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02/02/2010

" UNE ORGIE FINALE ET TERRIBLE DE VENGEANCE "

 

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Pour apprécier à sa juste valeur la part du gauchisme dans la création du novhomme et dans la réquisition de la vie intérieure, il suffit de se souvenir qu'il s'est caractérisé par le dénigrement des qualités humaines et des formes de conscience liées au sentiment d'une continuité cumulative dans le temps (mémoire, opiniâtreté, fidélité, responsabilité, etc.) ; par l'éloge, dans son jargon publicitaire de "passions" et de "dépassements", des nouvelles aptitudes permises et exigées par une existence vouée à l'immédiat (individualisme, hédonisme, vitalité, opportunisme); et enfin par l'élaboration de représentations compensatrices dont ce temps invertébré créait un besoin accru (du narcissisme de la "subjectivité" à l'intensité vide du "jeu" et de la "fête").

Puisque le temps social, historique, a été confisqué par les machines, qui stockent passé et avenir dans leurs mémoires et scénarios prospectifs, il reste aux hommes à jouir dans l'instant de leur irresponsabilité, de leur superfluité, à la façon de ce qu'on peut éprouver, en se détruisant plus expéditivement, sous l'emprise de ces drogues que le gauchisme ne s'est pas fait faute de louer. La liberté vide revendiquée à grand renfort de slogans enthousiastes était bien ce qui reste aux individus quand la production de leurs conditions d'existence leur a définitivement échappé : ramasser les rognures de temps tombées de la mégamachine. Elle est réalisée dans l'anomie et la vacuité électrisée des foules de l'abîme, pour lesquelles la mort ne signifie rien, et la vie pas davantage, qui n'ont rien à perdre mais non plus rien à gagner, "qu'une orgie finale et terrible de vengeance" (London).

(...)

Attendre un seuil franchi dans la dégradation de la vie quil brise l'adhésion collective et la dépendance vis-à-vis de la domination en obligeant les hommes à l'autonomie, c'est méconnaître que pour simplement percevoir qu'un seuil a été franchi, sans même parler d'y voir une obligation de se libérer, il faudrait ne pas avoir été corrompu par tout ce qui a mené là ; c'est ne pas vouloir admettre que l'accoutumance aux conditions catastrophiques est un processus, commencé de longtemps, qui permet en quelque sorte sur sa lancée, quand un seuil est un peu brutalement franchi dans le délabrement, de s'en accommoder vaille que vaille (on l'a bien vu après Tchernobyl, c'est-à-dire qu'on n'a rien vu).

Et même un effondrement soudain et complet des conditions de survie, quel effet émancipateur pourrait-il avoir ? Les ruptures violentes de la routine qui se produiront sans doute dans les années à venir pousseront plutôt l'inconscience vers les protections disponibles, étatiques ou autres. Non seulement on ne saurait espérer d'une bonne catastrophe qu'elle éclaire enfin les gens sur la réalité du monde dans lequel ils vivent (ce sont à peu près les termes même d'Orwell), mais on a toutes les raisons de redouter que, face aux calamités inouïes qui vont déferler, la panique ne renforce les identifications et les liens collectifs fondés sur la fausse conscience. (...) L'attente d'une catastrophe, d'un auto-effondrement libérateur du système technique, n'est que le reflet inversé de celle qui compte sur ce même système technique pour faire venir positivement la possibilité d'une émancipation : dans l'un et l'autre cas, on se dissimule le fait qu'ont justement disparu sous l'action du conditionnement technique les individus qui auraient l'usage de cette possibilité, ou de cette occasion ; on s'épargne donc à soi-même l'effort d'en être un. Ceux qui veulent la liberté pour rien manifestent qu'ils ne la méritent pas.

Jaime Semprun, L'Abîme se repeuple

08/01/2010

CHAUD-FROID DE BANALITES SUR SON LIT DE BILE

° Le monde de Festivus est une garderie à ciel ouvert. Tout y est conçu pour infantiliser. Médias, penseurs et décideurs nous bombardent de messages sirupeux sur notre santé, parce qu'ils ne nous pensent pas capable d'en prendre soin nous-mêmes. La nourriture industrielle pour adultes se calque sur les penchants instinctifs des moutards pour les aliments mous, sucrés et gras nécessaires à leur développement. La bouffe autoproclamée haut-de-gamme n'est plus qu'une branlette pour les yeux et les papilles, où l'on bouffe de l'azote, de la crème de rien parfumé à l'eau plate, présentée sur des assiettes vides où serpentent de ridicules arabesques de sauce décorative. Les formes des bagnoles s'arrondissent, se transforment en gigantesques jouets. Le langage est méthodiquement simplifié, bêtifié, expurgé de ses complexités, afin que les déficients comprennent la même chose que les plus avancés. L'individu est déresponsabilisé, encadré, coaché, surveillé, corrigé, rééduqué, on va même jusqu'à lui expliquer qu'il ne pense pas vraiment ce qu'il pense si ça n'est pas présentable en public. Comme la totoche fait taire le gosse qui hurle, le tsunami de marchandise à crédit est utilisé pour réduire au silence les masses vagissantes, dont les catégories les plus agitées ne savent d'ailleurs pas s'exprimer avec plus de cinquante clichés et une poignée de formules creuses. Comme dans un jardin d'enfants, toute autorité emballe des ordres non-négociables dans un langage sirupeux, des sourires à l'emporte-pièce, le ton condescendant qu'on emploie avec un mouflet récalcitrant et un peu con. Et malgré ce tir de barrage quotidien contre ce qui nous reste de droiture, nous parvenons encore à ressentir, ça et là, cet étrange sentiment d'inachevé, cette honte sourde d'échouer à nous rapprocher d'un idéal grotesque d'âge adulte et de pleine réalisation de notre potentiel.

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° La plupart des avancées technologiques censées nous faciliter la vie en accélérant le temps perdu à des tâches secondaires, n'a fait qu'accélérer le rythme d'une vie toujours plus absurde, sans que l'on y gagne la moindre compensation. Les machines supposées abattre du boulot pour l'homme et lui permettre de jouir de  plus de temps libre, lui ont imposé leur propre logique et leur propre rythme. Nous pourrions passer deux jours sur trois à ne rien foutre pendant que des automates se chargent des tâches abrutissantes ; mais l'espèce humaine a trop la trouille du temps libre, tout particulièrement le toubab. Il a encore et toujours le culte du Bosseur, il croit toujours que tout fonctionne au mérite, il estime que se flinguer la santé physique et mentale pour un DRH est pleinement justifié, et que le véritable réconfort pour tant d'efforts consiste à se goinfrer de gadgets, à se carboniser le cuir près d'un palmier et à masturber le chrome de voitures de courses qui ne verront jamais le goudron d'une piste. Et il faudrait considérer ça normal. Il faudrait ne pas devenir résolument marteau en pensant qu'il n'y a pas de moyens d'échapper seul à ce fast forward collectif parce qu'on ne peut compter sur personne. Il faudrait s'y faire parce que ceux qui le refusent sont des parasites sociaux, des glandouilleurs, des immatures et des idéologues de souk. Il faudrait renoncer à gueuler que nous crevons tous dans une bétaillère, parce qu'à chaque fois, il se trouve dix connards satisfaits et cyniques pour vous défier de survivre dehors. Et il n'y a rien à leur répondre parce que l'on sait parfaitement le nombre de jours que l'on pourrait tenir loin du Grand Hospice Occidental. Au dégoût de  l'impuissance à l'intérieur s'ajoute la certitude mortifiante de n'avoir pas d'autre avenir que celui d'une ouvrière dispensable au sein de la ruche. Alors, pendant quelques secondes, on se relâche et on écoute un instantla mélopée des sirènes soraliennes, en se disant que les crouilles, aux moins, ont al-qaeda pour les seconder dans une ultime oeuvre d'autodestruction inutile mais flamboyante. 

22/12/2009

ARRHEUH !

Ce qu'il y a d'épuisant dans le relativisme, c'est qu'il vous force à expliquer des choses qui devraient aller de soi. Il divise le monde en deux catégories : les érudits qui observent la pousse du gazon, les couillons qui font du bruit avec la bouche pour le seul plaisir d'en faire. Ce qu'on peut lire ici devrait être l'évidence même, un discours de centriste. Or il faut jouer au spéléologue pour trouver des étincelles de lucidité dans les boyaux du ouaibe.

Sur la place publique, c'est la foire aux contresens, aux anachronismes, au bon sens sodomisé. C'est le Pwésident Améwicain nobelisé en envoyant des troupes chez les Afghans. C'est son discours sur la nécessité de la guerre justifié par ceux qui vomissaient les mêmes termes chez Bush. C'est le rejet des minarets présenté comme un premier pas vers un revival de l'Eau Low-Cost. C'est cette pouffiasse lambda filmée chez l'esthéticienne, qui vient prendre des cours de maquillage pro parce qu'elle est "très nature." Ce sont ces gauchouilles agnostiques qui ponctuent leurs phrases avec des Inch'Allah sonores et gourmands.

Aboutissement logique : si toutes les idées se valent, si tout ce qui compte est de tolérer la Différence de l'Autre, alors les mots n'ont pas plus d'importance, on peut causer n'importe comment, exprimer tout et son contraire, appeler un chat une chienne. A la limite, on peut brûler les dictionnaires et n'officialiser que les cent mots indispensables à survivre en banlieue occupée. Respect. Biznesse. Foutre. Scrimination. Fachisse. Bédo. Tchulé d'ta rasse. Genre. Et à terme, encore simplifier tout ça. Se limiter à des râclements de gorge. Un même grognement pour tout dire, en modulant les graves et les aigus, en alternant les grimaces pour souligner les nuances.

Chez les soraliens, on semble penser que la société se féminise, parce que le plaisir masturbatoire du verbiage remplace le message à communiquer. Mais nous ne nous transformons pas en gonzesses : nous devenons des bébés qui s'expriment par gazouillis et vagissements.

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24/11/2009

CHOISIR L'IDIOTIE

Oui, nous sommes quelques-uns à espérer sincèrement de graves accidents chimiques ou nucléaires dans les grands crevoirs urbains D'Occident. Ou une VRAIE putain de pandémie VRAIMENT grave, pas une gripette surgonflée pour écouler du Tapettemiflu périmé ou camoufler un effondrement boursier prévisible.

Oui, c'est totalement infantile, pas politique pour un sou, et ça vous fait doucement sourire. J'ai bien l'honneur de vous confirmer que nous nous en foutons au-delà de ce que la langue française permet d'exprimer.

L'infantilité, c'est la dernière pureté et la dernière force propre qu'il nous reste. La candeur, c'est notre ultime accès à ce qui demeure encore de beauté en ce coin de monde agonisant. La régression, c'est peut-être notre crachat le plus glaireux sur les lèvres de ceux qui n'ont que le mot Progrès à la bouche.

Un gosse, c'est vicelard, cruel, manipulateur, égoïste - comme un adulte, sauf que ça ne lui torture pas la conscience. C'est capable d'aimer avec une violence quasi-bestiale, de survivre à tout pour un peu de tendresse et d'attention - comme un adulte, sauf qu'il n'a pas besoin de voler son inspiration dans des livres sacrés ou des manuels du militant.

J'ai longtemps été agacé au possible par l'imagerie du Sale Gosse, que l'on retrouve souvent dans l'univers de la gauche dite radicale. Ca m'agace toujours, mais je la comprends un peu plus, peut-être mieux que les casseurs de macdo si ça se trouve.

Puisque tout est exactement foutu. Puisque tous les embryons de révolution ont été avortés avec la complicité de leurs géniteurs. Puisque nous sommes condamnés, pour échapper à l'extension du domaine du raï'n'b leucophobe, à signer des contrats de vigi-larbins dans des ghettos platine pour cosmopolites dégénérés...

Quel autre exutoire que le rire hystérique d'un enfant tourné fou de haine et de désespoir ? Un peu comme Le Tambour, en moins épouvantablement chiant et moraliste, en somme. Et moins antinazebroque aussi, puisque pour nous, la Bête Immonde, c'est le monde moderne dans son ensemble.

Faire chier pour que dalle. Ricaner mal à propos. Mitrailler autrui de sarcasmes faciles. Se contrefoutre de l'opinion de l'entourage. Se fringuer comme un clodo. Arriver régulièrement au taf avec une sereine gueule de bois. Cracher dans la soupe avec la meilleure conscience du monde. Ne plus rien vouloir savoir. Refuser toute forme d'ambition, de responsabilité, de crédibilité.

Choisir l'idiotie.

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25/10/2009

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CAU

De cette résignation à ce qui n’est que possible, nos sociétés sont en train de mourir. Le Maître et le Héros sont devenus, à nos yeux, des hommes dangereux et nous souhaitons, par bassesse et démission, être des esclaves endormis aux traits singuliers effacés par une générale ressemblance. Qu’un Maître apparaisse et il serait celui par qui le scandale de nos lâchetés arriverait. Et nous le lapiderions. Et nous l’accuserions de nous déranger parce que nous préférons, tassés au fond de la caverne, nous mélanger confusément et perdre tout souvenir de la lumière de la vie. L’Occident ne comprend ni son angoisse ni sa décadence et bredouille des milliards d’explications. Il n’en est qu’une : le triomphe de la moralité de l’esclave sans maître. Refuser d’entendre cela, c’est se boucher les oreilles en croyant que le tonnerre ne gronde plus dans le ciel.

 

-          La foudre vous détruira !

-          Non, je n’entends pas le tonnerre !

-          Si seulement vous étiez sourds !

 

Hélas, c’est plus méprisable : vous avez peur.

 

Cau, dans Le Temps des esclaves, décrit avec consternation ce qu’il voit advenir ; nous, qui sommes nés bien après l’Effondrement et n’avons connu que des décombres de culture, n’avons pas le luxe de cette consternation. Dès notre enfance, nous avons été stupéfaits ; nous nous sommes frottés un cuir encore souple à des immondices qui nous ont dégueulassés, et faits grandir tordus sans espoir de redressement. Cau appelait à une réaction de dernière minute ; notre existence est la preuve atroce et quotidienne qu’il n’a pas été entendu. C’est pour empêcher l’avènement de notre génération que des hommes tels que lui ont gueulé une vie durant, pour éviter que l’Occident devienne ce que nous sommes. Bien essayé, perdu.

 

On voudrait trouver quelque réconfort cathartique dans ces crachats qui sonnent déjà si vieux. Mais c’est une caféine légère pour nos besoins d’électrochocs. Le ton est cinglant, mais quand on voit ce qui le motive, tout l’avilissement de notre condition nous saute à la gueule avec une rage renouvelée. L’homme s’efface en se conchiant, écrivait Cau il y a quarante ans, parce que la Bombe rend la guerre impossible. Pour nous aussi elle semble impossible, mais nous n’avons même plus de nucléocauste à redouter pour nous justifier. Nous fonctionnons sans cette menace originelle; nous l'avons assimilée.

 

Cette Peur et cette Raison dont les vapeurs amollissaient les contemporains de Cau, nous les avons respirées dès la naissance à nous en faire péter les poumons.  Ses prophéties frénétiques se voulaient peut-être des baffes dans la gueule des indécis ; elles sont notre banalité, des choses auxquelles plus personne ne fait vraiment attention :

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Demain, la race. Il y a eu la horde, le clan, la tribu, la province, le royaume, la patrie, la nation, l’Etat. Demain, la race. Blancs contre Jaunes. Noirs contre Blancs. Imaginons le Blanc vaincu et, à son tour, devenant « homme de couleur » ! Après tout, le blanc en est une. (…) Nous avons vu monter les tolérances. Nous voyons chaque jour que nos sociétés reculent un peu plus la cote d’alerte. Faute de guerre qui lancerait un appel au secours aux valeurs. Du coup, la notion d’opprimé s’élargit à tout : hier aux prolétaires ou aux colonisés ; aujourd’hui aux noirs, aux femmes, aux enfants, aux étudiants, aux prêtres (qui se disent opprimés par l’Eglise !). Demain à la condition humaine, toute entière. « Nous sommes hommes ; donc opprimés ! » Mais par qui ? Par Dieu ! soit, liquidons-le. Alors par qui ? Par les « tabous » ! soit liquidons-les ! Et demain la société parfaite. L’Eden. On mesure l’étendue proprement folle de cette sottise. Ses thuriféraires la croient universalisable et ignorent que, comme la « liquidation des tabous » ne sera pas générale, ce seront les mainteneurs de tabou (les Chinois, par exemple, ou n’importe qui) qui dès lors seront les maîtres.

 

Les utopistes sont condamnés à être opprimés.

Les chantres de la liberté absolue sont condamnés à la servitude.

21/10/2009

FAIRE NAÎTRE UNE GENERATION D'EGORGEURS

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La mémoire associative, ça fonctionne un peu comme ça veut. Tu piétines peinard ton coin ordinaire de bitume et un étron de clebs te rappelle ta propre digestion difficile, et la nature du repas qui en fut la cause – et voilà comment on en vient à penser bouffe en mâtant de la merde.

 

Ceci pour dire (n’importe quel sacrifice pour placer une allusion scato) que je ne me sais plus ce qui m’a rappelé cette phrase de l’ami LBDD : « Nous ne voulons plus mourir ». N’empêche : c’est un bon échauffement synaptique matinal.

 

J’objecterai donc, tardivement certes, deux ou trois choses. Pur soliloque qui n’intéresse que moi. Vous avez l’habitude.

 

D’abord, une bonne grosse platitude : qu’on le veuille ou pas, hein… S’ajoute à ça qu’avec tout le gras et le picrate qu’on s’enfourne quotidiennement, on est plus faits pour la course de vitesse que pour le marathon. Bien entendu, ceux qui parlent de mourir jeunes sont toujours ceux qui enterrent les optimistes ; on en reparle dans un demi-siècle.

 

Ensuite, pour jouer sur les mots : crever n’est pas un problème, c’est disparaître que nous ne voulons pas. Et c’est précisément cela qui nous a fait vaincre l’horreur originelle qu’on ressentait à l’idée de pondre des mouflets à notre tour. C’est parce que nous n’avons plus rien à foutre de crever (et que certaines nuits trop longues, on en vient à s'en réjouir comme d'autres rêvent de la retraite ou de l'Euromillion) que nous voulons ainsi laisser sur le globe la seule marque à notre portée. Construire des cathédrales n’est plus de saison, écrire des livres bouillonnants de rage n’a plus aucun impact, notre ultime mission est donc de fabriquer les soldats des micro-conflits à venir.

 

Sur un plan collectif, historique, les coups ne se donnent et ne se rendent que chaque génération à son tour. La plupart d’entre nous prendra sous terre avec lui sa parfaite lucidité quant aux objectifs à atteindre, mais sans avoir rien accompli de décisif. Nous n’avons pas les moyens de nos ambitions, c’est tout simple. Nous avons été à la fois trop longtemps protégés contre la Marée Noire qui submerge tranquillement le continent, et amputés avant l’âge de ces réflexes animaux qui seuls auraient pu nous aider à y résister tous ensemble. Pères effacés, mères castratrices, potes déglingués, profs corrupteurs, médias pourrisseurs, cette conjuration universelle de lâches, de fous, de traîtres et de dégueulasses nous ont coupés bras et couilles, sans nous crever les yeux ni les oreilles. Nous voilà politiquement et culturellement tétraplégiques, éventrés par la honte de nos manquements et de notre trouille de passer à l’acte.

 

Si jamais nous franchissons le pas, ce sera seul, de manière erratique et plus façon drive-by-shooting que snipers bien organisés. Ce qui nous tient lieu d’espoir et qui nous fait nous traîner chaque jour un mètre de plus, c’est la pensée que la vague suivante sera plus forte que la nôtre et qu’en s’écrasant contre la muraille, elle arrivera à lui en arracher quelques moellons.

 

L’autre soir, en pratiquant ma séance de zapping quotidien, je tombe sur quelques secondes d’un reportage effectué par deux journaleux Divers au Britanistan, en train de se prendre des mandales par des toubabs ouacistes (oh le vilain pléonasme). Une image qui reste : celle de ce minuscule blondinet en train de menacer de sa navaja deux adultes pesant huit fois son poids.

 

Je crois que je vais m’abstenir de mentionner à mon entourage le sourire maladif que son attitude m’a scotché sur la gueule.

13/10/2009

RETOUR A LA GUERRE DU FEU

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Pour rebondir sur ceci, chez Ilys.

 

Note à l’intention de mes couilles : Rebondir, c’est sympa. C’est une manière de donner l’avis que personne n’a demandé sur une question déjà traitée par d’autres. Ca permet aisément d’atteindre des sommets de vanité et de littérature autiste. Ca correspond parfaitement à mon humeur. La seule nuance, si je pouvais choisir, c’est que je préférerais que tout le monde se foute de mon avis parce qu’il y a une guerre à laquelle survivre et des détonations quotidiennes qui perturbent le confort de lecture. Ca va, c’est assez con et chiant comme intro ? Parce que je ferai pire si on me demande poliment.

 

L’argumentation de MSD est cohérente et solide, malgré une phrase que je ne comprends pas au troisième gros paragraphe. Le point qui m’intéresse, toutefois, n’est pas développé. Il concerne la répulsion que devrait ressentir l’intello droit dans ses mocassins vis-à-vis dudit phénomène de meute, de lynchage et de haine collective aveugle. (Pour la clarté de la démonstration, je me colle provisoirement l’étiquette d’intello à rangeos, okay ?)

 

Je suis désolé, mais tout dépend de quelle meute on parle.

 

Des parents et quelques oncles qui tuent le violeur de leur gamin à coups de pompe dans la gueule, j’aime. Tous les locataires d’un immeuble qui s’arment de tessons et descendent dans le hall pour en tapisser les murs avec les restes de la racaille qui l’occupe, c’est beau comme du Bruckner. Les électeurs trahis qui gravent leurs doléances à leurs élus sur des boules de pétanque, c’est plus fort qu’un rencard avec deux jumelles rousses, de l’Amarone et des poppers.

 

Hurler avec les loups, quand on a toujours dû se la jouer solitaire, ça fait un bien dingue, qu’il faut admettre sans pudeur ni retenue.

 

La colère qui passe des mots isolés aux poings innombrables, ça n’est jamais qu’un outil. La violence est une solution, suffit de la coller aux problèmes pertinents. Je sais pas si ça vous a tapé dans l’œil avec la même brutalité que moi, mais j’ai la sensation que les solutions pacifiques, les arrangements à l’amiable et les voies de recours légales, depuis un gros demi-siècle, ça a marché moyen contre les ennuis qui nous préoccupent.

 

Derrière cette condamnation de la foule hystérique, il y a peut-être le refus d’infliger à autrui ce qu’on n’aimerait pas encaisser de sa part – l’une des bases de la civilisation occidentale, en somme. Je veux bien. Mais bien seulement, et en faisant un gros effort. D’abord, pour que ça marche, il faudrait qu’autrui ait de telles prévenances. Pas comme les antiracistes qui bandent pour le Black Power, les tricheurs de haut vol qui criminalisent le peer-to-peer, les mafias ethnocentristes qui nous prônent le métissage, les capteurs de rente qui conseillent de travailler plus pour gagner plus, les monomaniaques de la sourate et leur deal « tu-me-tolères-et-je-te-pisse-contre » ou les adorateurs du mérite qui distribuent les postes aux copains et aux cousins.

 

Des hordes aveugles de rage qui donnent la chasse à ces gens-là, je les dénonce quand vous voulez, et avec ma plus tétanique indignation. Mais en échange, va falloir me saouler à vie, me prescrire une ordonnance renouvelable pour les psychotropes les plus puissants du marché et me loger à perpète dans un palace de Gstaad ou Verbier. Tout le monde a son prix, voilà le mien, non négociable et définitif, pour renoncer à la fureur.

 

Celui qui ne peut abrutir sa rage dans une overdose de décadence n’a pas beaucoup de choix : il se flingue jeune, ou il se résout à devoir tôt ou tard mettre en mode veille ce qu’il pensait être son sens critique et son indépendance d’esprit. Pour être individualiste, dans l’Europe-d’Après-les-Européens, il va falloir des masses de pognon et/ou un carnet d’adresses épais comme une brique. La communautarisation des Nations anciennement homogènes va les doter de structures officieuses calquées sur le modèle des meilleures taules américaines – chacun son gang et son quartier, la cour étant le seul Lieu de Rencontre Citoyen sous la supervision de l’Etat-Maton.

 

Ceux qui ne se feront ni gangster, ni franc-mac, ni sectaire, ni pute de luxe sont condamnés à voir leur territoire se réduire d’année en année jusqu’à la bolossitude la plus avilissante. Les autres doivent accepter de suite de devenir chaque jour plus durs, plus cons, plus bornés, plus stupidement repliés sur leur groupe de référence, plus absurdement xénophobes dans l’acception la plus littérale du terme. Nous ici, Eux partout ailleurs. Ne rien savoir d'autre, ne rien vouloir comprendre en-dehors de ça.

 

Le déracinement des collectivités humaines par la technologie poussée jusqu’à provoquer la renaissance inattendue de Néanderthal. C’est tellement idiot et paradoxal que c’est presque bluffant.

06/10/2009

EMEUTE OU AMENAGEMENT

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Un autre dilemme du prisonnier.

 

Nota Bene: Je viens de relire. C’est long, c’est chiant, c’est alambiqué. J’espère juste que c’est pas prétentieux. Tirez-en ce que vous pourrez. Pour éviter les exemples laborieux, allez direct à la prochaine (*)

 

Partons du principe que nous vivons tous en taule. Notre liberté est illusoire puisque ne pouvons qu’aménager notre cellule – la « sphère privée ». Quant à la sphère publique, bernique pour les choix importants, révolutionnaires. Là encore, on ne nous propose que des aménagements.

 

Un exemple parlant :

 

Prenons le débat sur l’excision (et partant, sur toutes les joyeusetés Issues-De-La-Diversité). Pour les interventionnistes, c’est un truc dégueulasse, contraire à nos valeurs et à nos mœurs, un truc de fachos mais barbus et exotiques. Pour les abstentionnistes, c’est effectivement un souci, mais les coutumes tribales, c’est compliqué m’voyez, en légiférant on risque de donner dans le fascisme sans barbe. Foutu casse-tête. Et puis il y a les places gratuites, tout au fond, dont monte une voix éraillée, graveleuse, chargée d’alcool :

 

-         C’est pourtant simple, nom de Dieu ! Pas d’métèques, pas d’casse-tête ! Zéro bamboula, zéro tracas ! Yaka supprimer la source du problème et les foutre tous dehors ! Fin de l’histoire !

 

Et là, les anticharcuteurs lâchent leur Coran pour les nuls et étreignent les charcutorelativistes dans un grand élan : « Non à l’intolérance ! Non aux zamalgams ! Touche pas à mon muzulpote ! » Œcuménisme chavirant, communion des Démocrasseux réalisant enfin qu’ils ne chipotent que sur des broutilles.

 

ILS sont là et ILS posent problème, mais pas question de les faire dégager. PERSONNE ne veut y réfléchir un instant. Ce n’est pas un discours sérieux. Ce n’est pas même un discours tout court. Que les places gratuites la bouclent et laissent les grandes personnes faire de longs scanners du nœud gordien, nommer des commissions d’enquête et financer des projets d’établissement. Parce que c’est ça, la politique, M’sieurs-Dames : observer les nouveaux problèmes aussi longtemps qu’il faudra pour qu’ils se cristallisent. Une fois qu’ils font partie du paysage, on les donne aux réacs pour qu’ils se cassent les dents dessus, et on passe au microscope suivant.

 

Cette méthode est valable pour toutes les impasses de la Modernité. Un capitalisme plus de droite ou plus de gauche ? Ah ça, mon bon Monsieur, quel passionnant débat ! Et la croassânce, Camarade Citoyen, hein ? La croassânce ? Plus vite, moins vite ? Plutôt Monsanto ou plutôt Nicolahulo ? Quelle exaltante controverse ! Si seulement les petits jeunes des places gratuites pouvaient délirer un peu moins fort ! (Afficher un sourire paternaliste)

 

-         Croassance mes couilles ! Cacapitalisme mon cul ! Loin du bal, tout ça ! Fermeture des bourses ! Embastillement des phynanciers ! Exécution sommaire de tout décisionnaire économique ou politique responsable d’un déficit se chiffrant en millions ! Relocalisation de l’économie ! Vivre et bosser dans le même bled ou la mort ! Moins de flouze, plus de péouses !

 

Mais bon, heureusement, personne ne les écoute. Et puis rien n’empêche de piller un peu dans tout ce charabia utopiste et post-ado, finalement ? Y aura même de quoi mobiliser quelques minutes de cerveau disponible. Allez hop ! Germain et Fatima, couple à dreadlocks, villa huit pièces avé panneaux solaires et recyclage de l’urine : bombardés Objecteurs de Croissance, voui Sergent ! Comme ça, tous bénefs : les vomisseurs du système industriel sont ravalés au rang de bobos ridicules, ça en dégoûtera un maximum, les autres claqueront leur énergie en échouant à se distinguer de tels guignols, et ça saignera un peu plus les partis de gauche traditionnels.

 

Et la police, tiens ? Faut-y qu’elle puisse faire-son-travail et défoncer légalement la gueule aux gens qui ne fruilégument pas quintojournalement, hm ? Ou au contraire, faudrait-y lui payer des cours de raï’n’bite pour qu’elle appréhende mieux les souffrances zoziales de leurs principaux clients ? On se marre un coup en écoutant les enfants du Paradis et après on se fait une petite bataille de statistiques entre gens raisonnables, eukaye ?

 

-         Aux chiottes la police, vive la milice ! Des flingues pour tout le monde ! Une Bavure Pride par jour ! Vais vous instaurer des Zones-De-Mon-Droit, moi ! Trespassers will be shot ! Casquettes ou képis, on dégommera pareil ! Quand les uns vous démontent la gueule à vingt, les autres se font payer à vous décourager de porter plainte ! Z’ont bien raison d’ailleurs, pisque de toute façon Isham Xavier-Denis peut pas aller en taule ! Faudrait qu’y ait de la place dedans ! Et des jugesses qui mouillent pas sur la rédemption des bas-fonds ! Flics et voyous, c’est jamais que deux bouts de la chaîne alimentaire et les pov’cons comme nous, on est coincés au milieu !

 

Ah putain, on s’en lasse pas. Alors, qui veut être trésorier et premier secrétaire de l’Assoce ?

 

*

 

Je digresse, comme d’hab, parce que je suis furax et que je n’ai pas la force de bien ordonner ce que j’écris. Vous avez l’habitude, pour la plupart. Je veux en venir à ceci :

 

Toutes les options de changement sanctifiées par les merdiats, si radicales qu’elles nous soient présentées, ne sont que des accommodements raisonnables avec les problèmes qu’elles prétendent éradiquer. Que l’UDC en vienne à jouer le rôle de la Menace Brune, ou le POP celui de la Menace Rouge (respectivement Le Pen et Baise-en-Vélo pour nos amis frenchies qui nous rejoignent), voilà qui en dit long sur notre décrépitude.

 

Dans cette bâtardise obscène entre supermarché et hospice qu’est devenue l’Europe, nous avons tous droit à notre étiquette nominale personnalisée – et c’est sur elle que chacun est invité à se focaliser, pas sur l’uniforme où elle s’épingle. Sauf que le savoir et le dire, ça change quoi ? Quelle convergence des dissidences à ce jour ? Il y a certes « Le système et les ennemis du Système », merci tovaritch Limonov. Mais ces ennemis-là ne se sont jamais entendus et ne s’entendront jamais, trop occupés à se déchirer la gueule à cause de leur pin’s politisés.

 

En fin de compte, c’est peut-être parce qu’elle s’est toujours voulue politique qu’aucune dissidence n’a débouché sur que dalle à part des tracts et des graffitis. Une révolution qui n’est pas une Jacquerie, c’est un club de jeunes vizirs qui veulent la place du Calife, et puis chier. Nous sommes ainsi quelques-uns à avoir mal au cul rien qu’à la pensée de le poser sur le trône. La trouille des responsabilités, vous me direz. Quand je vois la gueule des différents patrons que j’ai eu, j’y tiens méchamment, à cette trouille, je vous jure. C’est peut-être le meilleur gardien des ruines de mon amour-propre. 

 

Alors on range les rêves de révolution dans l’armoire à pharmacie et on compose comme on peut avec le réel, le présent, le qui-coûte-cher. Ca fait mal au sac mais quoi ? Collectionner les capsules pour se payer la prochaine bière, ça ne va pas être possible tout le temps, et les gamins ne vivent hélas pas que de houblon. L’homme et l’animal tendent naturellement à l’aménagement des pires conditions d’existence, parce que bien souvent, accepter la bassesse, c’est refuser de crever comme un con. C’est pour ça qu’on se met à la colle avec des filles : parce qu’on a besoin de leur répugnant pragmatisme pour, justement, ne pas crever connement trop vite.

 

Et puis ça n’est pas systématiquement si atroce, avouons-le. On vit bien mieux, et bien plus en accord avec soi-même, quand on a fait un ménage brutal dans sa colleque de slogans et de poses avantageuses. Il y a comme ça des accommodements délibérés avec le monde tel qu’il est, qui permettent de respirer un peu plus librement.

 

Mais l’aménagement pourrave auquel on ne fait que se résigner parce qu’on ne voit pas quoi faire d’autre et parce qu’on est fatigué, ça ne libère pas ça rend encore plus malade.

 

Socialement et économiquement, nous sommes dans une impasse. Elle peut durer des décennies encore, qu’on ne se gourre pas sur ce point. Les Etats d’Occident sont en faillite depuis assez longtemps pour qu’ils se fussent effondrés si être en faillite avait la moindre conséquence concrète. Pareil pour les économies dites « parallèles » qu’ils tolèrent, parce qu’il n’y a pas de commerce licite ou illicite : si ça se vend, c’est bon pour le Marché, tôt ou tard.

 

Démonstration : Bob bosse mal parce qu’il est déprimé par sa vie de merde et l’échec de ses efforts pour la rendre moins merdique. Bob se dope à la poudre pour tenir le coup. La dope, c’est pas légal. Mais du coup, Bob bosse mieux, Patron lui content, actionnaire lui satisfait, action de l’entreprise elle bien bander. Alors il faut foutre la pression sur les petits revendeurs et faire des « prises record » tous les semestres, mais mollo. En plus, la dope, ça fout Bob en l’air. C’est mal ? Oui, mais s’il vit plus longtemps, ça nous fera un retraité de moins et donc y a bon pour le déficit de l’AVS ou l’AI.

 

Tout retombe sur ses pattes.

 

Sauf nous autres, qui ne sommes ni fourgueurs, ni consommateurs, ni flics, ni élus-du-peuple, ni banksters, ni publicitaires, ce qui nous fait quand même un paquet de conneauds placides, insatisfaits, attentistes et bougons. Nous, le deal ne nous convient pas du tout. On ne veut pas crever de stress et d’ennui au boulot. Nous ne voulons pas prendre de la dope pour tenir le choc. Nous ne voulons pas tolérer nos Frères Humains qui vivent de son trafic – ni leurs centaines de cousins, d’ailleurs, parce que leur spectacle nous fait mal aux yeux, point barre. Nous ne voulons pas supporter de voir la flicaille encadrer tout ce joli monde et nous broyer les balles pour un feu rouge grillé ou des impôts en retard.

 

Nous avons foutrement envie de foutre en l’air tout l’édifice, parce que nous savons qu’il ne tient que grâce à notre lâcheté, notre goût immodéré de la routine, notre trouille d’avoir une réputation encore pire, la perspective de devoir coucher chaque soir dans un autre endroit.

 

Il ne se passe pas un seul putain de jour sans qu’une énième humiliation ne vienne nous le rappeler. Chaque crachat dans la gueule, chaque fuite à travers nuit poursuivi par quinze macaques hurlants, chaque rappel de facture pour des choses que nous n’avons pas demandées, chaque fois que l’hyperclasse nous défonce le cul au nom du Peuple et de la Démocratie, nous nous pensons à Colubmine, à Erfurt, à Kauhajoki, à Winnenden.

 

Et à des cibles autrement mieux choisies que parmi des camarades de classe.

30/09/2009

REGRESSISME

Il faudra bien que les Boniches cessent de parler de ouacisme, parce que les choses sont beaucoup plus simples.

Nous retournons au stade de NOUS et EUX.

Les théories sur la supériorité des uns ou l'infériorité des autres ont doucement rejoint les débats sur le sexe des anges. Elles avaient leur légitimité tant que NOUS vivions entre semblables, selon nos moeurs historiques (qui évoluent à chaque siècle, je sais, lâchez-moi), et que la question se posait de savoir quoi faire des Indigènes, sur les terres où débarquaient nos missionnaires.

Maitenant qu'EUX sont massivement présents parmi nous, qu'ils font des gosses et pas nous, qu'ils projettent leur identité à la face du monde tandis que nous conchions la nôtre dans sa tombe, la donne est foutrement différente.

En combat, la tête se branche sur mode automatique. On ne se comporte plus comme on le fait d'ordinaire. Je ne l'ai pas vécu souvent, mais c'était assez violent pour que je m'en souvienne. Ce qui demeure de soi, c'est un concentré, un Réduit National, un résumé grossier : viande, adrénaline, fureur et bruit. Pas de place pour la  réflexion, ce sont les réflexes qui sont aux commandes, bons ou mauvais, bien canalisés ou la bride sur le col.

EUX n'ont pas du tout conscience d'être ouacistes, impérialistes, obsédés par l'expansion de leurs moeurs communautaires. Ils ne se posent aucune de ces questions byzantines. Il voient le territoire, et les autochtones qui l'occupent. Le premier est à conquérir par grignotage, les seconds à refouler et salir, en leur fauchant toutes les reproductrices qu'ils peuvent, parce qu'ils savent qu'elles seront marquées à vie, comme par une prima nocte.

TOUT tient là-dessus, sur cette trivialité qu'on commence tardivement à pouvoir admettre.

Nous en sommes tous conscients, de manière plus ou moins claire. EUX le savent avec d'autant plus de perfection que, là aussi, ils n'ont besoin d'aucune théorie sur la domination patriarchale. Ils la pratiquent, point barre. Leur avantage décisif ? Leurs bâtards leur appartiennent, même s'ils le confient à la mère et se carapatent du continent.

Pour survivre collectivement, il va falloir redevenir des animaux. Ce n'est pas une transition compliquée ni très douloureuse. Il suffira de se laisser aller, de juger les choses, les gens et les situations en s'en tenant à ce que disent les yeux et les narines. C'est à la portée des plus bouchés des toubabs collabos : quand ils nous disent que les colons sont "chez NOUS chez EUX", leur système limbique voit parfaitement la différence entre les deux groupes et traite séparément les informations qui en viennent.

Comme le disait Val, exprimant peut-être la seule pensée intelligente de son existence, être de gauche suppose un effort sur soi-même, sur sa nature de civilisé. Pour donner à la civilisation une chance de repartir sur des bases saines, tout ce que nous avons à faire, c'est justement arrêter de faire des efforts et filer le guidon à notre part d'ombre. Cesser de protéger les ruines pour écrabouiller la vermine et reconstruire, plus tard, bien plus tard, quand redevenir des gens raisonnables, cultivés et capables de compassion aura à nouveau un sens.

Tout en sachant que si nous avons la grâce divine de voir Le Grand Bordel de notre vivant, et que si nous y survivons, nous aurons sans doute à traîner des souvenirs trop crades pour conserver intacte toute ambition de vivre centenaire.

21/09/2009

COUPABLE

Trois-quatre blanchouilles qui sautent sur leur gratte dans une cave pour hurler leur refus de s'excuser d'être ce qu'ils sont.

Non gaillard. C'est pas Skrewdriver, ni Landser, ni n'importe-quoi-nommé-à-tort-Légion-88. C'est du punk amerloque straight edge et ça date de plus d'un putain de quart de siècle (version slayerienne, bien sûr, qui déchire plus la gueule).

 

 

Ceci pour dire quoi ? Que de l'autre côté de la flaque, ça fait plus d'une génération que des leucos pas spécialement politisés en ont plein l'entrefesse de la culpabilisation collective. Sur un continent-pays où le gouvernement a fait intervenir rien moins que l'armée avec fusils et baïonnettes pour que pâles et foncés se fréquentent dans les mêmes classees d'école.

Résultat ? NADA.

C'était juste pour vous rappeler l'importance de l'activisme et de l'éveil des consciences.

Soyez barges. Soyez haineux. Soyez irrécupérables. Mais ne vous laissez jamais aller à croire que ça changera quoique ce soit durant votre courte vie. Ca fait des putain de lustres que d'autres que nous ont compris que nous sommes condamnés à la broyeuse, et que leur entourage offre la tournée de champagne pour fêter ça.

13/09/2009

NE NOUS DELIVRE PAS DU MAL

Quelque part, un jour. Passer devant une église en bécane. Se piquer au jeu du surnaturel et faire demi-tour. Se parquer, enlever son casque, prendre un air de circonstance, s'asseoir sur un banc, là où c'est un peu plus sombre qu'ailleurs, et tenir à peu près ce langage à Marie (qui est quand même plus sympa que son fils et son mec) :

Bien chère déesse,

J'ai compris que, d'habitude, vos fidèles s'adressent à Vous pour quémander une protection contre une merde imminente ou une guérison rapide une fois la merde attrapée. Si je me permets de Vous déranger, c'est pour une demande plus simple. Dans Votre grande miséricorde, car l'on dit que c'est votre spécialité, je vous demande un miracle : faites en sorte que la grippe mexiporcine soit à la hauteur de la catastrophe qu'on nous promet. Dépassez les craintes les plus démentes des vendeurs de masques et de vaccins : balancez-nous dans la gueule une vraie putain de pandémie qui ridiculisera les millions de morts de 1918. C'était plus ou moins le même virus, non ? Ca ne devrait pas être bien compliqué pour Vous.

Je veux bien m'aider, mais je sais que sans l'aide du Ciel, je n'irai pas bien loin. Je me lave aussi rarement les mains qu'auparavant, j'éternue soigneusement en-dehors de mon coude, je peux même tenter de répandre de la poussière de mucus au boulot et dans les supermarchés, mais quoi ? Ma foi fragile ne fera guère trembler les montagnes d'hygiénisme ambiant. Un divin coup de pouce serait le bienvenu.

L'homme, vous le savez, n'apprend ni n'entreprend rien par lui-même. Il n'avance que sous la schlague. Sans adrénaline, sans la trouille et la faim pour lui travailler la tripe, il s'avachit sur les lauriers des ancêtres. C'est tout particulièrement vrai pour le Moderne, chez qui l'assistanat est une seconde nature en passe de remplacer la première. Même nous autres Unhappy Few qui dégueulons les temps présents n'y échappons pas. Toute notre haine, entretenue avec la maniaquerie d'un jardinier nippon, ne nous sauve pas de l'àquoibonisme, du dégoût qui paralyse et des compromissions dégueulasses. Pour redevenir des hommes à part entière, il nous faut bien plus que de la détermination face à la grisaille universelle. Ce qu'il nous faut, c'est une catastrophe à la mesure de notre rage d'en découdre. Culturellement, nous vivons "au milieu des ruines" ; mais les murs de notre taule politique, économique et médiatique sont, eux, encore bien debouts, épais, lisses comme des miroirs, et le reflet qu'ils nous renvoient de notre état misérable nous prive un peu plus de nos dernières forces vives.

Dans l'histoire de l'Occident, la tabula rasa a souvent été invoquée pour foutre par terre l'ordre garanti par le sceptre et le goupillon. Maintenant que nous étouffons au royaume du gode et du bifton, je Vous conjure de ne pas nous délivrer du Mal, bien au contraire. Donnez-nous l'occasion de nous y noyer pour renaître forts et droits.

Sainte Jeanne, donnez-nous une aventure. Une grande et noble aventure. Une aventure à la mesure de la France, comme celle que vous nous aviez donnée à l'époque de la guerre d'Algérie et que nous n'avons pas su apprécier. Faites que nous courions des dangers, que la vie devienne exaltante et dure, que nous oubliions nos comptes en banque, nos livrets de caisse d'épargne, nos chaînes hi fi, nos vacances, notre bougeotte, nos coucheries, nos barbituriques, nos prudhommes, nos normes européennes, notre traintrain planplan, et revenez alors, revenez sainte Jeanne, brandir votre étendard et vous mettre à la tête de ceux qui vous suivront. Il y en aura, sainte Jeanne, il y en aura. Et peut-être plus que nous ne pensons.

Bénéfices de la panique et de la prévention : la même merde qui continue, en bossant à la maison, en faisant ses courses sur Internet, en organisant des cyberapéros avec webcam et micros, jusqu'à ce que les zexperts nous permettent de reprendre la routine de nos pitoyables journées véllib-boulot-valium.

Bénéfices d'un massacre viral : effondrement des prix de l'immobilier/ diminution de toutes les formes de pollution/ paralysie de l'économie mondialisante, avec suspension probable de toute activité boursière/ règlement durable de la surpopulation, à l'origine du chômage, de la dépression, de toutes les maladies liées au stress/ coup de frein brutal à tous les phénomènes de migration/ implosion du contrôle étatique, propice à toutes les sécessions imaginables/ und so weiter.

Franchement, y a pas photo.

Alors, bien chère Marie, un bon mouvement : génocidez-nous, vite, bien, massivement. La disparition à petit feu et l'abâtardissement gangréneux, nous n'en pouvons absolument plus.

Amen, et merci.

04/09/2009

LISEZ POTIRON

C'est un ordre. En plus vous allez vous fendre la poire. Et faire rire avec la quintessence de l'abomination consumériste, c'est pas facile.  

12/08/2009

FUNERAILLES PORNOGRAPHIQUES

Que la civilisation européenne crève - ou plus précisément, que crève ce qui lui donnait sa beauté, son panache, sa valeur - n'est pas forcément un problème moral insurmontable. Les empires naissent et crèvent, certains plus vite que d'autres, comme "avant leur temps", mais quoi ?  Les meilleures choses ont une fin, s'pas. Ce qui est abominable, c'est que notre extinction se déroule dans une ambiance de fiesta planifiée, avec bonne humeur obligatoire et esclaffades enregistrées. On ne nous laissera pas même claquer comme des chats, planqués dans des coins sombres, il faut que nos funérailles ressemblent à celles de Chloé dans L'Ecume des Jours : obscènes, dégueulasses, bouffonnes, histoire de bafouer jusqu'au dernier souvenir de nos grandeurs passées. Les Blanchouilles disparaissent et sont invités à faire la claque pour la mise en scène de leur propre extermination tranquille.

Je les entends rire comme je râle
Je les vois danser comme je succombe
Je ne pensais pas qu'on puisse autant
S'amuser autour d'une tombe

Est-ce que ce monde est sérieux?

(Défi : faire mieux que détourner du Cabrel pour prêcher la guerre totale ethnique. Genre : Bruel ou Obispo)

Et on voudrait, dans de telles conditions, ne pas succomber à la tentation de piéger son propre cadavre, histoire qu'il pète tout desprogement à la gueule de nos embaumeurs ? Il faudrait trouver immature, poseur, inconséquent le rêve de réconcilier idéal patriotique et politique de la terre brûlée ? Ca ne vous arrache pas le coeur et le ventre, à vous, cette idée de léguer le Colysée, le Parthénon, la chapelle Sixtine ou la basilique de Saint-Denis aux hordes décérébrées issues des pires replis du duodénum de cette foutue planète ? A choisir, ne vaudrait-il pas mieux tout plastiquer ? Je saurais à peine fabriquer un Molotov sans me brûler les pognes, mais je pose la question quand même. La substitution ethnique s'est mise en place avant notre naissance, elle continue à plein régime chaque jour, une action concertée de tous les gouvernements d'Europe pourrait à peine la freiner, fut-ce au prix d'un massacre. J'en déduis que tout ce qui sera sauvé ne le sera pas pour nos mouflets. NOS mouflets, j'insiste lourdement.

Dans mon entourage direct et indirect, en segmentant par individu, je croise presque chaque semaine "quelqu'un-qui-connaît-quelqu'un" en train de fonder une famille dite multiculturelle. Ca se passe en Chuiche, pays de nains de jardins et de banquiers qui n'a jamais colonisé personne, dont la moindre fermette semble afficher fièrement son drapeau, et dans lequel fort peu de racailles s'amusent à flamber des bagnoles lors de la fête nationale. Pas besoin de banlieues sensibles pour se faire lentement effacer de la surface de notre coin de globe. Tout ça se fait fort helvétiquement, avec retenue, et comme avec indifférence. Ces parents et grand-parents qui voient leur lignée partir en peau de couilles tannées prennent tout ça avec le sourire, c'est bien un max si certains se permettent, en douce, un vague soupir de désillusion, de résignation aigrelette, quand ils sont sûrs que, pour une fois, on ne leur sortira pas le catéchisme Citoyen autogénocidaire.

Faut bien que le spectacle continue. Est-ce que c'est chaud ce soiiiiir ? J'ai dit : Est-ce que c'est chaud ce soiiiiiiiiiir ?! Une boule à facettes dans un funérarium ne ferait pas meilleur effet.

08/08/2009

PROMESSE AUX TRAÎTRES

Saege.jpg

 

Il viendra un jour où vous serez forcés de vous retirer des affaires, trop vieux, trop malades, usés par vos excès, lâchés par vos appuis, à l'abri du besoin sans doute - mais pas de nos petits carnets. Nous nous occuperons de vous. Parce que nous aurons l'âge de prendre la relève dans ces Camera Obscura qu'on appelle encore "entreprises", "gouvernements", "conseils communaux", "syndicats." Je dis "nous", bien sûr, sans illusion. En ce qui concerne ma pomme, et mes frères en déglingue haineuse post-ethnocentriste, l'affaire est déjà entendue. Nous aurons clamsé bien avant vous. Vous pourrez savourer notre disparition précoce comme une belle victoire personnelle, ne vous gênez pas, profitez-en jusqu'au bout. Nous n'avons jamais été et ne serons jamais une menace directe pour vous. Nous ne vous ferons jamais payer la transformation de nos vies en concentré de jus de latrines. Nous crèverons sans avoir jamais l'occasion de vous tirer une balle dans chaque articulation, ou de faire patiemment de vos enfants, mois après mois de séquestration dans nos caves, des toxicos prêts à tous les viols pour une dose insuffisante d'antidouleurs. Vous n'avez rien à redouter de nous. C'est à se demander si toutes les lois et le matraquage mémoriel que vous nous consacrez sont autre chose qu'un loisir pervers, une version adulte de l'arrachage d'ailes de mouche.

Mais gaffe à tous les autres.

Gaffe à ceux qui nous aurons entendu trop tard, ou à moitié, ou sans bien comprendre sur le moment. Gaffe à ces jeunes blanchouilles qui auront réussi à éviter le crash auquel nous sommes promis, sans pour autant se laisser polluer par vos innomables poisons du coeur et de l'âme. Gaffe à la relève dont vous aurez besoin pour gérer votre retraite, vos caméras de surveillance, vos soirées mondaines, votre taux de cholestérol, vos loisirs de vétérans de la tiers-mondisation du continent. Gaffe à ceux qui se souviendront que vous avez bousillé la jeunesse de leurs pères, hypothéqué leur propre avenir avant leur naissance, et qui s'assureront que votre fin de vie sera un festival de souffrances, d'humiliation et de harcèlement psychologique aussi long que possible.

Gaffe aussi aux petits-enfants des meutes de primates à qui vous avez cédé l'Occident par démence doctrinaire, mélanolâtrie pornocrate et maquignonage financier. Ils auront pour vous un mépris à la hauteur de la haine que vous leur aurez inculquée pour leurs nouvelles patries et leurs autochtones disparus. Ils piétinneront vos fils dans la rue, le métro, les cours d'école. Pour trois euros, pour un Iphone fatigué, pour s'amuser, pour rien du tout, et la flicaille vous expliquera, avec un demi-sourire, que mieux vaut déménager et ne pas réagir, "parce que ça va les provoquer encore plus".  Ils troncheront vos gamines enthousiastes et soumises, et s'ils leur font des gosses, ils leur enseigneront l'ignorance complète de toutes vos fausses valeurs, la méfiance envers votre lignée, qu'ils dilueront autant qu'ils pourront dans une Untermensch Pride dont vous n'imaginez qu'à peine la férocité dogmatique. Ils cracheront sur vos godasses quand vous n'aurez pas le choix que de raser les murs qu'ils se seront appropriés. Tout ce que vous aurez fait pour faciliter leur intégration forcée dans votre Babel trisomique, ils vous le rendront en coups, en insultes, en dérision de votre grand âge et de votre dévouement de kapos-collabos.

Gaffe encore aux déracinés dans mon genre, si par un hasard stupéfiant ils devaient arriver à un âge où ils n'auront vraiment plus rien à perdre, ayant tout gâché, tout bousillé, tout raté à force de s'acharner à mener une vie droite sur des bases tordues. Ils sauront où vous crêchez. Ils auront tout le temps, clodos, sdf, alcoolos ravagés, parasites des miettes de l'aide sociale, tarés pittoresques submergés de chats sauvages, tout le temps d'observer vos allées et venues, les routines de vos femelles et vos chiards, et ils ne seront pas toujours assez shootés pour résister à la rage de vous arracher un tout petit morceau avant de se faire abattre par vos vigiles ou réexpédier une énième fois à l'asile.

S'il est une dernière chose qui nous maintienne chaque nuit la tête hors de l'eau, c'est ce serment toujours répété, comme un mantra, comme une litanie noire et poisseuse, de ne pas quitter cette terre sans vous écraser au moins une fois la gueule dans la merde où vous nous aurez fait claquer à petit feu. Nous ne croyons plus à rien, ni à la Fidélité, ni à l'Honneur, ni à la Révolution, ni au Peuple, ni à la Nation, ni à la Justice. Notre ultime recours, notre Rédemption, l'étourdissante Madone qui irradie nos égoûts se nomme

VENGEANCE

25/07/2009

WANDER LUST

Do you still walk the streets at night?
With the wandlust you fight
Back to the corner where we went our
seperate ways

Flogging Molly

lonely road.jpg

Il n'est pas tard, mais chacun semble avoir sommeil, beaucoup ont quelques centaines de kilomètres dans les pattes. Payer l'addition, sécher les verres, se saluer. Je rejoins ma bécane, m'équipe, me mets en route. Le trajet pourrait être court mais il faudrait pour cela une certaine envie de retrouver les pénates, qui à ce moment fait défaut. Rester sur place et enchaîner les tournées d'absolument n'importe quoi, voilà la seule solution de continuité acceptable, rejetée par le départ de chacun.

Je pourrais continuer ailleurs mais je sens déjà que, quel que soit l'endroit et quoi que j'y commande, tout sera inadéquat, comme hors de propos, lassant avant même de commencer. Et puis, sur le chemin, quelle adresse est-ce que je connais vraiment ? Une solution serait de passer à l'appart, d'embarquer des munitions et d'aller les liquider dans un coin à l'abri du vent - et pourquoi pas embarquer de quoi faire du feu, aussi, tiens ? Le soufflé retombe à peine sorti du four : pas l'énergie. Pour faire quelque chose ou ne rien faire du tout. Pas le choix : il faut continuer à rouler. Je dépasse mon bled en n'en prenant conscience que trop tard, de toute manière.

La route est vide. Le soleil, disparu depuis deux heures, décore encore les sommets d'un ravissant halo bleu néon. De gros insectes croisent parfois ma trajectoire comme des balles traçantes saoules. C'est à peine si j'entends encore le bruit du moteur. Au moment de partir, sur la terrasse, il faisait presque trop frais ; en selle, veste fermée, c'est encore juste agréable. Ca remet les idées en place. Passe un village, puis un autre. Pas évident de se maintenir en-dessous de 100, je ne sais pas trop pourquoi je cherche à le faire d'ailleurs, ce coin-là ne m'a jamais semblé très fliqué. Je tente quelques longueurs toutes lumières coupées, mais il ne fait pas assez clair ; la lune dessine un croissant qui semble immense mais encore trop maigre. Inutile d'en faire des tonnes dans le genre, non plus. Rallumer, adopter une vitesse régulière. Je rote un mélange d'huile pimentée, de café et de grappa - servie glacée, détail remarquable. Je dois avoir le foie qui fatigue.

Je me souviens d'un temps, pas si éloigné, où c'est à pinces que je sacrifiais à l'obligation d'endormir ce mal nocturne particulier, arraché du plumard par un élan plus impérieux que l'insomnie ordinaire. Cette garce-là se contente, et c'est déjà suffisant, de te faire jouer à la broche humaine, en trempant méthodiquement chaque recoin de draps, en patientant le temps que s'étouffe le bourdonnement d'entre les tympans. Rien à voir avec cet appel de la nuit, qui exige que tu viennes lui rendre visite sans n'avoir rien à lui dire. Je trinquais avec elle au whisky, en général, dans la lumière orange des lampadaires, écrivant parfois à la craie sur le bitume aux heures où l'on pouvait se coucher sans crainte en travers de la route. Ca pouvait durer des heures, avec le privilège de rentrer à la fois vidé et comblé. Et puis ça n'a plus suffi. Le passage à l'acte seul apportait une certaine satisfaction : une fois dehors, pas plus de sérénité. La nuit devenait aussi étroite que la piaule. Ce soir, c'est un peu pareil, sauf qu'il est encore possible de s'enivrer de vitesse. Une entrée d'autoroute se présente justement.

Ce n'est pas que je traîne, mais un sale con me talonne sur la voie d'accélération. Je suis à peine à 120 que ce rectum en 4X4 me dépasse, bien à 160. Je le laisse tracer. Il y a du monde, ce qui force à se concentrer un peu. Slalomer entre les pas pressés, dégager la voie pour ceux qui sont à la bourre. Ne pas louper la bonne sortie. L'air hurle dans le casque en tonalités suraiguës. Encore deux minutes et nous serons en un lieu qui, désormais, constitue le point d'arrivée et de départ de toute journée ordinaire. Est-ce parce que c'est encore trop neuf que je ne veux pas y rentrer ? L'odeur de peinture, en tous cas, s'est atténuée, ou alors je ne la sens plus. Un effort, putain : parquer la bête, trouver la serrure dans le noir, fermer derrière soi. Ici non plus, rien de ce que je pourrais me servir ne m'inspire. C'est pourtant pas la variété qui manque. Un truc très frais, pas trop sucré, ni trop lourd, voilà qui ferait l'affaire. Si j'avais su que je rentrerais dans de telles dispositions, j'aurais foutu la bouteille de gentiane au frigo, ou j'aurais fait des glaçons pour n'importe quel cocktail, il me reste justement du citron vert. Tant pis, ça sera du thé.

Sur fond de silence : soufflerie du pécé, vibration des tuyaux dans les murs, tremblements épileptiques du frigo, va-et-vient des locataires dans les couloirs, et ce scintillement continu, acidulé, qui vient combler ces vides qui suivent abruptement les longues périodes de boucan. Toujours pas installé de quoi écouter décemment de la musique ; les sons qui sortent de cette machine sont atroces, pas de basses, pas de mediums, tout zozote et grince comme un transistor dans un bunker, Antimatter ou Disfear sonnent presque pareil.

Aucune chance de roupiller avant des plombes. La bonne nouvelle, c'est que je n'ai plus la bougeotte. Il sera peut-être possible d'aller se tuer la tête et les yeux devant la téloche. En fin de compte, c'est par ça qu'il aurait fallu commencer.

25/05/2009

TABULA RASA

scorched earth1.jpg

 

Les villages que nous traversâmes en remontant en ligne offraient le spectacle de grands asiles d'aliénés. Des compagnies entières poussaient des murs et les abattaient, ou bien, perchées sur les toits, elles fracassaient les tuiles. On coupait les arbres, on cassait les vitres; partout alentour, des nuages de fumée et de poussière s'élevaient d'énormes tas de décombres. On voyait des hommes s'agiter frénétiquement, avec les costumes abandonnés par les habitants, ou en robes de femmes, avec des hauts-de-forme sur la tête. Ils découvraient avec l'intuition du destructeur la maîtresse-poutre de la maison, y fixaient des cordes et halaient, criant en cadence, jusqu'au moment où tout s'effondrait dans une grêle de pierres. D'autres brandissaient de grands marteaux et mettaient en miettes tout ce qu'ils rencontraient, des pots de fleurs sur les appuis des fenêtres aux verrières délicates d'une serre.

Jusqu'à la position Siegfried, chaque vilage n'était plus qu'un monceau de ruines, chaque arbre abattu, chaque route minée, chaque puits empoisonné, chaque cours d'eau arrêté par des digues, chaque cave crevée à coups d'explosifs ou rendue dangereuse par des bombes cachées, chaque fil téléphonique roulé et emporté, tout ce qui pouvait brûler avait flambé: bref, nous changeâmes le pays en désert, en prévision de l'avance ennemie.

 

E. Jünger, Orages d'acier

04/12/2008

LE MIRACLE DE LA HAINE

Il y a les ceusses qui font des chiards parce que "ça se fait", impératifs biologiques et intégration sociale s'associant pour le meilleur et le pire.

Il y a les ceusses qui en font par amûr, ce truc qui dure environ deux ans jusqu'à la garde inégalement alternée.

Et puis il y a les ceusses, plus minoritaires mais largement moins récupérables, qui pondront des mouflets par haine pure.

Un puissant argument contre la reproduction, paradoxalement, est l'altruisme, dans sa version "souci de ne pas infliger à autrui ce qui nous a fortement déplu". Un élan aussi noble qu'infantile, l'un n'allant évidemment pas sans l'autre. ll faut une tripe romantique pour donner un sens esthétique à la vie, et les romantiques ne vivent pas vieux, soit parce qu'ils se flinguent, soit parce qu'ils finissent par mûrir et transiger beaucoup plus ouvertement, sereinement. C'est justement ça qui permet d'envisager la mise en route d'une famille sous un angle qu'on pensait inimaginable.

L'ultime acte militant. Le summum du terrorisme à long terme. La rencontre de l'amour et de la haine sur leur seul terrain d'entente possible.

Il faut bien admettre, un jour, un horrible jour, que l'action directe et la dissertation savante sur les racines ethnophilosophiques de l'Europe débouchent sur le même collecteur d'égouts. Vaine agitation. Nous ne changerons pas le cours de l'histoire, personne ne l'a jamais changé, il n'a jamais existé que dans l'esprit malsain des chroniqueurs. Coups de batte ou traits de plume, c'est pareil. Du Bruit Blanc en guise d'épitaphe commune, et rien d'autre.

Que faire alors de cette fureur de vivre qui ne nous est plus utile, puisque vivre dans notre Grand Hospice Occidental mène à tant de laideur et d'empilements de trahisons minuscules ?

Passer l'immonde témoin. Exactement ce qu'on se jurait, à mi-parcours, de ne jamais faire, par dignité, par esprit de revanche et de contradiction.

Transmettre la sainte flamme de la Colère à la génération suivante, en payant de sa personne, dans la discrétion totale et pour au moins un quart de siècle à plein temps.

Revenir aux basiques, stupidement, animalement, et plus conformiste tu claques.

Faire de notre haine folle un héritage.

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Fabriquer les mines antipersonnel de demain avec notre propre chair. Avec le risque considérable qu'elles nous pètent à la gueule ou qu'elles fassent long feu, sans qu'on sache trop laquelle de ces options justifie le plus efficacement la vasectomie.

Faire comme tout le monde, en fait. C'est une expérience hallucinante, mine de rien, pour nous autres Perdants de l'Histoire (pour reprendre un sobriquet qui me plaît énormément, de même que Lumpen-Nationalistes; pas sûr que son auteur, qui se reconnaîtra, ait conçu ça comme un compliment, mais c'est le résultat qui compte et cette digression est vraiment merdique).

Bien sûr, tout ça, ne le dites pas à vos gonzesses. Elles balisent suffisamment comme ça. Faites comme d'habitude : ne dites rien. Continuez de passer pour renfermés, handicapés des émotions, égocentriques, vulgaires, et toutes ces chouettes travers sans lesquels leur besoin viscéral de se plaindre ne serait pas satisfait. Tout est bien mieux ainsi. Au sein du couple comme de l'entreprise - la similitude est assez frappante sur ce chapitre précis - une réputation solide de médiocrité accroît le confort de vie (do you speak moderne?).

"Faire comme tout le monde", putain. Dix-huit ans à s'engueuler avec tout le monde et à foutre en l'air toute chance de réussite sociale pour finir par un tel slogan. Ca fout le vertige. C'est digne d'un prodigieux connard. C'est génial.

12/09/2008

NEAR DEATH POETRY

Un correspondant anonyme, à lire mes insanités dans un coin discret du ouaibe, me demande si j'ai encore des potes ou si je vis "comme Elysée Reclus." Un autre, beaucoup plus sceptique, estime que je suis, respectivement, "un misanthrope de carnaval, un vomisseur à temps partiel et un nihiliste en RTT." Petit exercice d'autodissection indécente.

 

Quand tu vois ce qu'un Costes, un G.G. Allen ou un Iggy Pop de la grande époque peuvent faire sur scène, tu te dis que c'est une forme de testament écrit en direct, à coups de rasoir dans la chair. Que ce n'est pas possible de continuer à vivre après ça. Que l'amour propre et l'instinct de conservation en prennent vraiment trop plein la gueule pour qu'une résilience soit techniquement concevable. Et puis non. Ils sont toujours là. Ils vivent, ils sortent, ils parlent aux gens, ils ont mêmes des potes et des plans-cul durables. 

 

Ce blog c'est un peu pareil. La différence c'est que ça n'est pas un exutoire. Rien de ce qui y est publié ne soulage. On se relève la nuit, des couteaux plein le ventre, du bruit blanc entre les oreilles, on en distille une partie par clavier interposé, on arrange le tout de manière acceptable selon les canons en vigueur en Occident (d'un point de vue stylistique s'entend), on appuie sur "Publier maintenant", et on retourne se coucher. Les lames et le brouillage sont toujours là. L'épuisement ne cède toujours pas son siège au sommeil. Mais on a la sensation d'avoir utilisé ce fumier pour faire pousser quelque chose, quitte à ne cultiver que des ronces et des buissons de belladones : pas mangeable mais décoratif.

 

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Par épuisement autant que par vanité, j'aurais tendance à dire que c'est " déjà pas mal ". Ni suffisant, ni utile, ni beau - juste pas mal.

 

Pas suffisant parce que face au torrent de hideur qu'est devenu notre quotidien, écrire n'est rien. C'est détruire qu'il faudrait, décimer, incendier, appliquer enfin concrètement cette terreur dont nous bassine le gendarme mondial, être à la hauteur de l'épouvantail benladenesque qu'il agite en n'y croyant pas une seconde. Mais bon, ce n'est pas donné à tout le monde. Une formation d'assassin et d'artificier, ça commence tôt, à un âge où la plupart d'entre nous croyait encore suffisant de distribuer des tracts ou de porter des t-shirts à slogans. Trop tard. Fait chier. Tant pis.

 

Pas utile parce que ça ne fait que rajouter de la fange dans un monde qui barbote déjà bien assez dans la vase. La différence avec les Boniches de notre grisaille est minuscule. Ils salopent au nom du Progrès, en croyant sincèrement faire du beau avec du laid. Moi je ne dégueulasse que dans l'espoir d'arracher un lambeau de ce masque.

 

Pas beau, enfin, parce que créer de la beauté suppose qu'on conserve en soi des réserves insoupçonnées d'énergie vitale. Un artiste au sens noble du terme est un catalyseur, une dynamo humaine capable de transformer de la force brute en énergie positive et édifiante, un démiurge avec les épaules et les reins assez robustes pour combattre activement la laideur et le pourrissement. Je n'ai pas cette carrure-là. Et puis je n'y crois pas une seconde non plus, soyons francs. Repousser le laid avec le beau, c'est le même principe que la non-violence pour renverser l'oppression ; ça peut fonctionner avec un pouvoir le cul posé sur des baïonnettes. Les ordures qui nous cornaquent ont une assise autrement plus stable puisqu'ils rentabilisent l'apathie et la crasse, et surtout parce qu'ils ont la meilleure conscience du monde. Ils sont du côté du Bien. La Vie prime tout pour eux, l'existence la plus stupide vaut mieux à leurs yeux qu'une mort digne.

 

Tout occupés qu'ils sont à épurer l'Europe de ses habitants et à augmenter le rendement de l'avortement, pas un instant ils ne se laissent aller à gueuler Viva la Muerte ! C'est une invocation qui n'appartient qu'à nous autres, présumés défenseur de la vie et de la force qui la soutient. Allez comprendre.

 

 

20/07/2008

APPETITE FOR DESTRUCTION

Les jeunes voyous du rock'n'roll chambardent les rues du monde entier. Ils envahissent le Louvre et vitriolent la Joconde, ils ouvrent les grilles des zoos, des prisons et des asiles d'aliénés, ils crèvent les conduites d'eau au marteau pneumatique, défoncent à la hache le plancher des toilettes dans les avions de ligne, tirent à la cible sur les phares, liment les câbles d'ascenseur jusqu'au dernier toron, relient les tuyaux d'égout aux canalisations d'eau potable, jettent dans les piscines requins et pastenagues, anguilles électriques et candirous (minuscule poisson de la famille de l'urogymnus qui hante certains fleuves mal famés du bassin de l'Amazone, ressemblant à une anguille miniature dont la taille varie de quelques millimètres à cinq centimètres, le candirou s'insinue dans l'urètre ou l'anus du baigneur imprudent - ou encore, faute de mieux, dans une chatière de dame - et s'y cramponne à demeure avec ses petites griffes acérées, tout cela dans un dessein qui reste quelque peu obscur étant donné que nul ne s'est offert jusqu'ici pour étudier in situ le mode de vie du candirou), s'affublent en pirates pour éperonner le Queen Mary de plein fouet dans le port de New York, jouent aux James Dean au bord des falaises avec des autocars et des avions de transport, infestent les hôpitaux (déguisés en internes avec blouses blanches, hachoirs, scies et scalpels longs de trois pieds, ils démoulent les paralytiques de leurs poumons d'acier, singent leurs hoquets de suffocation en se trémoussant sur le carrelage les quatre fers en l'air, la langue pendante et les yeux révulsés, administrent des clystères avec des pompes à bicyclette, débranchent les reins artificiels, coupent une femme en deux avec une scie chirurgicale à quatre mains), lâchent des hordes de cochons grognonnants dans les coulisses de la Bourse, font caca sur le plancher de la salle des séances des Nations-Unies et se torchent avec les traités, les alliances et les pactes...
 
 
 
William Burroughs, Le Festin Nu, 1959, p.57