirent et autres délicats loisirs ne fournissent que des paravents furtifs aux mêmes constats obsédants.

Et puis, en fin de compte, parce que la très relative beauté du geste l'a emporté sur les considérations plus pragmatiques. Quand on naît avec un flingue entre les pattes, allez résister à l'envie de tirer, même s'il n'y a rien à tuer, même si les balles sont à blanc. Juste pour faire du bruit. Voilà ce que c'est de subir le poids de ce don particulier, qui vous fait noircir des classeurs entier aussi naturellement que d'autres consumment un paquet de clopes. Ca ne mène à rien, ça ne change rien, ça n'intéresse personne, mais c'est là, ça existe, il faut bien en faire quelque chose.

 

"A quoi ça aura servi" ?

 

A ressasser des évidences mort-nées, à glorifier des causes vaincues, à mettre Paris en bouteille à grands coups de "et si ça c'était passé autrement". Certainement pas à fertiliser la moindre révolution à venir. Ni à éveiller la moindre conscience. Ceux qui lisent savent déjà et n'en sont pas plus avancés. Ceux qui ne savent pas lisent sans comprendre, ou avec le ricanement de ceux qui peuvent se permettre d'être décontractés, comme disait une vieille réclame pour hommes.

 

Je vais laisser tout ça en sommeil pendant une semaine, le temps d'aller voir à quoi ressemble un 1er Août sur une montagne tessinoise. Au retour, on verra bien si l'absurdité de la démarche justifie l'éradication, ou au contraire le rajout d'une couche.

 

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19/07/2007

CLASSIQUES MYTHOS

L'agonie de notre temps gît là.

 

Le siècle ne s'effondre pas faute de soutien matériel. Jamais l'univers ne fut si riche, comblé de tant de confort, aidé par une industrialisation à ce point productrice.

 

Jamais il n'y eut tant de ressources ni tant de biens offerts.

 

C'est le coeur de l'homme, et lui seul, qui est en état de faillite. C'est faute d'aimer, c'est faute de croire et de se donner, que le monde s'accable lui-même des coups qui l'assassinent.

 

Le siècle a voulu n'être plus que le siècle des appétits. Son orgueil l'a perdu. Il a cru à la victoire de la matière enfin assujettie par son esprit. Il a cru aux machines, aux stocks, aux lingots sur lesquels il règnerait en maître. Il a cru, tout autant, à la victoire des passions charnelles projetées au-delà de toutes les limites, à la libération des formes les plus diverses, des jouissances, sans cesse multipliées, toujours plus avilies et plus avilissantes, de pauvres êtres vidés.

 

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De ses conquêtes, ou plus exactement de ses erreurs, puis de ses chutes, l'homme n'a retiré que des plaisirs qui paraissaient suprêmement excitants au début et qui n'étaient en fait que du poison, de la boue et du toc.

 

Pour ce toc, cette boue et ce poison, pourtant, l'homme, la femme avaient délaissé, avaient profané, à travers leurs rêves et leurs corps dévastés, la joie intérieure, la vraie joie, le grand soleil de la vraie joie. Les bouffées de plaisir des possessions - matière ou chair - devaient, tôt ou tard, s'évanouir parce qu'illusoires, viciées dès le début, vicieuses de plus en plus.

 

Il n'est resté au coeur des vainqueurs passagers de ces enchères stériles que la passion de prendre, de prendre vite, des bouffées de colère qui les dressent contre tous les obstacles, et de fades odeurs de déchéance collées à leurs vies saccagées et pourries.

 

Vains, vidés, les mains ballantes, ils ne voient même pas arriver l'instant où l'oeuvre factice de leur temps s'effondrera. (...)

 

On pourra réunir toutes les Conférences du monde, rassembler par troupeaux les Chefs d'Etat, les experts économiques et les champions de toutes les techniques. Ils soupèseront. Ils décrèteront. Mais, au fond, ils échoueront car ils passeront à côté de l'essentiel.

 

La maladie du siècle n'est pas dans le corps.

 

Le corps est malade parce que l'âme est malade.

 

C'est elle qu'il fallait, qu'il faudra coûte que coûte guérir et revivifier.

 

La vraie, la grande révolution à faire est là.

 

Révolution spirituelle.

 

Ou faillite du siècle.

 

Le beau Léon, Les âmes qui brûlent

MOI Y EN A BEAUCOUP AIMER QUOI VOUS FAIRE

Lisez ce type. J'ignore strictement qui c'est (j'avais écrit "qui sait", putain la fatigue) et m'en contrebat le sac. Toute colère est bonne à prendre et la sienne a du goût. Tant que vous y êtes, lisez aussi ça.

 

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